Doit-on nécessairement acheter les vêtements, les sacs à main et les chaussures que l'on porte ? Pas du tout. Que ce soit en Europe, aux États-Unis ou ici, de nouvelles formes de consommation émergent à mesure que l'envie de posséder s'amenuise au profit de l'intérêt pour le simple usage.

DE LA ROBE DE BAL AU JEANS

On loue des voitures, des outils, des vélos, des livres. Les hommes louent des smokings... Mais les femmes sont-elles prêtes à payer pour emprunter des robes, des escarpins et des sacs à main ? Certains entrepreneurs sont convaincus que si.

Les Parisiennes qui souhaitent s'afficher dans la rue avec un sac Vuitton à 1000 euros (1500 $) peuvent désormais s'offrir ce luxe pour 10 euros (15 $) par jour. Début novembre, le site InstantLuxe, spécialisé dans la vente de maroquinerie haut de gamme de seconde main, a lancé un service de location de sacs à main neufs.

En France, le marché de la location est quasi inexistant, alors qu'il est « en train d'exploser aux États-Unis, qui ont toujours une longueur d'avance sur l'Europe pour les modes de consommation », a expliqué le fondateur d'InstantLuxe, Yan Le Floc'h, à l'AFP.

Comme beaucoup, l'homme d'affaires constate qu'on passe d'une consommation de possession à une consommation d'usage.

Ce changement s'observe depuis quelques années avec divers biens, dont l'automobile (pensons à Communauto et car2go), la musique en continu (Stingray et Spotify), les films (Netflix), le vélo (BIXI). Mais qui commence seulement à intéresser l'univers de la mode.

Chez nos voisins du Sud, Rent the Runway fait figure de pionnier dans la location de vêtements. L'entreprise new-yorkaise a été fondée en 2009. Elle vaut maintenant 1 milliard US (1,28 milliard) et ses revenus ont atteint 100 millions US (128 millions) l'an dernier.

Au départ, les femmes n'y trouvaient que des robes luxueuses pour assister à un mariage ou une soirée mondaine.

PROVOQUER LA FAILLITE DE H&M ET ZARA

Mais depuis mars 2016, les Américaines peuvent y louer des vêtements pour le travail et même la fin de semaine grâce à un service d'abonnement. Rent the Runway veut ainsi mettre fin aux garde-robes « statiques » en les remplaçant par des garde-robes « rotationnelles ». Ce qui aura comme conséquence de diminuer l'attrait pour les vêtements bon marché, croit sa cofondatrice Jennifer Hyman.

« Je veux provoquer la faillite de H&M et Zara. En fait non, je ne le veux pas, je le planifie. » - Jennifer Hyman à l'agence de presse Bloomberg

Pour 89 $US (114 $) par mois, les abonnées louent 4 vêtements (parmi 450 marques) qu'elles conservent 30 jours. Pour 70 $US de plus, elles retournent les 4 vêtements aussi souvent que voulu pour qu'ils soient remplacés. Il est également possible de louer les vêtements à la pièce pour quelques jours.

En France, une offre similaire existe depuis janvier 2017. Panoplycity.com loue sur abonnement des vêtements griffés : Marc Jacobs, Kenzo, Courrèges ou Sonia Rykiel. Pour 350 euros (530 $) par mois, la cliente a accès à 10 pièces.

« La location change la relation au vêtement. On continue d'acheter, mais on peut aussi s'amuser. Au lieu d'acheter un énième manteau noir pour l'hiver, on peut, avec le même budget, prendre un abonnement et changer de couleur de manteau toutes les semaines ! », soulignait la cofondatrice Emmanuelle Brizay à l'AFP, en novembre.

RÉACTION DES DÉTAILLANTS

Chaque entreprise exploite sa niche. Aux États-Unis, Gwynnie Bee vise exclusivement la femme de taille forte avec ses boîtes de vêtements de taille 10 à 32 ans livrées sur abonnement.

Face au phénomène, les experts du secteur s'attendent déjà à voir des détaillants de vêtements se lancer dans l'aventure. À l'image des supermarchés qui ont commencé à vendre des repas en kit pour concurrencer les Goodfood et Cook it de ce monde.

Les magasins Ann Taylor font partie des premiers aux États-Unis à tester le modèle. L'abonnement sur infinitestylebyanntaylor.com coûte 95 $ par mois. L'offre monomarque y est évidemment moins vaste que celle de Rent the Runway, ce qui risque d'en diminuer l'attrait, croient certains observateurs du milieu.

Le géant de la chaussure DSW (ventes annuelles de 2,7 milliards US) testera en 2018 la location de modèles haut de gamme. Une idée qui ne fait pas l'unanimité. Ce nouveau service amène l'économie collaborative trop loin, car « des souliers, c'est personnel », a déclaré le président du Luxury Institute, Milton Pedraza, à Retail. Cela dit, Rent the Runway loue des chaussures depuis 2015.

