Vous étiez sûr d'être en bonnes mains avec votre courtier immobilier, mais le rêve a tourné au cauchemar. L'Organisme d'autoréglementation du courtage immobilier du Québec (OACIQ) a le mandat de vous protéger. Des consommateurs estiment toutefois que l'organisme est inefficace. Le gouvernement Couillard doit d'ailleurs déposer un projet de loi pour resserrer les règles. État des lieux.

La parole de l'un contre la parole de l'autre

« Je suis complètement dévastée, gémit Dimitra Panagopoulou. Je ne sais pas comment je vais m'en sortir ! Je leur faisais confiance. »

Mme Panagopoulou a économisé toute sa vie pour s'acheter un condo de trois pièces avec une entrée pour laveuse et sécheuse. Lorsqu'elle obtient sa préqualification pour un prêt hypothécaire à la banque, elle confie au conseiller son inexpérience.

« Je lui ai dit que j'étais seule ici, que je n'avais jamais acheté de propriété et que je n'y connaissais rien. Il m'a donc fourni un courtier immobilier qui m'a téléphoné directement chez moi pour me montrer des condos. »

Selon Mme Panagopoulou, la supposée bienveillance du courtier et du conseiller se serait transformée en harcèlement. Les deux hommes lui auraient mis de la pression pour qu'elle achète un condo de 170 000 $ sans entrée laveuse-sécheuse.

« Le conseiller m'a téléphoné plusieurs fois pour me dire : "Tu vas perdre ton prêt si tu n'achètes pas le condo." Le courtier m'a dit qu'il n'y avait rien d'autre sur le marché dans mes prix et que le propriétaire ferait les travaux pour que j'aie l'entrée laveuse-sécheuse. »

Finalement, elle achète le trois-pièces. Le propriétaire vendeur ne fait pas les travaux. Quelques mois plus tard, un évaluateur de la Ville lui apprend que le condo vaut en fait 42 000 $ de moins. Le courtier aurait omis de lui dire que six mois plus tôt, le même condo s'était vendu à 128 000 $ et qu'aucune rénovation n'avait été faite pour justifier l'augmentation.

Mme Panagopoulou a porté plainte à l'Organisme d'autoréglementation du courtage immobilier du Québec (OACIQ). Elle est allée à la Cour des petites créances, puis à la Cour supérieure du Québec. Pendant le processus, elle dit avoir reçu plusieurs appels du courtier. L'agence immobilière, qui représente le courtier, lui a d'ailleurs envoyé une mise en demeure.

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Extraits de la mise en demeure

« Suite aux nombreuses demandes d'assistance que vous avez faites auprès de l'OACIQ concernant notre courtier ainsi que la récente demande d'audience à la Cour du Québec, nous considérons que vous brimez M. X dans sa dignité, sa réputation et ainsi que dans l'efficacité de son travail. »

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« Entendu que les dommages causés pour cette diffamation et ce harcèlement auront des coûts onéreux qui seront fixés en fonction des pertes financières subies pendant la durée du harcèlement et des allégations diffamatoires. » 

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« Par conséquent nous vous accordons 10 jours pour retirer vos demandes en cours et arrêter tout harcèlement sur notre courtier. »

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Selon l'OACIQ, cette pratique va à l'encontre du code de déontologie des courtiers immobiliers (voir onglet 4). La Presse a contacté l'agence immobilière pour avoir sa version des faits. La franchise a été vendue.

Finalement, après révision, l'OACIQ ferme le dossier : « Soyez avisée que suivant son analyse de l'ensemble du dossier d'enquête du syndic, Madame Houle [courtière qui agit à titre de syndic ad hoc] nous a informé de sa décision finale de ne pas porter plainte contre X devant le comité de discipline », explique la lettre de l'OACIQ.

Une pétition contre l'OACIQ

« Il y a eu de la collusion entre le courtier et le conseiller de la banque. Ils ont profité de moi. Je croyais que l'OACIQ devait nous défendre, mais il défend plutôt les courtiers immobiliers. Je me suis tournée vers la Cour, et le juge a dit que ce n'était pas au courtier de savoir le véritable prix. Le courtier n'a rien eu. »

Nous avons joint le courtier immobilier. Il affirme qu'il est allé se défendre quatre fois à l'OACIQ, puis à la Cour des petites créances et à la Cour supérieure du Québec. Chacune des instances a déterminé qu'il n'y avait pas de faute professionnelle.

La quinquagénaire ne baisse pas les bras. Elle s'est jointe à un groupe de consommateurs qui ont eu maille à partir avec leur courtier immobilier et qui ont déposé une pétition à l'Assemblée nationale, l'hiver dernier. La pétition demande l'abolition de l'Organisme d'autoréglementation du courtage immobilier du Québec, créé par le gouvernement du Québec en 2010.

