Bernard*, 48 ans, sa conjointe Mathilde*, 45 ans, et leurs deux enfants d’âge scolaire composent une famille avec des revenus confortables, à 192 000 $ en tout avant impôts, et un bilan financier d’apparence saine, avec un avoir net (actif moins passif) à hauteur du demi-million de dollars.

Mais Bernard et Mathilde voient venir des dépenses accrues dans leur vie familiale : hausse des droits de scolarité et des frais de transport pour leurs enfants d’ici 10 ans, travaux de rénovation et d’entretien résidentiels prévus à 75 000 $ à moyen terme.

Ils appréhendent le fait que ces dépenses accrues puissent affecter considérablement leur budget, ainsi que le maintien d’une bonne capacité d’épargne pour leurs projets dans une quinzaine d’années.

Bernard et Mathilde seront alors à l’âge de la préretraite. Ils souhaitent pouvoir réaliser à ce moment leur projet de construction d’une résidence principale sur leur terrain en région de villégiature, avec un budget d’environ 300 000 $.

Mais d’ici là, ils souhaitent avoir réduit considérablement, sinon effacé, les deux éléments de passif dans leur bilan familial : prêt hypothécaire sur la maison, marge de crédit hypothécaire pour les rénovations et le rajeunissement des deux autos.

Aussi, ils anticipent l’encaissement d’un gain net considérable – de l’ordre du demi-million de dollars – à la revente de leur maison familiale dans une quinzaine d’années.

Les questions

Dans ce contexte, Bernard et Mathilde ont deux préoccupations principales.

D’une part, quel est l’état de leur bilan financier à une quinzaine d’années de leur retraite ? D’autre part, comment optimiser la préparation financière des principaux projets immobiliers (rénovations à la résidence principale, nouvelle construction) ?

La situation de Bernard et Mathilde a été soumise à David Paré, planificateur financier et conseiller en placements chez Valeurs Mobilières Desjardins, à Québec.

Les conseils

D’emblée, David Paré complimente la « bonne situation financière » de la famille de Mathilde et Bernard, notamment l’absence de « mauvaises dettes » de consommation non liées à des actifs.

PHOTO FOURNIE PAR VALEURS MOBILIÈRES DESJARDINS

David Paré, planificateur financier et conseiller en placements chez Valeurs Mobilières Desjardins

« Aussi, Mathilde et Bernard participent à un régime de retraite d’employeur – le très solide RREGOP du secteur public québécois – qui leur prévoit des prestations totales d’environ 94 000 $ à la retraite, ce qui leur enlève de la pression d’épargne-retraite dans leur planification financière à long terme. »

Toutefois, dans son analyse de la situation de Mathilde et Bernard, David Paré s’interroge sur la comptabilisation adéquate de leur train de vie courant. Il croit que le couple sous-estime ses débours (85 000 $, selon les données fournies à La Presse), qui suggéreraient un surplus budgétaire considérable.

« Une telle imprécision peut affecter la fiabilité de la planification financière de leurs projets familiaux à moyen et à long terme », note le planificateur.

Cela dit, David Paré a préparé ses conseils à Mathilde et Bernard en fonction d’une « ligne de temps » suggérée durant la quinzaine d’années d’ici la retraite de Bernard, à 65 ans, en 2036.

D’abord, il leur suggère de planifier le financement des travaux de rénovation à leur maison – prévus autour de 75 000 $ dans quatre à cinq ans – en préparant le regroupement de leurs dettes (solde de prêt hypothécaire, solde de marge de crédit pour travaux) dans un même emprunt hypothécaire renouvelé.

« En consolidant ainsi leurs dettes, dont j’estime le solde total réduit autour de 98 000 $ en 2024 au rythme actuel de remboursement, et en y ajoutant les 75 000 $ requis pour les travaux, Mathilde et Bernard n’auront ensuite à gérer qu’un seul emprunt hypothécaire d’environ 175 000 $ qui sera encore basé sur la valeur élevée de leur maison », explique David Paré.

