Le bon sommeil financier est autant une question de confort que de psychologie. Consultations auprès de quatre spécialistes. Financiers, bien sûr.

DU CALME ! DU... CAL... ME !

D'abord, prenons quelques profondes respirations. « Il n'y a pas de panique à y avoir. Il s'agit de prendre un peu de recul et de regarder l'ensemble de la situation, pour nous assurer que nos placements sont en lien avec nos objectifs et qu'on a des placements de qualité », exprime David Paré, conseiller en placement et planificateur financier chez Desjardins Gestion de patrimoine.

« Pourvu que j'aie des véhicules de placement de qualité qui correspondent à mes objectifs et à ma tolérance au risque, je pense que ce n'est pas le bon moment de faire des transactions basées sur une émotion. » 

UNE BONNE CORRECTION

Les anciens préceptes pédagogiques professaient que c'est en recevant une bonne correction que l'on tirait de salutaires leçons. Nous venons de connaître une petite correction boursière.

« Si, avec la petite baisse qu'on a eue - parce que d'un point de vue historique, c'est une petite baisse -, on ressent un stress en tant qu'investisseur, c'est clairement un indicateur qu'on n'est pas dans la bonne stratégie de placement pour notre profil », observe Miguel Yargeau, associé et gestionnaire de portefeuille chez Brassard Goulet Yargeau, Services financiers intégrés.

PROFIL À DEUX FACES

Quel est mon véritable profil d'investisseur ?

Ce profil présente deux faces. « Lorsqu'on détermine l'allocation d'actifs basée sur le profil d'investisseur, il est important que l'allocation soit conforme au plan financier global, énonce d'abord Miguel Yargeau. Quel est mon besoin de rendement pour la réalisation de mes objectifs ? »

Deuxième paramètre : « Quelle est mon aisance par rapport à la volatilité que va m'amener ce profil-là ? Notre aisance va dépendre de notre personnalité, de notre expérience, de notre situation financière. » 

Il faut garder profil bas, celui qui correspond au plus conservateur des deux paramètres - le plus petit dénominateur des risques.

Miguel Yargeau. Photo: Brassard Goulet Yargeau

PSYCHOLOGIE BÉHAVIORISTE

Un truc de psychologie béhavioriste pour tester sa résistance aux dépressions boursières : « On matérialise la perte en dollars, décrit Miguel Yargeau. Souvent, on se fait parler des baisses en pourcentage : votre portefeuille baisse de 20 %, comment vous sentez-vous ? » 

Posons le problème autrement : vous possédez 200 000 $. Comment réagissez-vous si vous dévissez de 40 000 $ ? « C'est la même baisse, mais visualiser la baisse en dollars permet de vérifier si on est à l'aise ou non avec son profil. » 

LA MOELLEUSE DIVERSIFICATION

Facteur de confort : la diversification du portefeuille boursier.

« Un portefeuille 100 % en croissance avec deux ou trois titres boursiers n'est pas du tout équivalent à un portefeuille 100 % en croissance qui est bien diversifié entre les marchés canadien, américain, internationaux et émergents », rappelle David Poliquin, CFA, associé et gestionnaire de portefeuille chez Brassard Goulet Yargeau, Services financiers intégrés.

ACHETEZ VOS CHAUSSURES EN SOLDE

Est-ce le moment de se réfugier dans des placements sûrs ?

« Le moment n'est pas bien choisi pour aller vers des véhicules sécuritaires garantis, parce que plusieurs titres sont maintenant 10 ou 12 % moins chers qu'ils étaient, indique David Paré. Quand la Bourse va mal, j'en profite, j'en achète un peu plus. »

Hélène Paradis, vice-présidente et conseillère en placement, Conseils de placement privés, Gestion de patrimoine TD, utilise la même analogie. « Si les gens voient une belle paire de souliers en solde de 10, 15 ou 20 %, ils vont aller l'acheter. Mais si on parle de marché boursier, les gens sont souvent plus craintifs à investir. Pourtant, ce sont les meilleurs réflexes à avoir que d'acheter quand c'est bas. » 

COMMENT TROUVER L'ÉTIQUETTE ROUGE ?

Fort bien, mais l'avantage des soldes dans un magasin de chaussures, c'est qu'ils sont bien identifiés. Il est plus difficile de repérer les vraies aubaines boursières.

