Cinq questions que vous n’auriez jamais pensé vous poser il y a trois mois.

Mes dépenses ont diminué de 15 % : comment régler le problème ?

Pour de nombreux ménages, les revenus et les dépenses ont diminué au cours des deux derniers mois. Comment se présente leur déconfinement financier ?

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Éric Lebel, conseiller en redressement financier, Raymond Chabot

« Après la fin des prestations d’aide, on pense qu’il va y avoir une fragilité financière sans précédent, énonce Éric Lebel, associé, conseiller en redressement financier chez Raymond Chabot. Pour ceux qui n’ont pas planifié, ça va faire encore plus mal. »

Bref, « le prochain défi des Québécois, ça va être la santé financière ».

Le remède est efficace et reconnu, mais amer : « Il faut faire le fameux budget dont on parle depuis des années. »

De la même façon que la pandémie entraînera d’importantes adaptations à nos façons de travailler et de fréquenter les commerces, « il va falloir changer aussi notre façon de gérer notre argent, dit-il. On ne pourra pas continuer comme auparavant. Il va falloir qu’on suive de plus près notre budget, qu’on l’adapte rapidement ».

Il s’agit d’avoir à l’œil les postes budgétaires qui subissent des changements, constater et calculer les effets, et adapter les comportements en conséquence.

« On doit essayer de prendre des décisions en connaissance de cause, du mieux qu’on peut, celles qui font le moins mal possible. On coupe où on est capable. »

Les mesures budgétaires doivent faire l’objet d’un bon plan de communication auprès de la famille.

« Faire un budget, c’est comme se laver les mains en santé publique, conclut-il. C’est la base. »

Me faut-il une assurance contre la COVID-19 ?

Comme toutes les maladies, les décès causés par la COVID-19 sont couverts sans débat par l’assurance vie, rappelle Denis Preston, chargé de cours en finances à HEC Montréal.

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Denis Preston, chargé de cours en finances à HEC Montréal

« On n’a pas besoin d’avoir plus de protection, qu’on meure de la COVID ou qu’on meure d’une autre maladie. Ça n’entraîne pas plus de conséquences au décès. »

« Par contre, ajoute-t-il, c’est peut-être le bon moment, psychologiquement, de vérifier si on a suffisamment de protection. »

Les arrêts de travail prolongés causés par la maladie pourraient pour leur part être couverts par une assurance invalidité. « La majorité des gens l’ont au travail, heureusement. Sinon, on pourra vérifier auprès de son association ou de son ordre professionnel. »

La crise est aussi l’occasion de « mettre à jour son testament, son mandat de protection, ses directives médicales anticipées », indique-t-il.

Ce dernier document décrit les soins médicaux que vous acceptez ou refusez de recevoir en fin de vie.

Ces directives, inscrites sur un formulaire papier, sont déposées dans le Registre des directives médicales anticipées. Les professionnels de la santé doivent les respecter.

À l’encontre de la COVID-19 ou de toute autre pandémie, il existe une assurance problèmes : on l’appelle fonds d’urgence. « Les gens ne réalisent pas, mais c’est toute une police d’assurance. Les gens qui avaient un fonds d’urgence il y a quelques mois étaient moins anxieux à cause de la pandémie. »

Rappelons la règle : garder à disposition l’équivalent de trois mois de dépenses.

> Consultez les directives médicales anticipées

Comme avec le papier hygiénique, est-ce le temps de stocker des actions ?

Dans cette période de mal de mer boursier, faut-il se cramponner ? Abandonner le navire ? Le lester avec une nouvelle cargaison ?

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David Paré, conseiller en placement et gestionnaire de portefeuille chez Desjardins Gestion de patrimoine

« C’est toujours dans les périodes difficiles qu’on réalise le vrai profil d’investisseur d’un client », souligne David Paré, conseiller en placement et gestionnaire de portefeuille chez Desjardins Gestion de patrimoine.

Si ce profil se révèle peu ressemblant, il faudra le retoucher et, en temps opportun, corriger la composition du portefeuille. Cependant, « ce n’est jamais le temps de vendre quand ça ne va pas bien ».

