Le Torontois Sean Cooper est adepte de finances personnelles extrêmes : il a payé son hypothèque en trois ans, top chrono. Mais est-ce que payer son hypothèque le plus vite possible est la meilleure stratégie pour tous ? Vaut-il mieux investir ses surplus ? Les trucs de Sean Cooper et l'avis de deux experts.

Le Torontois Sean Cooper a réussi tout un exploit : payer son hypothèque en trois ans. Discipline de fer et détermination, le jeune trentenaire était prêt à tous les sacrifices pour atteindre son objectif... Un sport extrême pour le commun des propriétaires. Il révèle les secrets de ce succès dans son livre Burn Your Mortgage (Brulez votre hypothèque). Sean Cooper, 32 ans, a répondu aux questions de La Presse.

Peut-on vous comparer à un athlète olympique qui n'hésite pas à faire tous les sacrifices nécessaires pour atteindre son but ultime ?

Oui, c'est une bonne comparaison. Je me suis fixé le but de rembourser mon prêt hypothécaire en trois ans à l'âge de 30 ans. Je savais que le gain en valait la peine : la liberté financière. Cela signifiait travailler moins d'heures et être capable de voyager dans le monde. En fin de compte, une maison payée vous offre des options, que ce soit faire du bénévolat ou quitter le marché du travail. Vous n'êtes pas coincé dans un emploi que vous détestez juste parce que vous avez une hypothèque à payer.

Quel est le sacrifice le plus difficile que vous avez dû faire ?

Le temps. Au lieu de passer mes soirées et week-ends à regarder des épisodes de Game of Thrones sur Netflix ou passer du temps avec mes amis au centre commercial, j'étais occupé à travailler à ma prochaine affectation en tant que journaliste de finances personnelles. Je n'ai pas baissé les bras parce que je savais que c'était temporaire. Je l'ai vu comme une douleur à court terme pour un gain à long terme. En travaillant dur pendant trois ans, je peux maintenant profiter de la vie pour le reste de mes jours.

Pourquoi teniez-vous à relever ce défi ?

C'est ma mère qui m'a inspiré. Elle a dû nous élever seule, ma soeur et moi, et a trimé dur pour payer l'hypothèque. Elle a failli perdre la maison familiale à deux occasions quand elle a perdu son emploi. Ce qui m'a donné une grande leçon sur les dangers d'accumuler trop de dettes. Je ne voulais pas que mon hypothèque soit une condamnation à perpétuité.

En résumé : vous avez travaillé 80 heures par semaine en combinant trois emplois, voyagé à vélo, loué le rez-de-chaussée de votre maison et vécu dans le sous-sol, utilisé des meubles usagers et mangé des aliments peu coûteux. Y a-t-il d'autres ingrédients importants à votre recette gagnante ?

Éviter l'inflation du style de vie. Nos dépenses personnelles croissent tout au long de nos vies. Quand nous sommes promus dans nos carrières, nous nous sentons obligés de dépenser plus : voiture neuve, grosse maison, vacances chères et restaurants raffinés. Éviter l'inflation du style de vie en évitant de vous comparer aux autres. Vos voisins peuvent avoir une plus grande maison et une voiture plus amusante, mais vous n'avez aucune idée de la dette personnelle qu'ils ont. Soyez heureux avec tout ce que vous avez accompli et arrêtez d'essayer de suivre les Kardashian - ils sont cassés !

Faut-il des qualités spécifiques pour réussir à payer son hypothèque en trois ans ?

Comme un entrepreneur, vous devez avoir une solide éthique de travail et des compétences en gestion du temps. La partie la plus difficile n'est pas physique, mais mentale : rester motivé. J'avais placé au-dessus de mon bureau un article de journal à propos de mon objectif de remboursement d'hypothèque super-rapide. Je le regardais chaque fois que je manquais de motivation. Il s'agit de trouver ce qui nous aide à rester motivés : courriels de clients satisfaits, une citation inspirante, etc.

Est-ce qu'on peut imaginer réussir ce type d'exploit quand on est dans la quarantaine et qu'on a des enfants ?

Mon histoire est un exemple extrême. Il n'est probablement pas réaliste pour une famille. Cela ne veut pas dire que vous ne pouvez pas rembourser votre hypothèque plus tôt. Des changements de style de vie simples, mais efficaces peuvent aider. Le transport représente la deuxième dépense des ménages. Si vous économisez 15 ou 20 % sur cette dépense, vous pouvez facilement arriver à un supplément de 50 ou 100 $ par mois. Vous pouvez être propriétaire d'une seule voiture achetée de seconde main, par exemple. Il s'agit de trouver des façons créatives d'économiser de l'argent sans réduire votre niveau de vie.

Est-ce que vos parents vous ont aidé à payer vos études et la mise de fonds ?

Non. Pendant mes études à l'université, j'ai eu trois emplois à temps partiel et je travaillais à temps plein durant l'été. J'ai terminé mes études non seulement sans dette, mais aussi avec de l'argent en banque. Les deux années qui ont suivi l'obtention de mon diplôme, j'ai économisé l'argent que je gagnais en travaillant à temps plein. C'est de cette façon que j'ai accumulé la mise de fonds de 170 000 $. Et j'ai même payé un loyer de 600 $ par mois à ma mère.

Quel est votre prochain but ?