« Quand les gens n'ont pas de grandes liquidités, ce qu'ils peuvent faire, c'est un plan d'investissement automatique, donc tel montant par mois, répond Hélène Paradis.

Quand arrivent des baisses comme celle-là, ils ont déjà l'habitude d'acheter automatiquement. » Lors des baisses de marché, le même prélèvement mensuel a un plus grand pouvoir d'achat. 

OÙ SONT MES PANTOUFLES ?

Si nous en venons néanmoins à l'inéluctable conclusion que nous sommes plus à l'aise en pantoufles qu'en chaussures de trek, est-ce le moment de larguer ses actions ?

« Il faut attendre que le marché remonte un peu pour moins perdre, et ensuite se repositionner pour être à l'aise avec son portefeuille », avise Hélène Paradis.

Hélène Paradis. Photo David Boily, La Presse

ROBE DE CHAMBRE ET BOUILLOTTE

Mais si on sent qu'il faut ajouter la robe de chambre et la bouillotte aux pantoufles, mieux vaut agir tout de suite, estime David Poliquin.

« On n'a pas eu un très gros coup. Si la baisse avait été de 25 ou 30 %, on dirait qu'il est trop tard et qu'il faut vivre avec les conséquences. Mais on n'est pas là. On n'est pas dans une correction sévère, on est dans un soubresaut. Si une personne réagit mal à ce soubresaut et qu'elle est capable de prévoir que si ça baisse encore de 20 %, elle va tout vendre, mieux vaut prévoir le coup et passer à l'action immédiatement. » 

LES OBLIGATOIRES OBLIGATIONS

La portion prudente du portefeuille s'appuie en bonne partie sur les obligations. Leur valeur varie à l'inverse du mouvement des taux d'intérêt. « Normalement, quand les actions baissent, les obligations montent en valeur, parce que les taux d'intérêt descendent eux aussi, informe David Poliquin. Mais actuellement, les deux baissent en même temps. »

Encore une fois, la réponse est dans la diversification, en combinant obligations à court terme et à long terme.

David Péloquin. Photo Brassard Goulet Yargeau

UN TOIT SOLIDE

Alors que les taux d'intérêt ont commencé à grimper, on dormira d'autant mieux qu'on sait que notre édifice hypothécaire ne nous tombera pas sur la tête.

« Dans la décision entre taux fixe et taux variable, ce qui est fondamental, c'est l'écart entre les deux », exprime David Poliquin. 

Cet écart équivaut au prix payé à l'emprunteur pour qu'il assume le risque de hausse du taux d'intérêt. « Aujourd'hui, l'écart entre le taux variable et le taux fixe de cinq ans est à 0,75 % : je serai payé 0,75 % pour assumer le risque du taux variable. » C'est bien payé, juge-t-il. « Chez nous, on vient de revenir à la recommandation du taux variable. On était à la recommandation du taux fixe depuis un an et demi. » 

LES TAUX, L'ÉTAU, LES TOTAUX

Mais encore une fois, c'est une question de confort. Si on craint que l'étau des taux nous prenne à la gorge, « c'est le temps d'appeler sa banque, et voir comment on peut fermer un terme à taux fixe, avise Hélène Paradis. Certaines personnes vont être assez à l'aise avec une hausse de taux d'intérêt, mais d'autres, avec un budget un peu plus serré, sont mieux de fixer un taux pour mieux budgéter ».

IL Y A TOUJOURS BIEN UNE MARGE

La hausse des taux d'intérêt va aussi épaissir la marge de crédit. Est-ce le moment de l'amincir ?

« Ça dépend des situations, mais la marge de crédit est sur un taux flottant, fait valoir David Paré. Les taux d'intérêt vont être appelés à augmenter. On a avantage à trouver des stratégies pour rembourser plus rapidement notre marge hypothécaire. »

LE BON VIEUX TRUC

Alors qu'il reste encore une semaine et demie pour cotiser à son REER, David Paré rappelle à ce propos une stratégie éprouvée. « On épargne, on fait nos contributions au REER, et on peut appliquer nos remboursements d'impôt sur la marge hypothécaire. On fait d'une pierre deux coups. Ce sont des vieux principes, mais qui font le travail, surtout dans un contexte où les intérêts deviennent un peu plus onéreux sur une marge de crédit. »

David Paré. Photo Yan Doublet, Le Soleil