« Mais c’est quand même le temps de se questionner, ajoute-t-il : mes investissements sont-ils des investissements de qualité ou des titres spéculatifs ? Il y a une différence importante entre une baisse de marché et une perte permanente de capital. »

C’est dans cette dernière que réside le danger.

La question est de savoir si les entreprises dans lesquelles on a investi, soit directement, soit par l’intermédiaire de fonds, seront encore en affaires dans trois ans.

« Si la réponse est oui, la bonne chose à faire est de ne pas vendre et d’attendre que la tempête passe. »

Mais si on a des liquidités disponibles, « c’est le bon moment de faire des achats, encore une fois dans des titres de qualité, dans des entreprises qui ont subi les foudres des marchés, avec un potentiel de reprise intéressant », soutient le conseiller.

« Dans ce contexte-là, c’est le temps à mon avis de stocker. »

Est-ce que j’ai abusé des reports de paiements ?

« Il y a environ 650 000 personnes qui ont demandé des reports de paiements au Québec », informe Éric Lebel.

Les propositions de sursis ont déferlé : hypothèque, impôts fonciers, prêt auto, électricité, impôts fédéral et provincial…

« Il va falloir les payer, rappelle-t-il. Ce ne sont pas des cadeaux. »

Les ménages qui bouclaient tout juste leur budget avant la pandémie vont connaître un ressac financier quand viendra le temps de rattraper le retard.

Quels reports vaut-il la peine de considérer ? Il a fait l’exercice avec un budget.

« Dans le scénario A, je reportais tout, mon hypothèque, mes taxes, mon prêt auto, mes impôts. Après la COVID-19, je n’arrivais plus. Je n’étais pas capable de reprendre tout ça. »

Dans un second scénario, il ne retenait que le prêt hypothécaire de 200 000 $, dont le report de six mensualités était remboursable sur 20 ans. « Ça fait 37 $ de plus par mois pour les 20 prochaines années. Ça, c’est un report intelligent. »

Par contre, l’échéance du report d’un prêt auto est beaucoup plus courte.

Plusieurs sont en mode survie et n’ont pas le choix de saisir toutes les occasions, reconnaît-il. « Mais si tu fais un budget dans le contexte de la COVID et que tu es capable de payer une bonne partie de tes dettes, paie-les, même si c’est difficile. Ne profite pas de tout ce qui existe pour pelleter en avant. »

Le coronavirus est-il imposable ?

La Prestation canadienne d’urgence (PCU) et son pendant pour les étudiants (PCUE) « sont tous les deux imposables et il n’y a jamais eu de retenue à la source », souligne Natalie Hotte, conseillère principale, fiscalité, retraite et succession, à la Financière Banque Nationale.

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Natalie Hotte, conseillère principale, fiscalité, retraite et succession, à la Financière Banque Nationale

Les citoyens qui touchent la PCU pendant quatre périodes de quatre semaines pourraient encaisser jusqu’à 8000 $.

Avec un taux marginal de 30 %, la ponction fiscale atteint 2400 $.

« Ce sont des sous qu’il faudra mettre de côté », avise-t-elle.

Avec la perte de revenus, peut-être le solde fiscal se rééquilibrera-t-il partiellement dans les déclarations de 2021. Pour le vérifier, elle suggère une simulation avec un logiciel d’impôt.

Une des difficultés réside justement dans le foisonnement des mesures de soutien. Le Programme d’aide temporaire aux travailleurs (PATT) a été lancé le 16 mars par Québec et interrompu le 10 avril. « C’est un montant forfaitaire imposable au fédéral, mais pas au Québec », rappelle Mme Hotte.

Le 12 mai, le gouvernement fédéral a annoncé un montant forfaitaire de 300 $ pour les personnes admissibles à la pension de la Sécurité de la vieillesse (PSV). « La PSV est imposable, mais pas les 300 $ ! »

« Il y a l’impôt, mais il y a surtout la non-admissibilité », insiste la conseillère.

Plusieurs personnes ont demandé et obtenu la PCU et la PCUE sans en avoir rempli toutes les conditions. Il faudra rembourser le trop-perçu.

> Consultez le parcours exhaustif des programmes de tous types