Selon l'une des initiatrices de la pétition, Karine Tremblay, l'OACIQ agit illégalement. « L'organisme ne remplit pas l'article 32 de la Loi sur le courtage immobilier. Il n'assure pas la protection du public. Seulement 6 % des plaintes ont été reconnues par l'OACIQ en 2014. En plus, ce sont des courtiers immobiliers qui s'occupent des plaintes contre leurs collègues. Les sanctions ne sont pas dissuasives. La plupart des courtiers fautifs ne reçoivent qu'un avertissement ou doivent suivre une formation. Il n'y a que le ministre qui a le pouvoir de nous aider. »

Le groupe de victimes attend avec impatience le dépôt de la nouvelle loi qui, espère-t-il, lui rendra justice ou évitera l'enfer à d'autres.

La nouvelle loi doit être déposée avant la fin de la présente session parlementaire.

photo matthew blank, archives bloomberg

Un groupe de consommateurs demande au gouvernement d'abolir l'Organisme d'autoréglementation du courtage immobilier du Québec.

Recommandations du gouvernement

En 2015, le ministre des Finances, Carlos Leitão, produit un rapport dans lequel il examine si la Loi sur le courtage immobilier répond encore aux besoins du public. Voici ce qu'il suggère.

Que l'OACIQ soit entièrement dirigé par un président-directeur nommé par le gouvernement selon le modèle de l'Autorité des marchés financiers.

À défaut de changer le modèle de gouvernance, limiter les activités de l'OACIQ à l'encadrement des courtiers et des agences.

Interdire à l'OACIQ les services aux courtiers et la publicité promotionnelle.

+WEB Consultez le rapport du ministère des Finances 

L'OACIQ répond à nos questions

La Presse a demandé une entrevue à l'OACIQ. Hélène Morand, vice-présidente, encadrement, a répondu à nos questions par courriel.

Quand on veut acheter une propriété, est-ce dangereux de prendre le même courtier immobilier que celui qui vend la maison que l'on veut ? Il semble y avoir apparence de conflit d'intérêts, non ?

Dans les faits, le courtier ne représente pas les deux parties. Il représente la partie avec laquelle il est sous contrat, soit le vendeur. Il doit mettre les intérêts de son client au premier plan. Il doit toutefois offrir un traitement équitable à l'acheteur.

Les courtiers qui ont fait l'objet de plaintes continuent d'exercer. Ils peuvent avoir un permis valide, même s'ils ont commis des erreurs et fait faillite. Comment s'assurer que le courtier immobilier que l'on engage n'a pas fait d'erreur ? Qu'il n'a pas eu à suivre de formation à cause d'un manquement. 

Lorsque vient le moment de choisir un courtier immobilier, quelques vérifications sont de mise. Dans le but de vous protéger, l'OACIQ a mis en place un Registre des titulaires de permis. Vous pourrez obtenir les coordonnées d'un courtier, vérifier la validité de son permis, parcourir la liste de formations qu'il a suivies et savoir s'il a déjà fait l'objet d'une mesure disciplinaire.

+WEB Consultez le site de l'OACIQ

Est-ce normal que les agences immobilières envoient des mises en demeure aux clients qui portent plainte à l'OACIQ ? Les agences immobilières ont-elles le droit de tenter d'empêcher les clients de porter plainte ? La Presse a recensé plusieurs cas.

De telles pressions iraient à l'encontre du code de déontologie des courtiers immobiliers et hypothécaires. Voir articles 68 et 109 du Règlement - conditions d'exercice, opération de courtage, déontologie et publicité.

68 : Le courtier ou le dirigeant d'agence ne doit pas tenter d'intimider une personne avec qui il est en relation, notamment pour inciter celle-ci à retirer une demande présentée à l'Organisme d'autoréglementation du courtage immobilier du Québec ou à modifier son témoignage.

109 : Le courtier ou le dirigeant d'agence qui est informé qu'une demande d'enquête ou d'intervention a été faite à son sujet [...] ne doit pas communiquer avec la personne qui a demandé la tenue d'une enquête ou d'une intervention, sauf sur permission préalable et écrite du syndic, d'un syndic adjoint ou d'un analyste du service d'assistance.

Quelles sont les sanctions possibles lorsque le courtier inscrit des informations erronées sur les fiches de vente d'une propriété ? Les sanctions sont-elles dissuasives ?

