Annie, 59 ans, en est à sa première année dans un emploi administratif dans le nord du Québec.Elle prévoit de garder cet emploi pendant au moins quatre ans, parce qu'elle « s'y plaît beaucoup ». De plus, sa rémunération, qui inclut une indemnité liée à l'éloignement et une autre pour le logement, est « très avantageuse » par rapport à ses emplois antérieurs à Montréal.

Annie envisage même de travailler jusqu'à 65 ans, pourvu que ses conditions d'emploi et de vie en région nordique demeurent intéressantes et motivantes.

D'ici là, Annie est soucieuse de bien préparer son « train de vie » de retraite dans quelques années.

Elle le souhaite en continuité avec ses habitudes relativement modestes. Néanmoins, elle aimerait bien avoir les moyens de faire quelques voyages, dont elle estime les coûts « entre 8000 et 10 000 $ par an ».

Ses principales questions : 

- Aurait-elle les moyens de bonifier son budget de voyage à la retraite, dans six ans ? D'ici là, comment optimiser la préparation et la gestion de son patrimoine ?

- Considérant qu'elle occupe peu son grand condo à Montréal, devrait-elle le vendre et ajouter ce capital (évalué à 550 000 $ après les frais de vente) à ses placements ? 

Ou devrait-elle plutôt louer son condo, afin d'en tirer un revenu locatif jusqu'à sa retraite ?

Annie estime qu'elle pourrait alors vendre son condo, à un prix peut-être accru. Elle se relogerait dans un appartement locatif ou un condo moins grand en banlieue de Montréal.

Pour le moment, Annie estime qu'elle pourrait obtenir un revenu brut de location autour de 2300 $ par mois ou 27 600 $ par an, avant d'en soustraire les frais d'entretien et de maintien d'au moins 13 200 $ par an.

LES CHIFFRES

Annie, 59 ans

Statut personnel Célibataire, sans personnes à charge

Salaire brut 71 000 $ (emploi en région nordique)

Budget actuel de dépenses de base Environ 30 000 $/an

• frais de maintien d'un grand condo à Montréal : environ 13 500 $/an

• frais de vie en région nordique : environ 13 500 $/an (logement subventionné, alimentation, télécoms personnelles)

• autres dépenses fixes : environ 2500 $/an (auto à Montréal, prime d'assurance-vie, etc.)

Actifs financiers

Compte d'épargne libre d'impôt (CELI) 66 000 $

Régime enregistré d'épargne-retraite (REER) 78 000 $

Compte de retraite immobilisé (CRI) 354 000 $

Autres placements 5000 $

Aucune dette personnelle ou hypothécaire

Actif non financier

Appartement en copropriété à Montréal (condo évalué à 560 000 $)

SCÉNARIO 1 

Le premier scénario élaboré par David Truong, conseiller en planification financière chez Gestion privée 1859 de la Banque Nationale, s'appuie sur la revente prochaine du condo d'Annie.

« Ce condo évalué autour de 560 000 $ et libre de dette représente un peu plus de la moitié de tout le patrimoine accumulé par Annie pour financer sa retraite. C'est une concentration élevée d'actif et de risque dans un seul bien immobilier pour usage résidentiel et personnel, bien au-delà de la recommandation habituelle de 25 % de l'actif total d'un futur retraité, explique David Truong.

« En fait, la situation d'Annie est typique des gens en préparation de retraite qui sont relativement bien nantis en actifs, mais à risque d'un manque de liquidités pour maintenir et bonifier leur train de vie de retraite après la fin de leur revenu d'emploi. »

Avec la revente prochaine de son condo, Annie pourrait ajouter ce capital d'environ 550 000 $ à ses placements de retraite. Elle doublerait ainsi à près de 1 million de dollars le capital à faire fructifier pour financer sa retraite prévue dans six ans.

D'ici là, Annie pourrait bonifier son revenu d'emploi (environ 71 000 $ avant impôt) avec des revenus de placement accrus qui pourraient voisiner les 20 000 $ par an (aussi avant impôt).

