Partir ou rester ? Avec l’hiver qui approche, les snowbirds font face à un sérieux dilemme.

Évidemment, le gouvernement du Canada recommande d’éviter tout voyage non essentiel à l’étranger. Et les Canadiens qui sortent du pays doivent s’astreindre à une quarantaine de 14 jours à leur retour.

La fermeture de la frontière terrestre, au moins jusqu’au 21 novembre, freine aussi les snowbirds. Mais pas tous. « Environ 70 % de nos membres se rendent aux États-Unis en auto. À la place, certains ont décidé de prendre l’avion et de faire livrer leur voiture aux États-Unis », rapporte Evan Rachkovsky, porte-parole de l’Association canadienne des snowbirds.

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Les propriétaires qui doivent payer toutes sortes de frais (taxes, assurances, frais de condo, entretien) pour un condo en Floride dont ils ne profitent pas (par exemple ici à Fort Lauderdale) peuvent être tentés de s’en départir.

Depuis octobre, les amateurs de soleil sont encouragés par l’assouplissement des règles de certains assureurs, comme Desjardins, SSQ et La Capitale. Désormais, leur couverture s’appliquera même si le gouvernement recommande d’éviter « tout voyage non essentiel ». Seules les croisières ne sont pas couvertes puisque le gouvernement recommande d’éviter « tout voyage » de ce type, soit le niveau d’alerte maximal.

De leur côté, les transporteurs aériens, comme Air Canada, Air Transat et WestJet, ont aussi lancé une assurance qui couvre gratuitement la COVID-19 à l’étranger à l’achat de billets d’avion aller-retour. Mais attention : les voyages de plus de 21 jours ne sont pas couverts.

Malgré tout, « je crois qu’il y aura moins que 30 % des snowbirds canadiens qui voyageront aux États-Unis cet hiver », estime M. Rachkovsky. Normalement, environ 1 million de Canadiens de plus de 55 ans passent plus d’un mois aux États-Unis en hiver, dont environ 250 000 Québécois.

Ceux qui possèdent une maison là-bas font face à un autre questionnement. Vendre ? Louer ? Refinancer ?

Vendre

Les propriétaires qui doivent payer toutes sortes de frais (taxes, assurances, frais de condo, entretien) pour une maison dont ils ne profitent pas peuvent être tentés de s’en départir.

Le marché est propice à la vente, à cause du manque criant de stocks. Et les Canadiens qui ont acheté dans le creux du marché, il y a 10 ans, ont fait 125 % de gain en considérant la devise.

Mais la vente amène son lot de coûts : frais de courtage immobilier (5-6 %), droits de mutation payables par le vendeur (0,7 % du prix de vente), honoraires… sans oublier la facture fiscale.

Pour s’assurer que les étrangers ne se sauvent pas sans payer leur dû, le gouvernement américain applique une retenue de 15 % sur le produit de la vente.

Mais si l’acheteur de votre maison a l’intention de l’habiter au cours des deux prochaines années, la retenue sera réduite à 10 % sur une maison de moins de 1 million US et elle sera éliminée sur une maison de moins de 300 000 $ US.

Si vous estimez que votre facture fiscale sera inférieure à la retenue, il est possible de demander une réduction de la retenue. « Mais la procédure peut prendre de 90 à 150 jours et entraîner des frais de dossier de 1000 à 5000 $ US, avec un risque de rejet de l’Internal Revenue Service », indique Shlomi Steve Levy, associé du cabinet de planification fiscale et successorale transfrontalière Levy Salis.

Autrement, vous récupérerez la retenue versée en trop seulement après avoir rempli votre déclaration de revenus américaine au plus tard le 15 juin. Dans la plupart des cas, l’impôt final représentera 15 % du gain en capital, soit l’écart entre le prix d’achat et le prix de vente.

Vous devrez aussi rapporter votre gain dans votre déclaration de revenus canadienne, en n’oubliant pas le gain de change. Mais l’impôt payé aux États-Unis permettra d’obtenir un crédit qui réduira d’autant votre facture au Canada.

De cette manière, vous ne payerez pas l’impôt en double.

Louer

Sinon, le propriétaire peut aussi choisir de louer sa résidence.

« Ceux qui vivent en copropriété doivent d’abord s’assurer qu’ils ont le droit. Souvent, la location à court terme, de style Airbnb, est interdite », prévient M. Rachkovsky.

Dans un pays qui est rapide sur les litiges, il est crucial d’avoir une assurance responsabilité appropriée. Vérifiez si votre assureur au Canada peut vous offrir une couverture parapluie qui vous protège partout dans le monde pour plusieurs millions de dollars, suggère M. Levy.

Côté fiscal, vous devrez percevoir la taxe de vente (6 % en Floride plus 1 % dans certaines régions).

De plus, il faudra déclarer vos revenus de location des deux côtés de la frontière. « Compte tenu des exemptions personnelles, il est fort possible qu’un non-résidant qui n’a que de petits revenus de location aux États-Unis n’ait pas ou peu d’impôt à payer là-bas », avance M. Levy.

Mais votre locataire devra retenir 30 % du prix du loyer qu’il enverra au fisc américain… à moins que vous remplissiez un formulaire pour éviter cette retenue.

Au Canada, il ne faut surtout pas oublier de remplir un formulaire T1135. Cela est obligatoire pour tous les Canadiens qui ont des biens de plus de 100 000 $ à l’étranger, à l’exception des biens à usage personnel, comme une résidence en Floride… à moins que cette résidence soit louée une bonne partie de l’année. Gare à ceux qui oublient le formulaire T1135 : la pénalité est de 2500 $ par année.

Ah oui, un dernier détail. L’amortissement obligatoire aux États-Unis lors de la location peut vous causer des tracas au moment de calculer l’impôt sur le gain en capital à la revente.

Refinancer

Si les deux premières options vous rebutent, M. Levy suggère de refinancer votre hypothèque, ce qui permet de rapatrier une partie des gains au Québec en profitant du taux de change.

En réinvestissant l’argent, les intérêts sur le prêt seront déductibles et le placement rapportera peut-être 3 ou 4 %, avec un peu de chance. Évidemment, ce n’est pas garanti. Mais de tels revenus permettraient de dégager quelques milliers de dollars qui aideraient à payer les dépenses de la résidence en Floride.