Vous voulez gérer vos placements (et votre retraite) en n’y consacrant que 20 minutes et en répondant à 10 questions ? Oui, c’est possible. Voici une formule simple, facile à suivre, avec les frais de gestion les plus bas possible.

1. Cette formule est-elle faite pour vous ?

En résumé, au cours des 20 prochaines minutes, vous allez choisir :

• votre taux d’épargne pour la retraite ;
• votre taux d’épargne pour vous constituer un coussin financier de sécurité ;
• vos placements pour la retraite (REER ou CELI) ;
• vos placements pour un coussin financier de sécurité (CELI).

Pour adopter cette formule, vous devez toutefois avoir les caractéristiques suivantes et être d’accord avec les objectifs suivants :

1) Vous ne connaissez pas grand-chose à la Bourse, et vous ne voulez pas devenir un spécialiste. Vous allez investir dans les grands indices boursiers pour bien vous diversifier. Vous n’essaierez pas de « battre le marché ». Peu de gestionnaires de portefeuilles y arrivent de toute façon : pour les portefeuilles diversifiés mondialement, les indices battent environ 75 % des gestionnaires de portefeuilles.

2) Vous allez investir dans des fonds indiciels négociés en Bourse ou des robots investisseurs avec des frais de gestion peu élevés, ce qui vous permettra de meilleurs rendements. Par exemple, un fonds commun équilibré a généralement des frais de gestion entre 2 % et 2,4 %. Un fonds indiciel négocié en Bourse en formule tout-en-un a des frais de gestion 10 fois moins élevés, d’à peine 0,20 %. Un robot investisseur, qui investit lui aussi dans des fonds indiciels négociés en Bourse, a des frais de gestion variant généralement entre 0,4 % et 0,7 %. « Ce sont parmi les meilleurs choix pour une personne qui ne veut pas se casser la tête », dit Richard Guay, professeur en finance à l’École des sciences de la gestion de l’UQAM et ancien PDG de la Caisse de dépôt et placement du Québec.

3) Vous n’avez pas besoin d’un planificateur financier pour vous rassurer quand il y a une mauvaise nouvelle à la Bourse. Pour certaines personnes, gérer ses placements, même en ne faisant presque rien, c’est trop de stress. Si c’est votre cas, il vaut mieux engager un planificateur financier et avoir l’esprit en paix.

2. Combien d’argent faut-il épargner en vue de la retraite ?

Quand on parle ici de votre taux d’épargne pour la retraite, on parle du pourcentage de votre salaire annuel qui devrait être consacré à votre fonds de retraite avec votre employeur ou à votre REER/CELI géré individuellement en vue de la retraite.

Au Québec, la moyenne totale des cotisations (employé + employeur) dans un régime de retraite avec un employeur du secteur privé varie entre 5,4 % et 7 % du salaire. C’est insuffisant dans la grande majorité des cas. Par contre, les fonctionnaires provinciaux ont un taux total de cotisation de 21 % et les enseignants de 16 %.

Quel pourcentage total de son salaire faut-il épargner en vue de sa retraite ? Ça dépend principalement de trois facteurs : votre revenu annuel, l’âge auquel vous voulez prendre votre retraite et le taux de remplacement de votre revenu à la retraite.

PHOTO STÉPHANE LESSARD, LE NOUVELLISTE, LA PRESSE

Daniel Laverdière, planificateur financier et directeur du Centre d’expertise de Banque Nationale Gestion privée 1859

Pour le taux de remplacement du revenu à la retraite, Daniel Laverdière, planificateur financier et directeur du Centre d’expertise de Banque Nationale Gestion privée 1859, suggère de viser un taux entre 60 % et 70 %. Le seuil minimal à viser est de 50 %, ce qui donne des revenus plutôt modestes à la retraite. À 70 %, compte tenu du fait que vous allez cesser de faire plusieurs contributions (ex. : syndicat, fonds de pension, Régime des rentes du Québec, assurance-emploi) et que vous n’aurez pas de dépenses reliées au travail, vous avez presque le même revenu réel que sur le marché du travail.