De cette façon, estime David Truong, Annie pourrait bénéficier, d'ici à sa retraite, d'un surplus budgétaire de l'ordre de 15 000 $ par an. Avec ce surplus, Annie pourrait maximiser les contributions admissibles à ses principaux comptes d'épargne de retraite.

D'abord dans son REER, afin de combler rapidement son allocation de contributions non utilisées tout en optimisant la déduction fiscale durant les six prochaines années, alors qu'elle sera encore en revenu d'emploi imposable.

Ensuite, Annie aurait les moyens de maximiser la contribution annuelle à son CELI pour de nombreuses années (avant et durant ses premières années de retraite).

À ce rythme, David Truong estime qu'Annie aurait une bonne marge de manoeuvre financière dès le début de sa retraite pour compenser l'impact budgétaire de la fin de son revenu d'emploi et le début des rentes publiques avec des retraits bien mesurés de ses placements.

Selon l'analyse de David Truong, Annie pourrait maintenir alors un revenu disponible (après impôt) adéquat pour soutenir un budget de dépenses autour de 58 000 $ par an.

Et à défaut de graves imprévus, ce revenu disponible - et indexé à l'inflation - serait durable pendant presque 40 ans, c'est-à-dire jusqu'à l'épuisement de son épargne de retraite et au-delà de l'espérance de vie de sa génération.

SCÉNARIO 2

Le deuxième scénario pour Annie analysé par le planificateur financier s'appuie sur la location de son condo pendant les six prochaines années.

D'emblée, David Truong émet des doutes sur les avantages d'un tel scénario pour la planification financière d'Annie.

« Louer son condo au prix souhaité de 2300 $ par mois pourrait certes représenter des revenus intéressants à court terme. Mais après la déduction des dépenses de maintien et de gestion du condo loué, et de l'impôt à payer sur le revenu de cette location, le revenu net après impôt pour Annie pourrait s'avérer tout au plus de quelque 700 $ par mois », estime David Truong.

De plus, « il ne faut pas sous-estimer le risque de soucis de gestion qui pourraient survenir avec une telle location, comme des surcoûts d'entretien de la copropriété ou un locataire qui s'avérerait mauvais payeur », avertit M. Truong.

Par ailleurs, le gain de valeur marchande du condo au cours des prochaines années, sur lequel compte en partie Annie pour bonifier son actif de retraite, demeure « possible, mais néanmoins hypothétique », considérant l'état avancé du cycle du marché immobilier.

Aussi, note M. Truong, Annie devra prévoir l'impact fiscal d'une vente de son condo après quelques années de location. Ce dernier ne serait plus admissible à l'exemption fiscale de « résidence principale », le gain en capital sur sa revente deviendrait alors imposable au prorata des années de location par rapport à la durée totale de sa propriété.

Enfin, conserver le condo en location jusqu'à la retraite maintiendrait Annie en situation de bilan financier surpondéré en actif immobilier. Selon M. Truong, conserver le condo pendant plusieurs années réduirait de moitié le capital à faire fructifier au bénéfice d'Annie d'ici à sa retraite et durant plusieurs années subséquentes. 

En conséquence, Annie se retrouverait en début de retraite avec un manque de liquidités pour maintenir son revenu disponible à son niveau actuel. David Truong estime que le revenu disponible d'Annie pourrait alors diminuer d'environ 55 000 $ par an jusqu'à 33 000 $ par an dès sa première année de retraite.

Manifestement, Annie n'aurait alors pas les liquidités suffisantes pour bonifier son train de vie de retraite avec « quelques voyages par an », comme elle le souhaite.

À moins d'emprunter à court terme, ce qui impliquerait des frais d'intérêt et de gestion plus élevés en raison, notamment, du statut financier d'Annie en tant que retraitée sans revenu d'emploi.

Ou encore, en puisant davantage dans ses épargnes de retraite et, par conséquent, rehaussant beaucoup le risque d'épuisement avant sa fin de vie.

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Photo François Roy, archives La Presse

David Truong, conseiller en planification financière chez Gestion privée 1859 de la Banque Nationale