Le stress au travail incite Carole à prendre sa retraite. Mais est-elle prête ? Serait-il préférable de vendre son condo ? Inquiétudes...

LA SITUATION

Carole tergiverse, hésite, renâcle devant la décision.

Elle a 58 ans, compte 39 ans de service pour la même entreprise, et espère pouvoir prendre sa retraite dans six mois.

« L'entreprise a amorcé une grosse réorganisation et nous vivons beaucoup de stress avec un gros surplus de travail, confie-t-elle. J'ai un problème de sommeil et d'angoisse face à tous ces changements. »

Elle est tentée par la retraite, mais ne veut pas non plus remplacer un stress par un autre.

C'est ce qui suscite sa première question : «  Croyez-vous que je suis en bonne position financière pour prendre ma retraite ? »

Séparée et mère de deux enfants adultes, Carole vit seule.

Elle a dressé une liste sommaire de ses dépenses, qui totalisent 26 850 $. « Pour le reste - vêtements, loisir -, je n'ai jamais vraiment calculé. » En sus, elle fait chaque année un petit voyage qui lui coûte entre 1500 et 2000 $, dont elle souhaite poursuivre la tradition.

Carole gagne actuellement 65 000 $ par année.

Elle a droit à une rente de retraite qui pourrait prendre différentes formes.

Une rente intégrée : 3600 $ par mois jusqu'à 65 ans, puis 1860 $ à partir de 65 ans.

Une rente intégrée garantie 10 ans : 3590 $ jusqu'à 65 ans, puis 1830 $ à 65 ans.

Une rente nivelée : 2370 $ toute la vie sans diminution.

Une rente nivelée garantie 10 ans : 2340 $.

C'est ce qui amène sa deuxième question.

« Si je pars, j'aurai à faire un choix. Quelle rente est la plus avantageuse ? »

Après sa séparation, il y a neuf ans, elle a acquis un condo de cinq pièces, payé 212 500 $.

Avec un amortissement de 30 ans, la mensualité s'élève à 430 $ par mois.

« Je me demandais s'il était si rentable de continuer à habiter dans un condo, exprime-t-elle. Ça me stresse toujours un peu. Sauf que vivre à loyer coûte cher aussi. »

Et voilà sa troisième question : « Tant qu'à avoir une hypothèque sur 22 ans, serait-il mieux d'être en loyer et de faire fructifier le gain de la vente pour avoir plus d'argent disponible pour ma retraite ? »

LA VIE EN CHIFFRES

Carole, 58 ans

Salaire : environ 65 000 $ 

Régime de retraite à prestations déterminées

Épargnes : 10 000 $

REER : 100 000 $

CELI : aucun

RRQ à 60 ans : 717 $/mois

Condo : environ 240 000 $

Solde hypothécaire : 93 400 $ 

Hypothèque : 430 $ par mois

Charges de copropriété : 250 $ par mois

Impôt foncier : 2550 $ par an

LA SOLUTION

Entre les quatre rentes soumises par Carole, le planificateur financier Jean-Nagual Taillefer, président du Groupe Financier Praxis, a retenu celle qui fournit le paiement le plus substantiel durant la plus longue période.

La rente nivelée sans garantie versera 2370 $ par mois du début de la retraite jusqu'à la mort, aussi tardive soit-elle. « Elle est moins élevée maintenant, mais elle va être plus élevée pendant toute la période à partir de 65 ans, toute sa vie durant », observe le conseiller.

Il place l'horizon d'épuisement des épargnes au moment où Carole n'aura plus qu'une chance sur quatre d'être encore vivante, soit à 96 ans.

En supposant que Carole prenne sa retraite d'ici un an, une rente nivelée lui procurerait quelque 24 230 $, après la ponction fiscale.

Ses épargnes lui permettront-elles de faire le pont jusqu'à 65 ans ? La réponse dépend du rendement et de son coût de vie. Notre conseiller utilise le rendement suggéré par les normes de projection de l'Institut québécois de planification financière pour un portefeuille conservateur : « Ça nous donne 3,2 % nets de frais. »

TROU BUDGÉTAIRE

Les données budgétaires que Carole a fournies sont parcellaires. 

Pour estimer ses dépenses, Jean-Nagual Taillefer a donc utilisé une méthode éprouvée. « On prend les revenus bruts, moins les impôts et les cotisations sociales, et on soustrait ce que Carole épargne », décrit-il.

En considérant des épargnes de 10 000 $ par année, notre planificateur estime que son revenu brut de 65 000 $ dégage actuellement un coût de vie d'environ 37 000 $.

Avec un revenu de rente de 24 230 $ après impôt, un trou de 12 770 $ par année se creuse donc.

En supposant une indexation de 2 % sur le coût de la vie et les revenus, Carole atteint 65 ans avec un solde d'environ 32 000 $ dans son REER.

Avec le renfort de la rente de la RRQ et de la prestation de la Sécurité de la vieillesse, Jean-Nagual Taillefer calcule que son revenu net s'établit alors à 38 672 $.

« J'ai besoin de 41 668 $, relève-t-il. Il me manque grosso modo 3000 $ par année. »

Il faudra éponger ce déficit en puisant dans les maigres résidus du REER.

« Il faut tenir 31 ans pour me rendre jusqu'à 96 ans, constate notre conseiller. Même avec un super bon rendement, je n'y arriverais pas. » Il manque actuellement environ 40 000 $ d'épargnes enregistrées.

LA VENTE DU CONDO

Est-ce que vendre le condo serait une solution ? Nous voilà à la troisième question.

Pour un logement équivalant au condo de cinq pièces de Carole, le planificateur retient un loyer de 1200 $ par mois. 

Actuellement, la mensualité hypothécaire, l'impôt foncier et les charges de copropriété lui coûtent 890 $ par mois.

« Il y aurait un surplus à payer dans son coût de vie de 310 $ par mois », constate-t-il. 

Le coût de vie annuel grimperait alors à 40 700 $. Le capital récupéré avec la vente de la maison compenserait-il la hausse ?

Une fois les frais soustraits, Carole encaisserait quelque 131 500 $, estime le planificateur. 

Pour couvrir le déficit budgétaire, il puise d'abord dans le capital issu de la propriété, laissant le REER fructifier à l'abri de l'impôt.

Ses dernières épargnes s'épuisent alors que Carole est encore octogénaire. Il lui manque actuellement à peine 30 000 $ d'épargne en REER pour atteindre l'objectif.

Si Carole peut trouver un logement dont le loyer est égal aux 890 $ que lui coûte son condo, ses épargnes perdurent sans mal jusqu'à 96 ans.

Mais elle risque fort de subir une diminution de la qualité de son cadre de vie.

LA SOLUTION MITOYENNE

« Le scénario le plus intéressant pour elle, c'est de prendre sa rente nivelée, sans garantie, et de conserver sa maison, suggère Jean-Nagual Taillefer. Elle pourrait la vendre lorsqu'elle va voir que ses actifs commencent à diminuer. »

En vendant son condo à l'âge de 75 ans, par exemple, elle aura amplement de fonds pour atteindre 96 ans.

« Elle pourrait possiblement prendre sa retraite maintenant », constate-t-il.

Pour plus de sûreté, il lui recommande de rencontrer un conseiller budgétaire ou un planificateur financier « pour établir son coût de vie réel, avec un budget détaillé ».

Pas de stress, la retraite se présente bien, Carole.

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Jean-Nagual Taillefer, planificateur financier. Photo Hugo-Sébastien Aubert, La Presse