À quel âge voulez-vous prendre votre retraite ? Cette décision change toute votre stratégie d’épargne.

Selon votre situation, vous pouvez faire le calcul de votre taux total d’épargne à l’aide du tableau suivant et verser le montant en question chaque mois dans un compte REER ou CELI. Un rappel : ce taux d’épargne est votre taux d’épargne total pour la retraite, ce qui comprend à la fois les cotisations totales au fonds de retraite avec votre employeur et votre REER/CELI individuel.

Le tableau ci-dessus a été conçu en tenant compte du fait que les futurs retraités commencent à épargner à l’âge de 30 ans. Si vous avez commencé à épargner cinq ans plus tôt (à l’âge de 25 ans), il est possible d’arriver au même résultat en ayant un taux d’épargne par an de 3 % inférieur à ce qui est indiqué dans le tableau.

Finalement, pour la retraite, doit-on investir dans un REER ou un CELI ? Les deux options sont avantageuses. Le REER permet de réduire ses impôts quand on cotise, mais on paiera des impôts plus tard à la retraite quand on retire l’argent (bref, c’est de l’impôt reporté). Le CELI, lui, ne donne pas droit à une déduction d’impôt, mais tous les gains sont ensuite à l’abri de l’impôt. De façon générale, les plus petits salariés devraient prioriser le CELI. Le REER est encore plus avantageux que le CELI si on pense que son taux d’imposition sera moindre durant l’année où on retire son argent par rapport à l’année où on a cotisé.

3. Avez-vous un coussin financier de sécurité ?

Pour être moins stressé financièrement, il est hautement conseillé de se constituer un coussin financier pour les imprévus ou pour des projets. On suggère généralement entre trois et six mois de salaire net (après impôts et cotisations). Ce n’est pas toujours possible d’atteindre trois mois de salaire net (encore moins six mois), mais c’est un objectif qui vous donnera de la liberté financière plus tard. Pour les jeunes travailleurs, il est normal de prendre quelques années pour y arriver. De toute façon, il n’est jamais trop tard pour commencer à se donner ce coussin, qui peut servir à financer un projet important comme l’achat d’une maison, un voyage autour du monde ou un retour aux études.

Vous pouvez placer ce coussin dans un CELI (vous choisirez dans quel type de placement dans quelques minutes). Si vous n’avez pas ce coussin, vous pouvez épargner un montant chaque mois pour vous en constituer un de façon graduelle.

4. Quelle est votre tolérance de risque en vue de la retraite ?

Avant de choisir ses placements pour la retraite, il faut connaître le niveau de risque.

Pour son compte pour la retraite, le professeur Richard Guay suggère d’avoir un fonds négocié en Bourse (FNB) indiciel avec 100 % en actions (vous choisirez les fonds plus tard). Sur un horizon de 20 ans, les actions ont 80 % de chances d’offrir de meilleurs rendements que les obligations. Cette solution est « optimale » sur le plan financier, selon lui. Vous n’aurez pas besoin de votre fonds de retraite avant plusieurs décennies, donc vous avez l’occasion de vous refaire après une correction boursière comme ce fut le cas en mars 2020.

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

Richard Guay, professeur en finance à l’École des sciences de la gestion de l’UQAM et ancien PDG de la Caisse de dépôt et placement du Québec

Mais si votre tolérance au risque est très faible, on peut alors utiliser une vieille règle des placements en vue de la retraite : détenir son âge en pourcentage d’obligations. Par exemple, à 40 ans, vous devriez avoir 40 % d’obligations et 60 % d’actions. « Il faut que la personne soit à l’aise avec le niveau de risque. Si la personne n’est pas à l’aise, il vaut mieux prendre cette deuxième règle qui lui convient mieux, même si au final, elle laissera de l’argent sur la table à la retraite, sur le plan mathématique », dit Richard Guay.

