LA SITUATION : Mireille, 54 ans, souhaite prendre sa retraite dans un an au terme de nombreuses années de travail à bon salaire. D’autant que ce travail et sa discipline budgétaire lui ont permis d’accumuler un actif substantiel en épargne et placements, approchant le million de dollars.

« J’ai fait beaucoup d’heures pour accumuler ça au fil des ans. Et c’est pourquoi je souhaite prendre ma retraite l’an prochain à 55 ans, plutôt que d’attendre à 65 ans », dit-elle.

Mireille est une femme autonome, sans personne à charge qui pourrait influer sur son budget personnel. Quant à ses dépenses de logement, elle peut les minimiser en partageant avec son frère une maison en localité semi-rurale, évaluée à 200 000 $ et libre de dettes. Mireille ne prévoit pas changer cette situation une fois retirée du travail. Mais en cas de changement plus tard, elle sait qu’elle n’aura droit qu’à la moitié de la valeur nette de la maison.

LES QUESTIONS

Mireille s’interroge sur deux aspects de sa planification financière.

D’abord, avec la fin de son emploi, son revenu régulier d’environ 80 000 $ par an sera remplacé par une rente de retraite de 15 000 $. Et ce, jusqu’à son admissibilité aux rentes gouvernementales dans 10 ans, après son 65e anniversaire.

Dans ce contexte, Mireille se demande si elle aurait les moyens financiers de quelques projets personnels (loisirs, voyages ?) durant sa première décennie de retraite sans nuire à la suffisance de son épargne-retraite jusqu’à la fin de sa vie.

Aussi, Mireille s’interroge sur le meilleur scénario de décaissement de son capital.

Les questions de Mireille ont été soumises à David Paré, planificateur financier chez Valeurs mobilières Desjardins, à son bureau de Québec.

LES CONSEILS

D’emblée, David Paré complimente le bilan financier « très avantageux » de Mireille en préretraite.

« Tout au long de sa retraite, même hâtive, Mireille recueillera la récompense de plusieurs années de discipline budgétaire et de revenu d’emploi bien géré », indique M. Paré.

Donc, pas de soucis financiers pour Mireille si elle rehausse son train de vie de quelques milliers de dollars en dépenses de loisirs et de voyages durant ses 15 à 20 premières années de retraite, alors qu’elle aura la santé et l’autonomie nécessaires.

Néanmoins, David Paré suggère à Mireille de mettre à jour sa planification successorale alors qu’elle prépare sa retraite, afin d’éviter les complications de gestion de son actif en cas d’incapacité grave et de décès prématuré.

Ensuite, le principal défi financier de Mireille à l’approche de la retraite concerne surtout l’optimisation fiscale et budgétaire de son capital au long des 40 prochaines années d’espérance de vie.

Pour ce faire, David Paré propose ses conseils à Mireille en fonction de trois périodes de sa prochaine retraite.

Entre 55 et 65 ans

Pendant sa première décennie de retraite, le revenu de Mireille proviendra surtout de sa rente de retraite de 15 000 $ par an. Ce revenu pourrait être bonifié par ses revenus de placement dans des comptes non enregistrés (environ 15 000 $ par an, avant impôts).

Pour combler le manque à gagner prévisible, David Paré suggère à Mireille d’effectuer des retraits de son REER jusqu’à concurrence de 8000 $ par an afin de profiter de son faible taux d’impôt durant ces quelques années de revenu moindre.

En parallèle, David Paré suggère à Mireille de continuer sa contribution maximale de 6000 $ par an à son compte CELI, avec des fonds transférés de son capital non enregistré.

« C’est un moyen de réduire ses revenus de placement pleinement imposables vers un compte d’épargne où les rendements et les retraits futurs sont exempts d’impôts », rappelle M. Paré.

Par ailleurs, Mireille aurait un avantage fiscal à investir dès cette année et l’année prochaine, alors que son revenu imposable de fin d’emploi demeure élevé, en parts de fonds fiscalisés comme le Fonds de solidarité FTQ, qu’elle verserait en compte REER.

De cette façon, souligne M. Paré, Mireille pourrait optimiser le rendement fiscal d’un tel placement, particulièrement avantageux pour les préretraités : 30 % de crédit d’impôt sur un investissement maximal de 5000 $ par an, avec détention minimale de deux ans avec la retraite.

De 65 à 71 ans

À 65 ans, à sa 10e année de retraite, Mireille deviendra admissible aux rentes d’origine gouvernementale. David Paré les estime à 16 800 $ par an en tout.

Le revenu régulier de Mireille sera alors rehaussé autour de 32 000 $ par an. S’y ajouteraient les revenus de placement imposables provenant de son capital non enregistré.

En cas de manque à gagner, Mireille pourra encore effectuer des retraits de quelques milliers de dollars par an dans son capital non enregistré, sans risquer de nuire à sa longévité financière.

Entre-temps, David Paré conseille à Mireille de continuer ses contributions maximales de 6000 $ par an à son compte CELI à partir de son capital non enregistré, encore à des fins d’optimisation fiscale pour les années suivantes.

Après 71 ans

C’est à cet âge, après sa 15e année de retraite, que Mireille devra transférer l’actif accumulé dans son REER dans un nouveau FERR (fonds enregistré de revenu de retraite).

Avec l’hypothèse d’un rendement annuel moyen de 3,6 %, et quelques transferts de fonds au fil des ans, David Paré estime à 285 000 $ le capital accumulé en REER qui serait transférable en FERR.

Selon la réglementation fiscale, Mireille devra ensuite retirer annuellement une somme équivalant à 5,28 % de son actif en FERR, ce qui correspond à une somme initiale approchant les 15 000 $.

Ce retrait de son FERR s’ajoutera alors en revenu imposable à sa rente de retraite et à ses rentes d’origine gouvernementale, ainsi qu’aux revenus de placement de son capital non enregistré résiduel.

Tout considéré, le revenu annuel de Mireille après 71 ans — prévu à près de 50 000 $ — s’annonce encore très suffisant pour ses besoins budgétaires prévisibles, et même quelques « extras ».

De l’avis de David Paré, « selon la progression de son train de vie lors de ses premières années de retraite, Mireille devrait pouvoir bénéficier d’une bonne réserve de capital et d’actif monnayable — sa part de la valeur nette de revente de la maison fraternelle — pour se rendre aisément à son espérance de vie de 95 ans. Elle pourrait même aussi avoir un surplus de capital à laisser en héritage, si tel était un souhait de fin de vie. »

Les chiffres

Actifs financiers : Placements dans des comptes non enregistrés : 746 000 $ Régime enregistré d’épargne-retraite (REER) : 143 000 $ Compte d’épargne libre d’impôt (CELI) : 73 000 $ Compte de retraite immobilisé (CRI) : 34 000 $ Actif non financier : Maison unifamiliale : 100 000 $ (50 % d’une valeur de 200 000 $ en copropriété fraternelle) Véhicule automobile : 15 000 $ Biens de valeur patrimoniale/artistique : 50 000 $ Passif :  Aucune dette Revenus personnels : Courants : revenu d’emploi de 80 000 $/an Revenu de placements (dividendes, intérêts, gains en capital) : 15 000 $/an Prévus à la retraite :  Rente de régime de retraite d’emploi à 55 ans : 15 000 $/an Revenus de placements (dégressifs au fil des retraits) : de 10 000 à 15 000 $/an Rentes de retraite d’origine gouvernementale (après 65 ans) : 16 800 $/an Dépenses :  32 000 $/an, en incluant les dépenses pour la maison Épargne : 7000 $/an