Prendre sa retraite sur un voilier dans les Caraïbes, voilà un projet particulièrement emballant ! Comment éviter les écueils et mener son projet à bon port ?

LE PROBLÈME 



D'ici deux ans, Pierre et Lucie souhaitent partir à la retraite. Ce sera pour eux le départ d'une grande aventure. Ils veulent vendre tout ce qu'ils ont et partir vivre sur un voilier dans les Caraïbes. Âgés de 51 et 57 ans respectivement, ils pensent adopter ce style de vie pendant une dizaine d'années. Ensuite : retour au Québec... ou pas. « En dix ans, il peut s'en passer, des choses, note Pierre. On va peut-être choisir de s'installer dans un autre pays. » Il pense alors vendre le bateau et peut-être acheter une nouvelle résidence.

Le coût de leur aventure demeure bien incertain. Le couple pense toutefois pouvoir s'en tirer avec 30 000 $ par année. Il a un plan de match assez précis en tête. « Nous avons chacun une résidence et elles devraient nous laisser environ 370 000 $ après le remboursement des hypothèques, explique Pierre. Nous prévoyons payer environ 300 000 $ pour l'achat du bateau. Nous décaisserons nos régimes enregistrés d'épargne-retraite (REER) d'abord et nous vivrons ensuite de nos prestations gouvernementales. Nous les réclamerions le plus tard possible afin qu'elles soient bonifiées. »

Les deux prochaines années leur permettront de peaufiner leur projet, de suivre des formations complémentaires sur la vie en voilier et d'économiser encore un peu. Ils pensent pouvoir ajouter 15 000 $ chacun à leurs REER.

Le couple veut toutefois s'assurer que son projet est réalisable et vérifier s'il utilise la meilleure stratégie pour le mener à bien.

Photo François Roy, La Presse

David Truong, conseiller au au Centre d'expertise de Banque Nationale Gestion privée 1859.

LA SOLUTION 

Repousser les demandes au RRQ et pour la pension de la Sécurité de la vieillesse (PSV) n'est pas une mauvaise idée. Mais dans leur situation, cette stratégie n'est pas optimale, selon David Truong, conseiller au Centre d'expertise de Banque Nationale Gestion privée 1859. Il serait plus avantageux de le faire à 65 ans. De plus, dans les deux prochaines années, le couple ne devrait investir dans son REER que s'il obtient une bonne économie d'impôt.

M. Truong propose une stratégie en quatre étapes en fonction de l'âge de Pierre et de Lucie. Dans les cinq premières années de leur voyage, entre 2020 et 2024, le couple devrait retirer 60 000 $ par année de ses REER. Il aurait ainsi les 30 000 $ prévus pour ses dépenses et l'argent nécessaire pour l'impôt. Les 15 000 $ restants seront investis dans un compte d'épargne libre d'impôt (CELI). Les retraités constitueront ainsi un fonds de prévoyance de 75 000 $ en cinq ans. Il va croître à l'abri de l'impôt et les retraits ne seront pas imposables.

En 2025, Lucie atteindra 65 ans et fera sa demande de PSV. « Elle pourrait la retarder, mais elle se priverait du supplément de revenu garanti (SRG) auquel elle aura droit, explique M. Truong. Pour des raisons de liquidités, je pense qu'il serait aussi bénéfique qu'elle fasse sa demande de RRQ. » Elle obtiendrait ainsi plus de 23 000 $ des gouvernements. Elle pourrait combler le manque à gagner en faisant un retrait du CELI.

En 2026, Pierre aura 60 ans. Comme Lucie sera prestataire du SRG, il aura droit à l'allocation pour conjoint. « Le SRG de Lucie sera réduit, mais ils vont recevoir un peu plus à deux, calcule M. Truong. Ils vont recevoir 28 000 $ ensemble et pourront retirer 2000 $ du CELI. »

Quand Pierre aura 65 ans, en 2032, il n'aura plus droit à l'allocation pour conjoint. Il devra réclamer lui aussi ses prestations gouvernementales. Selon M. Truong, le couple aura alors environ 30 000 $ par an pour vivre. C'est moins que son train de vie actuel. Il conservera toutefois un coussin dans son CELI.

Le couple jouira aussi du montant de la vente de son bateau. « Il faut tenir compte du fait qu'il y a une dépréciation, souligne M. Truong. Je ne leur suggérerais pas vraiment de prendre une hypothèque pour acheter une résidence à leur retour avec des revenus aussi peu élevés. »

D'AUTRES ÉLÉMENTS À CONSIDÉRER



Dans la préparation de leur aventure, les membres du couple devraient aussi s'attarder à quelques détails pour éviter les mauvaises surprises.

Tout d'abord, comme ils sont en couple depuis 15 ans, ils auront de l'impôt sur le gain en capital à payer lors de la vente des maisons. En effet, un couple peut en désigner une seule à titre de résidence principale pour bénéficier de l'exemption. « Pour déterminer ce qui sera le plus avantageux, il faut tenir compte du prix d'achat, de la valeur marchande au moment de la vente et des rénovations effectuées », précise M. Truong. Certains travaux peuvent être déduits lorsqu'ils font grimper la valeur de la maison, mais pas tous.

Ensuite, ils doivent être conscients qu'ils ne seront plus couverts par la Régie de l'assurance maladie du Québec s'ils s'absentent de la province pour plus de six mois par année, rappelle M. Truong.

Finalement, ils doivent s'assurer de demeurer des résidants fiscaux canadiens, en conservant leurs comptes bancaires et leurs permis de conduire au pays, par exemple. « Sinon, il y aura une retenue de 25 % sur leurs prestations gouvernementales », prévient M. Truong. Pour récupérer cette somme, il faudrait qu'ils aient de l'impôt à payer dans un autre pays.