Si vous choisissez la première option avec un FNB indiciel à 100 % en actions, il faudra, à l’approche de la retraite, commencer à réduire son exposition aux actions pour acheter des fonds indiciels d’obligations. Richard Guay identifie ici deux types de retraités. Un retraité du secteur public qui a déjà un fonds de pension garanti peut prendre davantage de risque et garder 100 % de son épargne en actions jusqu’à sa retraite, pour ensuite le réduire graduellement après sa retraite (ex. : 50 % en actions à l’âge de 75 ans). Pour un retraité du secteur privé qui gère lui-même sa retraite, Richard Guay suggère d’être plus prudent : 10 ans avant sa retraite, on commence à diminuer son pourcentage d’actions, afin d’arriver à 50 % d’actions et 50 % d’obligations au moment de la retraite. Vers l’âge de 75 ans, il serait plus approprié d’avoir 100 % d’obligations.

5. Quelle est votre tolérance au risque pour votre coussin financier ?

Elle est généralement très, très faible. Une personne qui se constitue un coussin financier (de trois à six mois de salaire net) devrait le placer en sécurité à 100 % dans des fonds indiciels d’obligations pour viser la protection de votre capital, au cas où la Bourse subirait une correction, suggère Richard Guay. Ce dernier suggère alors de choisir un FNB indiciel composé de 100 % d’obligations. Si le projet est dans un horizon supérieur à cinq ans, M. Guay suggère alors une répartition 50 % d’actions/50 % d’obligations.

6. Quels placements choisir pour sa retraite ?

Si vous avez moins de 15 000 $ à investir

Pour les petits épargnants qui commencent et qui ont moins de 15 000 $ au total (retraite et épargne), la meilleure solution est de miser sur un robot investisseur. Les frais de gestion sont moins élevés que les fonds communs de placement. En plus, le robot investisseur s’occupe de recalibrer automatiquement votre portefeuille. Bref, vous n’avez rien à faire hormis choisir votre niveau de risque. Tous les robots investisseurs investissent dans des fonds indiciels. Regardez aussi les frais demandés pour transférer vos fonds dans une autre institution financière plus tard : à ce sujet, seul Wealthsimple n’impose aucuns frais pour transférer un REER ou un CELI.

Pourquoi ne pas ouvrir des fonds négociés en Bourse (FNB) avec un compte de courtage en ligne ? Parce que les frais administratifs des comptes de courtage sont plus élevés que les frais de gestion des robots investisseurs.

À noter que les robots investisseurs sont aussi un véhicule de placement idéal pour des étudiants ou de jeunes adultes qui ont un peu d’argent de côté et qui veulent commencer à investir.

Si vous avez plus de 15 000 $ à investir

Si vous avez plus de 15 000 $ au total (retraite et épargne), il est plus rentable au chapitre des frais d’ouvrir un compte de courtage et d’investir directement dans un FNB indiciel. Il y a une formule particulièrement simple : les FNB indiciels multiactifs. Il s’agit d’une formule tout-en-un qui comprend plusieurs FNB indiciels selon votre répartition d’actifs désirée.

Il y a principalement trois familles de fonds indiciels équilibrés au Canada : iShares de BlackRock (frais de gestion de 0,20 %), Vanguard (frais de gestion de 0,25 %) et BMO (frais de gestion de 0,20 %). Les trois familles de fonds se ressemblent beaucoup. Chaque famille offre cinq fonds, avec cinq niveaux de risque différents : 100 % d’actions, 80 % d’actions, 60 % d’actions, 40 % d’actions et 20 % d’actions.

La principale différence entre les trois familles : les fonds Vanguard sont exposés légèrement plus au marché boursier canadien que les deux autres familles.

Pour acheter ces FNB indiciels déjà répartis en formule tout-en-un, vous devrez ouvrir un compte de courtage direct dans une institution financière. Pour transférer vos comptes REER et CELI de votre institution financière à un compte de courtage en direct, les institutions financières imposent des frais qui varient entre 125 $ à 150 $ par compte, mais plusieurs maisons de courtage remboursent ces frais (tout comme les robots investisseurs). Les maisons de courtage direct imposent aussi des frais pour les retraits (entre 0 $ et 150 $). Voici quelques options de comptes de courtage direct :

Si vous trouvez l’option des FNB indiciels et du compte de courtage trop compliquée, vous pouvez aussi opter pour un robot investisseur. Le robot investisseur se chargera de recalibrer votre portefeuille, et ses frais de gestion sont beaucoup moindres que les fonds communs de placement.

