Mais que faire avec son condo montréalais ? Le vendre pour remplumer sa caisse de retraite ? Le louer, comme on le lui conseille ?

Ah ! Québec ! « J'habite seule à Montréal », nous apprend Anne. Elle y possède un condo, entièrement payé, d'une valeur d'environ 350 000 $. Elle a 63 ans, n'a ni conjoint ni enfant, et veut prendre sa retraite dans deux ans.

« Mon projet serait de vendre mon condo et d'aller vivre à Québec où la qualité de vie est meilleure, où le coût de la vie est moins élevé et où se trouvent mes amies. Mais tout le monde autour de moi me dit de garder mon condo, de le louer plutôt. Moi, je voulais me servir de la vente dudit condo comme fonds de pension... »

Car elle n'a aucun régime de retraite. Anne vient d'entreprendre un contrat de deux ans, payé 40 000 $ par année, qui la mènera aux portes de la retraite - et de Québec, espère-t-elle.

Pour y parvenir, elle compte sur des investissements totalisant environ 105 000 $, qu'elle énumère scrupuleusement : huit REER de 10 000 $, 12 000 $, 16 000 $, 4500 $, 16 000 $, 11 000 $, 16 000 $ et 5700 $, plus un CELI de 14 000 $.

« Je suis un peu mêlée dans mes finances - avec tous ces REER - et dans mon choix de vie financière », confie-t-elle.

Elle n'a aucune dette, et son rythme de vie est « très, très restreint », assure-t-elle.

Ses dépenses totalisent 30 000 $ par année, et elle prévoit ne rien changer à son train de vie durant la retraite.

Sa seule dépense d'importance serait le remplacement de sa voiture, un modèle 2005 que son garagiste maintient « sur le respirateur artificiel ». Elle achèterait un véhicule d'occasion d'environ 15 000 $.

« À Québec, je ne sais pas si je prendrais un loyer ou un condo, indique la future administrée du maire Labeaume. Je n'ai pas encore fait mon choix. »

Chose certaine, dans un cas comme dans l'autre, le logement sera petit et abordable.

« J'ai un cinq et demie. Ce serait un trois et demi ou un studio, je prendrais une petite chose de rien. »

Un condo lui coûterait « peut-être autour de 100 000 ou 150 000 $, projette-t-elle. Ça se trouve, à Québec, en sortant du centre-ville ».

Ah ! Québec...

LA RÉPONSE

Québec ? Le planificateur David Paré, de Desjardins Gestion de patrimoine, connaît bien la ville, pour y travailler depuis de nombreuses années.

Il a élaboré trois scénarios pour Anne, « qui a la très bonne idée de revenir vivre à Québec », lance-t-il avec un incontestable parti pris géographique.

PREMIER SCÉNARIO

Il suppose d'abord qu'à 65 ans, Anne se procure une voiture de 15 000 $ avec ses économies.

Puis, dans un premier scénario, elle vend son condo et loue un appartement à Québec.

Le bénéfice de la vente, environ 350 000 $, s'ajoute à ses épargnes, auxquelles il applique un rendement de 3,5 %.

À 65 ans, Anne touchera la prestation de la pension de la Sécurité de la vieillesse (7040 $ par année en dollars d'aujourd'hui) et la rente du Régime des rentes du Québec (10 750 $).

En soutenant un coût de vie indexé de 30 000 $, ses épargnes mènent Anne jusqu'à 93 ans.

« Dans ce scénario, aucun problème », annonce le planificateur.

La location entraînera toutefois des dépenses supplémentaires, souligne-t-il.

Selon lui, Anne peut trouver un logement de trois pièces pour de 700 à 900 $ par mois. « Ce ne sera pas un demi-sous-sol miteux dans la basse-ville », assure-t-il.

Avec son condo actuel, Anne paie 2600 $ par année en impôt foncier et 467 $ par mois en charges de copropriété, électricité incluse. Ces dépenses mensuelles de près de 685 $ seront remplacées par un loyer de 700 à 900 $, plus environ 75 $ d'électricité.

Un appartement à Québec accroîtrait donc son coût de vie de 100 $ à 300 $ par mois.

Avec une retraite à Québec, de combien diminueront ses autres dépenses ?

« Elle doit se demander si ça tient la route ou si ça amène son budget davantage vers les 32 000 ou 33 000 $ », avise David Paré.

DEUXIÈME OPTION

Selon le deuxième scénario du planificateur de Québec, Anne achète un condo de 150 000 $. Il existe sur le marché des condos d'une valeur inférieure, dit-il, mais il ne conseille pas ce compromis sur la qualité.

Des 350 000 $ de la vente du condo montréalais, il ne resterait donc plus que 200 000 $.

Toujours au rythme de 30 000 $ de dépenses annuelles, indexées à 2,1 % par année, « ses actifs s'épuisent à 83 ans », calcule le conseiller.

Il suppose qu'Anne déménage alors dans un appartement locatif et que le condo de Québec est vendu, en tenant compte d'une légère appréciation de 1 % par année.

Dans ces conditions, « elle est en mesure de maintenir son train de vie jusqu'à plus de 90 ans, comme dans le premier scénario ».

Avec des résultats similaires, le choix entre le condo et la location devient davantage une question de coeur que de portefeuille.

TROISIÈME SCÉNARIO

Anne devrait-elle conserver son condo montréalais et le mettre en location, comme certains le lui ont suggéré ?

Pour maintenir le coût de vie de 30 000 $, le condo montréalais devra produire un revenu net de 1250 $ par mois, estime David Paré.

Avec les impôts et les charges de copropriété (685 $), Anne devra donc demander un loyer d'au moins 1935 $ par mois.

« Elle devient tributaire de sa capacité à louer son condo, dit-il. Si pendant trois mois le condo n'est pas loué, pendant trois mois elle n'a pas de salaire. »

Et pendant trois mois, elle se ronge les sangs à Québec, aussi belle la ville soit-elle.

« Pour des raisons de simplicité, mais aussi pour des raisons pratiques, je veux avoir une stabilité, une constance et une prévisibilité de mes revenus à la retraite, ce que ne m'offre pas le condo si je le mets en location », énonce-t-il.

« Ce n'est pas une option que j'envisagerais. »

Anne devra rompre ses dernières amarres montréalaises.

Photo Yan Doublet, archives Le Soleil

Le planificateur David Paré, de Desjardins Gestion de patrimoine