Denise a 69 ans et rêve de voir Londres et Paris.

Elle ne s’est jamais rendue en France ni en Grande-Bretagne. « Je suis déjà allée aux Pays-Bas, mais c’était dans mon jeune âge », confie-t-elle.

C’est une récente rubrique qui lui a fait réaliser qu’elle pourrait peut-être voyager, elle aussi. « Je me suis dit : “Est-ce que j’ai le budget pour ça ? Est-ce que mes finances sont assez élevées pour que je planifie des voyages, occasionnellement ?” »

Elle est retraitée depuis l’âge de 65 ans – « ça va faire quatre ans ».

Une retraite forcée. « J’ai été congédiée à 61 ans, j’ai demandé ma rente à 62 ans, et je me suis trouvé un petit travail à 17 heures par semaine pour combler, et j’ai fait des prélèvements dans mon REER. C’est pourquoi il me reste ça. »

Ça, c’est un REER de 28 500 $.

Elle détient également 65 000 $ en CELI et 47 500 $ en épargne, dans des placements garantis encaissables à l’échéance.

Ses revenus et son budget

Revenus nets : 22 300 $ Ses actifs REER : 28 500 $ CELI : 65 240 $ Comptes opération et épargne : 11 000 $ Réserve pour condo : 8000 $ (remplacement des fenêtres) Placement garanti non enregistré : 47 500 $ Condo : 180 000 $, libre d’hypothèque Voiture d’occasion, achetée en 2015, entièrement payée Aucune dette

Sans régime de retraite, l’essentiel de ses revenus est composé des prestations du Régime de rentes du Québec (RRQ), de la pension de la Sécurité de la vieillesse (PSV) et du Supplément de revenu garanti (SRG). Elle retire en outre 1300 $ par année de son REER.

En y ajoutant le crédit de TPS et TVQ, elle estime ses revenus nets à environ 22 300 $.

Ses dépenses s’élèvent à 20 000 $ par année. « Grosso modo, nuance-t-elle. Des fois, ça peut être moins. »

Après la transformation du REER en FERR, au plus tard à la fin de l’année du 71e anniversaire, elle devra faire chaque année des retraits minimaux obligatoires.

Elle s’inquiète : « Si j’augmente mes retraits REER, ça va affecter mon supplément garanti. »

Son rêve

Denise est célibataire et voyagerait donc seule.

Elle espérait faire un parcours organisé et accompagné de 15 jours, divisé entre Paris et Londres.

« J’imagine que ce serait possible, mais je ne trouve pas les agences qui l’offrent. Ça fait un an que je cherche. »

« C’est assez dispendieux. On peut mettre 10 000 $ facilement pour aller à Paris et à Londres. Disons que ce serait peut-être juste une fois. »

En a-t-elle les moyens ?

Les coûts d’un voyage

Pour estimer le coût d’un voyage organisé, nous avons fait une courte recherche préliminaire, avec l’aide de Nancy Bernard, copropriétaire de l’agence Voyages Reid.

Paris et Londres, du 10 au 19 octobre, en solo, 8 nuits en hôtels, 8 petits-déjeuners et 1 souper : 3498 $

Estimation avec dépenses : 4485 $

Londres et le château de Windsor, du 11 au 19 septembre, en solo, 7 nuits en hôtel, 7 petits-déjeuners : 3758 $

Estimation avec dépenses : 4720 $

Paris mon premier amour, du 21 au 28 septembre en solo, 8 jours, 6 nuits en hôtel, 6 petits-déjeuners et 2 soupers : 2948 $

Estimation avec dépenses : 3535 $

LA RÉPONSE

Pour réduire l’impact des retraits obligatoires à 72 ans sur le supplément de revenu garanti, Denise retire actuellement 1300 $ par année de son REER.

« Bien que cette stratégie semble à première vue la plus sensée, les méandres de la fiscalité font que la réalité est tout autre », observe le planificateur financier Raphaël Hainault, conseiller en gestion de patrimoine chez Financière des professionnels – Gestion privée.

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Raphaël Hainault, conseiller en gestion de patrimoine chez Financière des professionnels – Gestion privée

Il suggère plutôt de donner un grand coup : transférer immédiatement son REER dans un FERR pour retirer ensuite la totalité des 28 000 $.

L’effet sur le SRG serait important, mais limité dans le temps.

« Chaque dollar de revenu imposable réduit de 0,50 $ la prestation de SRG », rappelle notre planificateur.

Au rythme actuel, le retrait annuel de 1300 $ du REER ampute donc le SRG de 650 $. Au total, « la perte latente de SRG sur les 28 500 $ de REER est de 14 250 $ », indique-t-il.

Avec un retrait massif en 2019, le SRG disparaîtrait pour l’année concernée, mais le versement se rétablirait ensuite. La perte serait limitée à la prestation de SRG d’environ 4000 $ que Denise aurait touchée en 2019 dans les conditions actuelles, soit une économie de 10 250 $ par rapport aux retraits étalés.

Il est vrai que ce retrait massif entraînerait d’autres coûts pour 2019 : perte du crédit d’impôt pour la TPS (330 $) et du crédit pour la solidarité (550 $), impôts sur ce retrait (8200 $).

En contrepartie, ce retrait imposable de 28 500 $ du FERR est considéré comme un revenu de retraite, ce qui ouvre la porte aux crédits d’impôt pour pension. Au fédéral et à Québec, ces crédits lui procureraient environ 1275 $.

Tout considéré, « l’avantage d’un retrait complet des REER en un seul coup en 2019 est donc de près de 2500 $ », résume Raphaël Hainault.

Ses revenus

Voilà pour le principe, que notre planificateur voulait énoncer simplement. Dans les faits, « le décalage des ajustements de prestation avec la date de déclaration vient quelque peu modifier les flux monétaires, mais les conclusions demeurent », indique-t-il.

Une fois les dernières vagues estompées, le SRG de Denise devrait se fixer en 2022 à quelque 5440 $ par année, pour un revenu total d’environ 21 740 $.

« Ses revenus courants futurs couvriront à peu près ses besoins annuels », constate Raphaël Hainault.

Son budget voyage

Combien Denise pourrait-elle consacrer à son rêve de voyage ?

Une fois l’impôt prélevé, le reliquat du REER s’ajoutera aux autres sommes détenues par Denise, pour un total d’environ 144 000 $. De ce pécule, notre planificateur retient une réserve de 8000 $ pour les fenêtres du condo, et une autre de 25 000 $ pour le prochain remplacement de voiture.

Pour les dépenses imprévues qui excéderaient ses revenus courants, il estime que Denise aura besoin d’une enveloppe de 2500 $ par année pendant 25 ans. Avec l’inflation, cette réserve immobilise environ 82 000 $.

Bref, « il lui resterait un montant d’environ 29 000 $ qui peut être dépensé sans craindre des soucis financiers », énonce Raphaël Hainault. « À mon avis, c’est son budget voyage “à vie” ! »

Si on prend comme barème les voyages accompagnés que nous avons retenus, Denise pourrait s’offrir cinq ou six voyages au cours des prochaines années. Ou deux ou trois expéditions plus importantes.

« Paris, Londres et même une croisière autour du monde sont possibles, note notre planificateur. Il s’agit simplement d’utiliser ce budget à bon escient en fonction de ses envies. »

Il fait une dernière mise en garde : les épargnes de Denise sont toutes détenues dans des produits à revenus fixes avec des échéances diverses. « Si elle désire mettre à exécution ses idées de voyages, il faudra s’assurer d’avoir des sommes disponibles au moment opportun. »

Mais compte tenu de l’objectif, il s’agit là d’un stimulant casse-tête.