Détail très important : si vous avez déjà un CELI ou un REER ailleurs (ex. : dans une banque ou chez Desjardins) et que vous voulez passer à un robot investisseur ou un compte de courtage en ligne, vous devez ABSOLUMENT transférer vos comptes CELI/REER existants chez votre robot investisseur ou votre nouveau compte de courtage. Surtout, ne sortez pas l’argent de votre CELI ou votre REER, car il y aura des complications : vous serez imposé par le fisc sur votre retrait de REER et vous pourriez bloquer vos cotisations CELI pour la prochaine année.

En pratique, faire ces transferts de comptes vous prendra d’une à deux semaines avant que tout soit opérationnel, en raison des délais bancaires pour ouvrir un nouveau compte et transférer les comptes REER/CELI.

7. Quels placements choisir pour son coussin financier ?

C’est le même principe que pour votre fonds de retraite : un robot investisseur pour ceux qui ont moins de 15 000 $ (coussin d’économies et retraite), des FNB indiciels en formule tout-en-un dans un compte de courtage pour ceux qui ont plus de 15 000 $ à investir.

Vous allez toutefois choisir une répartition actions/obligations différente pour votre coussin de sécurité financier que pour votre fonds de retraite. Le professeur Richard Guay préfère généralement 100 % d’obligations pour un coussin financier. Dans tous les FNB indiciels indiqués plus haut, aucun n’est à 100 % en obligations. Vous pouvez donc choisir entre les trois FNB indiciels à 100 % en obligations dans le tableau suivant.

(Suggestion : vous pouvez aussi utiliser ces FNB indiciels à 100 % en obligations si vous voulez avoir un pourcentage d’obligations dans votre fonds de retraite. Pour la retraite, c’est parfois plus simple d’avoir un FNB indiciel à 100 % en actions et un autre FNB indiciel à 100 % en obligations quand vous approcherez de la retraite.)

8. Que faire de mon épargne mensuelle ?

Si vous avez choisi un robot investisseur (moins de 15 000 $ au total avec la retraite et l’épargne), c’est simple : vous n’avez qu’à prévoir une cotisation mensuelle ou à chaque paie dans votre compte chez le robot investisseur.

Si vous avez choisi des FNB indiciels dans un compte de courtage, ce n’est pas une bonne idée de faire une cotisation mensuelle, car les frais d’achat seront trop élevés (sauf chez Questrade, où il n’y a pas de frais). Vous pouvez déposer l’argent chaque mois dans un compte d’épargne à intérêt élevé ou dans un fonds commun d’actions (hors REER ou CELI, c’est très important, sinon vous devrez payer des frais de transfert onéreux qui grugeront votre rendement). Puis, une ou deux fois par année, vous prenez vos montants accumulés et vous faites un seul achat dans votre REER, votre CELI ou les deux.

9. Quand devez-vous réviser votre plan ?

Le professeur Richard Guay suggère de revoir votre plan environ tous les trois ans. « Ou quand il y a de nouveaux évènements dans votre vie personnelle qui ont des conséquences financières, comme l’arrivée d’un enfant, un projet de voyage ou un congé sans solde », dit-il.

10. Doit-on faire tout ça maintenant alors que la Bourse est très volatile avec la crise du coronavirus ?

Si les changements à votre répartition d’actifs sont mineurs (ex. : passer de 85 % d’actions à 100 % d’actions), vous pouvez probablement le faire maintenant d’un seul coup même si la Bourse risque d’être très volatile à court terme en raison du coronavirus. Mais si vous avez une somme importante à répartir autrement, il serait peut-être plus sage d’y aller progressivement. Par exemple, transférer 10 % par mois pendant plusieurs mois permet d’atténuer le risque d’avoir des regrets plus tard, suggère le professeur Richard Guay.