Robert* et sa femme Sylviane* sont fiers d’avoir terminé de payer leur maison. Ils viennent de la vendre pour acheter un condo un peu moins cher. Plutôt que de payer cette propriété comptant, leur conseiller leur recommande de prendre un prêt hypothécaire pour placer une partie de la somme obtenue dans un compte d’épargne libre d’impôt (CELI) et de l’investir dans le marché boursier. Le couple hésite, puisqu’il trouve rassurant de payer son condo comptant plutôt que de s’endetter.

La situation

Robert a 67 ans et il est à la retraite depuis six ans. Il bénéficie d’une caisse de retraite, tout comme sa femme, et a quelques économies. Ils se disent à l’aise avec leurs revenus de retraite. S’ils avaient des placements risqués plus jeunes, ils sont maintenant prudents.

Le couple a des enfants autonomes. Robert et Sylviane souhaitent profiter de leurs économies dans les prochaines années alors que leur santé est bonne. Par contre, ne pas avoir de dettes fait partie de leurs valeurs, et ils ont bien de la difficulté à envisager d’emprunter de l’argent à cette étape de leur vie.

Les chiffres

Somme obtenue par la vente de la maison libre d’hypothèque : plus de 400 000 $
Caisse de retraite : 65 000 $ pour Robert et 31 400 $ pour Sylviane
Régime de rentes du Québec : 9500 $ pour Robert et 8500 $ pour Sylviane
Pension de la Sécurité de la vieillesse : 7300 $ pour Robert
REER : environ 20 000 $
CELI : 0 $

Objectif contre émotions

Aux yeux de Simon Préfontaine, planificateur financier chez Lafond Services Financiers, le dilemme vient du fait que l’objectif du couple de profiter de son argent va à l’encontre de ses émotions… il n’aime pas avoir de dettes !

« Robert et Sylviane sont fiers d’avoir fini de payer leur maison et ils voient plus d’unités de plaisir à ne pas avoir de prêt hypothécaire qu’à investir de l’argent dans leurs CELI », explique-t-il.

Alors que le couple dit se sentir déjà à l’aise financièrement, Simon Préfontaine lui conseille de se questionner par rapport à ce qu’il ferait avec l’argent de plus qu’il aurait chaque année grâce à ce prêt hypothécaire.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

Simon Préfontaine, planificateur financier chez Lafond Services Financiers

Il y a des gens qui sont habitués à ne pas dépenser beaucoup pendant leur vie active et ils n’arrivent pas à dépenser plus à la retraite, alors si c’est le cas, il ne servirait à rien de prendre un prêt hypothécaire.

Simon Préfontaine

« Ne pas hypothéquer leur condo leur permettrait aussi de donner un plus gros héritage à leurs enfants et, surtout, c’est une décision rassurante pour eux, ajoute-t-il. Ce serait le meilleur des mauvais choix. »

Intérêts contre rendement

Si on laisse les émotions de côté pour regarder seulement les chiffres, Simon Préfontaine explique qu’il faut se demander s’il serait facile de faire autant d’argent, ou plus, avec des placements que ce qui serait dépensé en intérêts.

« En ce moment, les taux d’intérêt des prêts hypothécaires sont autour de 2 %, alors oui, on peut facilement aller chercher plus en rendement », indique le planificateur financier.

Le plus avantageux serait donc de prendre un prêt hypothécaire pour le condominium et de verser dans leurs CELI un total de 150 000 $ après le 1er janvier 2021 afin de ne pas dépasser la limite permise.

Il faut toutefois respecter le profil d’investisseur du couple, qui est prudent, alors on pourrait envisager environ 3 % de rendement.

Si le couple décidait d’aller vers des types de placements encore plus prudents qui rapportent environ 2 % de rendement, les CELI permettraient au couple non pas de faire du profit, mais de dépenser un peu de l’argent investi dans le condo au lieu de tout le laisser en héritage.

Des sommes concrètes

Disons que le couple prend un prêt hypothécaire de 150 000 $ sur 30 ans. « Le condo continuera de prendre de la valeur, donc si le couple vit encore 20 ans, il restera environ 60 000 $ à payer pour rembourser le prêt hypothécaire à son décès, mais les enfants pourraient avoir autour de 600 000 $ en vendant la propriété, alors ils auront tout de même un bon montant en héritage », illustre Simon Préfontaine.

En plaçant ces 150 000 $ en CELI, l’objectif est que le couple puisse retirer de l’argent chaque mois pour en profiter. Avec un prêt hypothécaire à 2 % d’intérêt, le versement hypothécaire serait donc de 554 $ par mois.

Ensuite, Simon Préfontaine conseille aux deux membres du couple de regarder avec lucidité leur état de santé pour évaluer le nombre de bonnes années qu’ils ont devant eux. « Si c’est 15 ans, avec un rendement de 3 %, cela signifie qu’ils auront 1036 $ de plus par mois, mais après avoir payé l’hypothèque, il leur restera 482 $ à dépenser, donc près de 5800 $ par année pour deux personnes. »

Réévaluer régulièrement la stratégie

Ce genre de décision est bien sûr à réévaluer au fil des ans, selon l’évolution de la situation. Par exemple, il est bien possible que les taux d’intérêt pour les prêts hypothécaires remontent. « À ce moment-là, le couple pourrait toujours décider de rembourser le prêt à la fin du terme », indique Simon Préfontaine.

La santé du couple est aussi à suivre de près. « Même si le couple dépense l’argent qu’il a investi dans son CELI, il pourrait facilement prendre un nouveau prêt hypothécaire s’il a besoin, par exemple, de se payer des soins de santé, par exemple dans 10 ou 15 ans, puisque le condo aura pris encore de la valeur, ajoute le planificateur financier. Il faudrait réévaluer leur situation chaque fois que le prêt hypothécaire arrive à terme. »

Mais même si c’est une bonne stratégie d’un point de vue financier, elle est quand même contraire aux valeurs du couple. « Pour aller vers cette voie, Robert et Sylviane doivent s’assurer qu’ils seront à l’aise avec leur décision, affirme M. Préfontaine, et capables de dépenser cet argent. »

* Bien que le cas mis en lumière dans cette rubrique soit réel, les prénoms utilisés sont fictifs.

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