« Aussi, Mathilde et Bernard auront un seul paiement d’environ 1330 $ par mois [sur un terme de 15 ans] au lieu des deux paiements totalisant 2500 $ par mois sur leur hypothèque et leur marge de crédit séparées. Ainsi, ils se “ libéreront ” quelque 1200 $ par mois en liquidités qu’ils pourront utiliser pour leurs autres priorités budgétaires et financières. »

Par exemple, anticipe David Paré, « la hausse des droits de scolarité de leurs deux enfants pendant la dizaine d’années après 2024 pourrait excéder les quelque 30 000 $ en actif prévu dans leur régime enregistré d’épargne-études. Aussi, Mathilde et Bernard auront sans doute un véhicule automobile à remplacer durant ces années ».

S’ils maintiennent ce rythme, David Paré estime que Mathilde et Bernard approcheront de leur retraite avec un passif financier réduit aux environs de 50 000 $ en solde de prêt d’hypothécaire.

Ce n’est pas le solde zéro auquel aspire Bernard pour son début de retraite, mais ce ne serait pas pour autant un obstacle au financement de leur prochain projet majeur : la construction d’une résidence évaluée à 300 000 $ sur leur terrain de villégiature pour y habiter à leur retraite.

David Paré, planificateur financier

Cela dit, signale M. Paré, la réduction de l’hypothèque à près de zéro au 65e anniversaire de Bernard demeure réalisable si, au cours de la douzaine d’années antérieures, sa conjointe et lui déboursent quelque 2000 $ par an en paiement forfaitaire sur leur emprunt, selon les termes convenus.

Autre possibilité, « Mathilde et Bernard pourraient utiliser les avantages fiscaux considérables, à l’approche de la retraite à 65 ans, de l’achat de parts de fonds fiscalisés [tels que le Fonds de solidarité FTQ ou Fondaction] dans leur REER pour bonifier leur remboursement hypothécaire », suggère David Paré.

Selon ses calculs, David Paré estime que l’achat par Mathilde et Bernard de 5000 $ par an chacun de parts de fonds fiscalisés, entre 2031 et 2036, pourrait leur valoir des remboursements d’impôt pouvant ensuite servir de paiements forfaitaires sur l’hypothèque, de façon à en réduire le solde autour de 10 000 $ pour le 65e anniversaire de Bernard.

Pour la suite, et quel que soit le solde hypothécaire, Mathilde et Bernard auront encore un bilan financier avantageux pour leur négociation d’un emprunt transitoire de 300 000 $ – en marge de crédit hypothécaire, par exemple – afin d’amorcer la construction de leur prochaine résidence principale en villégiature.

« Lorsque cette nouvelle maison sera prête pour qu’ils y emménagent, Mathilde et Bernard pourront revendre leur maison familiale en ville, ce qui pourrait leur valoir près de 600 000 $ selon la valeur marchande des environs », anticipe David Paré.

Il s’agira alors d’un capital avec lequel ils pourront régler leurs dettes, puis investir en priorisant leur CELI avant leur REER, en raison de leurs revenus de retraite déjà bien pourvus.

* Bien que le cas mis en lumière dans cette rubrique soit réel, les prénoms utilisés sont fictifs.

Les faits

Bernard, 48 ans

Revenu d’emploi brut : 110 000 $
Régime enregistré d’épargne-retraite (REER) : 132 000 $
Régime de retraite : rente estimée à 53 000 $/an après 65 ans

Mathilde, 45 ans

Revenu d’emploi brut : 82 000 $
REER : 64 000 $
Régime de retraite : rente estimée à 41 000 $/an après 65 ans

Actif

Immobilier : environ 508 000 $ (maison en ville et terrain en région)
Régime enregistré d’épargne-études : 8000 $
Véhicules : environ 50 000 $ (2 autos, 1 roulotte)

Passif

Hypothèque sur la résidence principale : 130 000 $
Marge de crédit hypothécaire : 70 600 $