Au cours des 15 prochaines années, plus de 1000 baby-boomers atteindront l'âge de la retraite... chaque jour, selon Statistique Canada. Plusieurs devront piger dans leurs épargnes pour vivre. Avec l'espérance de vie qui s'allonge, vont-ils survivre à leurs économies ? Tel est la question à l'ère du grand décaissement.

LE PROBLÈME

À l'aube de la retraite, Guy, 64 ans, et Marie, 61 ans, ont des décisions importantes à prendre et se sentent délaissés par leur conseiller en placement. Tellement que Guy a choisi de gérer lui-même son portefeuille. « Les conseillers sont plus intéressés par l'argent qui rentre que par celui qui sort ! », dit-il.

Il n'a pas tort. Les préretraités reçoivent peu de conseils à cette étape de leur vie. Et ce n'est pas tant par manque d'intérêt de la part des conseillers qu'en raison d'un manque d'expertise, souvent sur l'aspect fiscal du décaissement.

« Ils n'ont pas tous une vue d'ensemble sur la situation de leurs clients, ce qui est d'autant plus important au moment du décaissement », note Nathalie Jacques, planificatrice financière à la Financière Sun Life.

Quoi décaisser ? Dans quel ordre ? Et comment minimiser l'incidence fiscale de ces retraits ? Voilà des questions fréquentes que se posent les préretraités.

Guy, retraité depuis deux ans, retire une pension du Régime de rentes du Québec (RRQ) et retirera bientôt sa pension de la Sécurité de la vieillesse (PSV). Il n'a jamais eu de régime de retraite de ses employeurs. Ayant travaillé toute sa vie dans l'imprimerie, il a connu la lente agonie de ce secteur. « Je perdais toujours mes emplois avant de pouvoir bénéficier d'un plan de retraite ! », dit-il.

Cependant, il a toujours cotisé au maximum dans ses régimes enregistrés d'épargne-retraite (REER). Marie travaille encore et bénéficie d'un régime de retraite de son employeur et d'une participation à l'actionnariat. Elle a aussi épargné de son côté, si bien que le couple dispose d'une cagnotte de plus de 800 000 $ investis.

La dame prévoit quitter son emploi en janvier 2018 afin que le couple, dont le fils unique a quitté la maison, puisse profiter de sa maison de campagne et faire quelques voyages. Elle aura alors 62 ans.

En comptant les rentes gouvernementales de Guy et la rente de retraite de Marie, leur revenu familial entre les 62 ans et les 65 ans de Marie sera de 35 000 $ brut par année, soit 27 000 $ après impôts. Ces revenus ne combleront pas les dépenses du couple, que Guy estime à 59 000 $, incluant un paiement de voiture et des frais de voyages de 10 000 $ par an.

Le couple devra commencer à piger dans ses économies pour boucler son budget et c'est un pensez-y-bien. Car comme les deux sexagénaires sont en bonne santé et jouissent d'un bon patrimoine génétique, ils pourraient vivre plus longtemps à la retraite que sur le marché du travail !

La vie en chiffres

Guy : 64 ans, retraité

REVENUS

RRQ : 9684 $/an

PSV estimée à 65 ans : 6900 $/an

REER : 441 450 $

CELI : 40 701 $

Marie : 61 ans, préretraitée

REVENUS

Régime à prestations déterminées : 18 444 $/an

RRQ estimée à 65 ans : 13 368 $/an

PSV estimée à 65 ans : 7260 $/an

REER : 225 448 $

CELI : 29 697 $

CRI : 160 260 $

Régime d'actionnariat de l'employeur : 25 000 $

Dépenses annuelles : 59 000 $

LA SOLUTION

« Avec leur budget, je ne suis pas inquiète. Ils ont assez d'argent pour prendre leur retraite. Le but est d'optimiser leur situation », dit d'emblée Nathalie Jacques. Le fait que la maison du couple est entièrement payée leur laisse beaucoup de marge de manoeuvre. 

Marie devrait-elle retirer tout de suite sa rente de la RRQ ? Voilà l'une des questions que se pose Guy. Rien ne presse, selon la planificatrice. La rente, évaluée à environ 10 000 $ par année à l'âge de 61 ans, sera fixée à plus de 13 000 $ par année à 65 ans. 

« Je demande toujours aux gens : avez-vous besoin de cet argent pour vivre ? Si la réponse est non, attendez à 65 ans, car vous obtiendrez 6 % de plus par année, ce qui est beaucoup. » - Nathalie Jacques, à propos de la RRQ

Pour combler le manque à gagner de 32 000 $ par an dont le couple aura besoin pendant les trois premières années, la planificatrice suggère à Marie de vendre sa participation au régime d'actionnariat de son employeur et de retirer des sommes du compte de retraite immobilisé (CRI). 

L'employeur de Marie l'oblige à vendre ses actions dans les six mois suivant son départ. Peu importe ce qu'elle fera du montant, elle devra payer de l'impôt sur le gain en capital. Nathalie Jacques propose d'utiliser ces liquidités pour combler une partie du budget de la première année. 

« Le reste devra être retiré du compte REER de Monsieur afin d'équilibrer le revenu imposable », ajoute la planificatrice financière. 

Ensuite, peu de gens savent qu'avant 65 ans, il est possible de retirer du CRI un maximum d'environ 22 000 $ par an (autour de 15 000 $ net). C'est ce que pourrait faire Marie les deux années suivantes, la différence étant toujours prise dans le REER de Guy.

À partir des 65 ans de Marie, le manque à gagner net baissera autour de 12 000 $ par année. « Cette somme pourra être prise en partie dans le CRI de Madame et dans le REER de Monsieur, jusqu'à l'âge de 71 ans, moment où les trois comptes enregistrés seront décaissés progressivement », dit Nathalie Jacques.

Et le compte d'épargne libre d'impôt (CELI) ? Elle conseille de le conserver pour d'autres dépenses, comme des frais médicaux, et le fonds d'urgence. Le couple pourrait d'ailleurs se gâter un peu plus, confirme la planificatrice. « On voit aussi de plus en plus souvent de retraités qui donnent à leurs enfants de leur vivant. »

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