Puisque la majeure partie de ma valeur nette est liée à mon domicile, ma prochaine étape est de construire mes actifs financiers pour être mieux diversifié. L'argent que j'utilisais pour payer mon prêt hypothécaire, je le mets dans mon CELI et mon REER. Mon prochain objectif est d'être millionnaire à l'âge de 35 ans. Je cherche aussi à construire mon entreprise de coaching d'argent en aidant les autres à brûler leur hypothèque. Finalement, je voudrais être un Dragon.

Sean Cooper devant sa maison dont il a remboursé l'hypothèque en trois ans seulement. Photo fournie par Sean Cooper

L'avis de deux experts

Vaut-il mieux payer son hypothèque le plus vite possible comme l'a fait Sean Cooper ou rembourser l'hypothèque et investir ses surplus ? Chaque portrait financier est unique, mais deux experts ont accepté de nous éclairer.

Payer l'hypothèque

Daniel Laverdière, planificateur financier, Banque Nationale Gestion privée 1859

« C'est le taux d'hypothèque versus le taux de placement qui va déterminer s'il est préférable de payer l'hypothèque. Actuellement, obtenir des rendements faramineux, c'est un peu rêver en couleur. »

Investir dans les placements non enregistrés ? Surtout pas

« Vous êtes mieux de rembourser votre dette avant de faire du placement non enregistré [hors REER et CELI] parce qu'il faut faire le double de rendement pour que ça puisse être rentable ! On ne peut pas comparer une hypothèque à 3 % et un placement non enregistré qui me donne 3 % parce que le placement de 3 %, ce n'est pas un vrai 3 %. Il faut payer de l'impôt sur les gains et des frais de gestion. En faisant un calcul très simple, on constate qu'après 10 ans, je m'appauvris de 166 $. Je suis dans le négatif. Pour réussir à faire 40 $ après 10 ans, il faut 6 %. Si vous êtes frileux, il n'y a pas une banque qui va vous offrir ça ! »

Investir dans un CELI ? Non

« Quand je compare le CELI avec la dette, la comparaison doit se faire pourcentage par pourcentage. Si le taux d'hypothèque est de 3 % et le rendement du CELI, 3 %, ça s'annule. Si le CELI a un rendement plus faible que la dette, par exemple un 2 %, vous êtes mieux de rembourser votre dette parce qu'après 10 ans, vous serez dans le négatif de 125 $. »

Investir dans un REER ? Non

« Le REER et le CELI sont pareils si le taux d'imposition du début [quand on est sur le marché du travail] est plus élevé que celui de la fin [quand on est à la retraite]. Mais on ne peut pas savoir ce que l'avenir nous réserve. Si je mets 1000 $ dans un REER à 3 % comme le taux de l'hypothèque et que j'inclus le remboursement d'impôt, après 10 ans, la valeur nette demeure 0. »

Payer l'hypothèque en premier : oui, mais...

« Oui, ça vaut la peine de payer plus vite l'hypothèque. Mais il est aussi important de se construire un fonds d'urgence pour faire face à des imprévus, l'équivalent de trois mois de salaire. Même si le rendement est moins élevé, le meilleur véhicule est le CELI. Ça vous donne aussi de l'expérience en placement. »

Investir

Brigitte Felx, planificatrice financière, Banque Royale du Canada

« Si ma dette me coûte moins cher que ce que les rendements font sur les marchés, bien entendu, il n'y aura pas d'urgence de rembourser ma dette. »

Payer l'hypothèque en premier ? Non

« J'ai fait un premier scénario : une personne âgée de 42 ans avec un revenu stable de 75 000 $ par année et une hypothèque de 250 000 $ à 2,94 %. Elle décide de verser 15 000 $ chaque année en surplus dans son hypothèque. Après huit ans, elle aura terminé de payer son hypothèque. Si elle décide ensuite jusqu'à 62 ans de placer 15 000 $ par année dans un REER, le remboursement d'impôt dans un CELI et l'équivalent de ce qu'elle payait en hypothèque dans un placement non enregistré [tous les rendements sont de 4 %], au bout du compte, après 20 ans, elle aura 627 000 $. »

Investir dans un REER ? Oui

« Dans mon deuxième scénario : la personne âgée de 42 ans avec un revenu stable de 75 000 $ par année et une hypothèque de 250 000 $ à 2,94 % décide de placer 15 000 $ par année dans des REER. Elle met ensuite le remboursement d'impôt dans un CELI. Elle ne priorise pas l'hypothèque, mais fait des paiements aux deux semaines pour terminer deux ans plus tôt de la payer. Elle utilise ces deux années pour placer le montant équivalent de l'hypothèque. Avec tous les rendements qui sont de 4 %, au bout de 20 ans, elle aura accumulé 660 000 $. C'est 33 000 $ de plus que dans le premier scénario. C'est vrai qu'on risque de payer plus d'impôt à la retraite, mais il y a des solutions comme le fractionnement des revenus. »

Du cas par cas

« J'ai fait un scénario presque parfait. Tout le monde est différent. Il est préférable d'aller consulter son conseiller ou son planificateur financier. On a la chance d'avoir des logiciels pour faire les calculs et trouver le bon scénario par rapport au style de vie de nos clients. »

L'hypothèque en premier ? Pas de congé de paiement

« Dans le premier scénario, je mise sur l'hypothèque. Ça suppose que je vais sauver des années sur l'amortissement. Il faut alors que je voie la répercussion sur ma retraite. Quand mon hypothèque va être payée, je vais devoir mettre l'équivalent de mes paiements hypothécaires dans mes REER jusqu'à la retraite. »