« La génération Y est complètement prête pour le marché de la location. Pour eux, ce n'est pas un problème de ne pas posséder, car ils ont déjà toute leur vie [stockée en ligne] sur le cloud », affirmait plutôt à l'AFP récemment Julie El Ghouzzi, directrice du Centre du luxe et de la création, un think tank français dans le domaine du luxe. 

CHIC MARIE

ON Y LOUE QUOI, POURQUOI ?

Des marques québécoises (Eve Gravel, Dinh Bà, Annie 50), canadienne (Joe Fresh), américaines (Gap, Old Navy) et européennes (H&M, Zara, Top Shop). Pour bonifier sa garde-robe de travail et de fin de semaine. Tailles 0 à 16 ans.

COMMENT ÇA FONCTIONNE ?

On choisit trois vêtements qui nous sont acheminés par la poste. Les vêtements peuvent être retournés à tout moment : les forfaits incluent trois livraisons par mois. Il est possible d'acheter les vêtements qu'on a aimés.

COMBIEN ÇA COÛTE ?

Abonnements à 55 ou 95 $ par mois pour neuf morceaux (selon qu'il s'agisse d'une garde-robe « casual » ou classique). Prix mensuel régressif pour les abonnements de six mois ou plus.

STATION SERVICE

ON Y LOUE QUOI, POURQUOI ?

Des vêtements et accessoires de designers locaux comme Marigold, Martel, Oneself, Noémia et Odeyalo pour « une soirée spéciale » ou pour le simple plaisir et pour réduire son impact environnemental, fait valoir l'entreprise.

COMMENT ÇA FONCTIONNE ?

On choisit en ligne les pièces qui nous intéressent. L'expédition se fait à vélo, mais la cueillette en boutique est possible. La location est valide sept jours. On retourne la tenue de la même façon qu'on l'a reçue.

COMBIEN ÇA COÛTE ?

De 45 et 70 $ pour une robe. De 40 à 65 $ pour un pantalon.

Un collier valant 50 $ est loué 15 $ (30 %)

Une robe valant 179 $ est louée 50 $ (28 %)

Un pantalon valant 159 $ est loué 40 $ (25 %)

LA PETITE ROBE NOIRE (LPRN)

ON Y LOUE QUOI, POURQUOI ?

« Posséder, c'est démodé ! Louez ! », dit le site web de l'entreprise montréalaise. On y trouve des robes de soirée pour les « femmes de tous âges et de tous styles ». Tailles 0 à 16 ans.

COMMENT ÇA FONCTIONNE ?

LPRN fait le lien entre des femmes qui veulent « rentabiliser » des robes qu'elles possèdent et d'autres qui souhaitent les louer. Les « déposantes » reçoivent 30 % du prix de location. La robe demeure leur propriété. Les robes ne sont pas montrées en ligne. Il faut prendre rendez-vous et se pointer dans un local de la rue Saint-Ambroise.

COMBIEN ÇA COÛTE ?

Les « locatrices » ont le choix entre 1500 robes qu'elles pourront conserver 72 heures moyennant 30 à 150 $.

D'AUTRES FAÇONS DE S'APPROPRIER LES VÊTEMENTS

Achetés par abonnement

Après Frank & Oak, de Montréal, babyGap vient de se lancer aux États-Unis dans les abonnements. Dans les deux cas, le principe est le même : le client reçoit une boîte de vêtements et retourne seulement ceux qui ne lui conviennent pas. Prometteuse, Stitch Fix (entrée en Bourse le 17 novembre) utilise aussi ce modèle d'affaires. La pionnière Black Socks envoie mensuellement des chaussettes à ses abonnés (depuis 1999). Ce qui n'est pas sans rappeler le défunt Club Columbia...

Les friperies

On connaît le Village des Valeurs et le réseau de magasins Renaissance. Mais il existe aussi des boutiques qui sélectionnent encore plus judicieusement les vêtements qu'on leur apporte. Dans ces friperies où l'on n'accepte que des marques réputées et des modèles dernier cri, celles qui n'ont pas les moyens de s'acheter un imper Burberry neuf peuvent se gâter, sans honte. Les fashionistas de la région montréalaise connaissent les boutiques Ruse, Raymond IV-Le Vide-Dressing Chic, Sharyn Scott, Friperie Morgan et Prise 2.

Les événements d'échange

Entre filles, pourquoi ne pas s'organiser une soirée de troc ? Il suffit d'être assez nombreuses, d'apporter plusieurs vêtements. On invente des règles pour éviter les frustrations et on repart toutes avec quelques morceaux gratuits.