La voie semble peut-être dégagée au départ, mais le garant d'un prêt pourrait bientôt perdre la maîtrise de la situation.

Les effets immédiats

Même si l'emprunteur rembourse son prêt avec la régularité d'un métronome suisse, le cautionnement a des conséquences directes et immédiates pour le garant. « Quand on signe comme endosseur, ça vient affecter notre dossier de crédit », soulève la notaire et planificatrice financière Guylaine Lafleur, de Bachand Lafleur Groupe conseil.

Le prêt s'inscrit au dossier de la caution de la même façon que si c'était le sien. « Si on a besoin d'emprunter à notre tour, il faut divulguer toutes nos dettes, y compris les emprunts qu'on a cautionnés », poursuit-elle. Le nouvel emprunt, qui s'ajoute au cautionnement, pourrait donc porter notre ratio d'endettement à un niveau critique. Le prêt pourrait être refusé, ou accordé avec des conditions moins avantageuses.

Impact émotif

On ne doit pas négliger les tensions sur les relations interpersonnelles. Car c'est au sein de ses proches qu'on cherche une caution. « Ça gâche un party de Noël quand fiston n'a pas remboursé le prêt que la banque a réclamé ensuite à papa », illustre Pierre Leblanc, syndic autorisé en insolvabilité (SAI) et fondateur de Groupe Leblanc Syndic.

L'emprunteur place aussi le garant potentiel devant un inconfortable dilemme. « Quand tu es le père, la mère, le frère, et que tu dis non à l'autre, c'est très émotif, souligne Martine Marleau, conseillère budgétaire à l'ACEF de l'Est de Montréal. Il n'y a pas seulement le côté financier. »

La clause de déchéance

Faisons-nous un peu peur avec la clause de déchéance du terme. C'est le droit que se réserve le créancier, si l'emprunteur fait défaut à ses engagements, de lui réclamer le paiement de l'entièreté du prêt, plutôt que simplement les mensualités en retard. Supposons un emprunt de 20 000 $, remboursé à raison de 200 $ par mois.

Le débiteur a accumulé plusieurs mois de retard et le créancier se tourne vers le garant. « Très souvent, l'endosseur réussira à négocier une entente avec l'institution financière, mais celle-ci pourrait très bien dire : Tu ne me dois plus 200 $ par mois, tu me dois 20 000 $ au complet, paie-moi" », affirme Pierre Leblanc. « Peut-être que les 200 $ par mois pouvaient entrer dans le budget, mais tout à coup, le solde entier est exigé à l'endosseur. Oups... »

En cas de faillite

Si l'emprunteur fait faillite, le garant se trouvera au moins libéré de son engagement, pensez-vous ? Faux. « En cas de faillite de l'emprunteur, le garant aura l'obligation de rembourser le solde du prêt, à moins d'obtenir une entente avec le créancier », précise Pierre Leblanc. À moins que la dette ait été contractée frauduleusement, « le failli - ou la personne ayant déposé une proposition de consommateur - sera libéré de cette dette, mais pas la caution ».

Le garant doit alors rembourser le solde entier de la dette à l'institution financière. Par subrogation, le garant peut alors se substituer au prêteur et endosser ses droits. Il pourrait alors « produire une réclamation dans le dossier de faillite ou de proposition », ajoute-t-il. Mais il ne récupérera au mieux qu'une fraction de ses dépenses.

Conjoints et cautions

Madame accepte d'être caution pour le prêt de Monsieur. Tout va bien... jusqu'à ce qu'ils se séparent. « Madame laisse tous les meubles à Monsieur, et en retour, Monsieur se charge du prêt, relate Pierre Leblanc. Mais Monsieur ne rembourse pas le prêt. Monsieur fait faillite, et Madame doit rembourser le prêt parce qu'elle était caution sur le prêt de Monsieur. »

Madame n'est pas contente.

Les recours

S'il a dû assumer ses coûteuses responsabilités envers le créancier, le garant n'a qu'un seul recours : poursuivre le débiteur initial pour obtenir réparation, pourvu que celui-ci n'ait ni fait faillite ni déposé de proposition de consommateur. Une fois qu'il a remboursé le prêteur, « l'endosseur devient légalement le créancier de l'endossé, et peut prendre des procédures pour forcer la récupération de l'argent », explique Pierre Leblanc.

Mais puisque le débiteur n'a pas été en mesure d'honorer ses engagements financiers, il est peu probable qu'une démarche en justice vous rembourse de votre peine et de vos frais. « Cette personne va potentiellement venir me voir pour faire faillite ou faire une proposition, et elle ne vous paiera de toute façon pas. »