Chaque cas est unique et c'est le comité de discipline qui décidera de la sanction à imposer. L'objectif de la sanction est de dissuader le professionnel de récidiver et d'envoyer un message clair aux autres professionnels autorisés. Le comité de discipline a le pouvoir d'imposer des amendes allant de 1000 $ à 12 500 $ (montants déterminés par la Loi sur le courtage immobilier) ; de suspendre, voire même de révoquer le permis des courtiers ou des agences ayant été reconnus coupables d'une infraction à la Loi sur le courtage immobilier ; d'ordonner à un courtier ou à une agence de remettre une somme d'argent à toute personne ou société à qui elle revient ; d'obliger un courtier à suivre une formation spécifique.

Les dossiers de plaintes à l'OACIQ sont souvent fermés, parce que c'est la parole du courtier contre celle du client. Que suggérez-vous de faire pour avoir des preuves tangibles ?

Les règles de preuve sont régies par la jurisprudence disciplinaire. Comme la mission de l'OACIQ est de protéger le public, tous les efforts sont mis pour lui assurer un traitement juste et équitable.

Plusieurs clients qui ont porté plainte à l'OACIQ ont l'impression que les démarches sont anormalement longues afin que les délais pour aller en cour par la suite soient prescrits. Est-ce le cas ?

Le délai entre le dépôt de la plainte jusqu'à la décision sur sanction a diminué de 23 %. En 2015, il était de 657 jours, contre 507 jours en 2016.

Comment s'assurer que notre courtier immobilier n'a pas fait d'erreur dans les papiers légaux et documents importants ? (Par exemple : fosse septique, certificat de localisation, droit des locataires.)

Les professionnels autorisés par l'OACIQ doivent respecter la Loi sur le courtage immobilier et se soumettre à un code de déontologie strict. Nous recommandons au public de vérifier le dossier disciplinaire d'un courtier à l'aide du Registre des titulaires de permis. De plus, si le public a des questions avant, pendant ou après sa transaction immobilière ou hypothécaire, nous les invitons à communiquer avec notre centre de renseignements Info OACIQ. 

 - Les propos ont été édités pour des fins de concision.

Comment choisir un bon courtier ?

Certains ne se sentiront jamais à l'aise de vendre eux-mêmes leur propriété. D'autres n'ont pas le temps de chercher la maison de leurs rêves. Comment choisir le bon courtier immobilier ? Alain Paquette, conseiller en habitation à CAA-Québec, propose des outils de sélection.

Misez sur l'expérience

« C'est une transaction de plusieurs milliers de dollars et souvent les gens prennent le premier arrivé. C'est un devoir de prendre son temps pour bien le choisir. Rencontrez-en plusieurs. Ils doivent détenir un permis valide. Attention aux courtiers immobiliers qui sont dans le marché pendant 6-8 mois pour faire de l'argent. Essayez de trouver un courtier de carrière en affaires depuis longtemps. Il aura déjà fait face à plusieurs situations. »

Celui qui connaît le secteur

« Le courtier va connaître le secteur que vous convoitez sur le plan des écoles, des cinémas, des centres commerciaux, des réglementations de la Ville. Par exemple : est-ce qu'on peut mettre une corde à linge ? Il ne faut pas oublier que quand on achète une maison, on achète le rythme de vie de la ville. »

Vérifier ses disponibilités

« Le fait de voir plusieurs pancartes d'un même courtier dans un même secteur ne garantit pas qu'il est le meilleur. Il peut s'agir de quelqu'un qui a beaucoup de clients et qui n'est pas souvent disponible. Demandez-lui combien de temps il va pouvoir vous allouer. Si c'est lui et non un autre membre de son équipe qui fera faire les visites de votre maison. »

Bouche-à-oreille et site d'évaluation

« Demandez à un ami, un proche ou une connaissance de vous recommander quelqu'un. Ils pourront vous dire si la transaction s'est bien passée et quelles sont leurs critiques. Vous pouvez aussi jeter un coup d'oeil au site www.certificationqsc.ca et vérifier si le courtier immobilier a de bons commentaires. »

+WEB Consultez le site www.certificationqsc.ca

Une clause si vous trouvez l'acheteur

« Dès le départ, dans le contrat, vous pouvez négocier une clause détaillée dans l'éventualité où c'est vous qui trouvez l'acheteur. S'il n'y a rien d'écrit au contrat, même si vous trouvez seul l'acheteur, c'est au courtier que revient la commission. »

Ne vous fiez pas au courtier pour la santé du bâtiment

« Le courtier est le spécialiste de la transaction immobilière. Il n'est pas le spécialiste de la santé du bâtiment. Il faut engager un inspecteur certifié avant d'acheter. »

Exigez la déclaration du propriétaire vendeur

« C'est un document important qui va montrer la transparence du vendeur. Est-ce qu'il y a eu un incendie ? Des rongeurs ? Un décès dans la maison ? Des infiltrations d'eau ? Est-ce que le champ d'épuration a déjà gelé ? »