Véronique et Patrice sont devenus les heureux propriétaires d'un condo à Gatineau en 2012. Deux enfants plus tard, ils rêvent de le troquer contre une maison unifamiliale... mais il a perdu au moins 20 000 $ de sa valeur. Devraient-ils le vendre quand même, ou le louer en attendant une reprise ?

« On n'a pas beaucoup magasiné quand on a acheté notre condo », reconnaît Patrice. Originaire de la région de Montréal, le couple avait déménagé à Ottawa peu de temps auparavant, lorsque Patrice a décroché un poste d'économiste au gouvernement fédéral. Après quelques mois, l'appartement à 1400 $ a semblé exorbitant et les amoureux ont décidé de traverser la rivière pour acheter.

« On s'est laissé aveugler par les paiements mensuels moins élevés que notre loyer. On n'avait aucune idée du marché. » - Patrice, 34 ans

Ils ont payé 209 000 $ leur copropriété de 1300 pieds carrés située au rez-de-chaussée. Contrairement à leurs voisins, ils n'ont pas profité de la remise de 10 000 $ qu'a offerte le promoteur dès la semaine suivante.

Les constructions se sont multipliées dans le quartier, tout comme les pancartes « à vendre ». Le condo « jumeau » de celui du couple est à vendre depuis juin dernier et les visites se font rares, même si le propriétaire a diminué son prix à 189 000 $.

Résignés, Véronique et Patrice accepteraient d'essuyer une perte de 10 000 $. Cela semble malgré tout optimiste dans le marché actuel. Patrice souhaiterait donc louer la copropriété et attendre que les prix remontent. Mais Véronique craint les mauvaises surprises.

« Je ne veux pas qu'on s'étouffe financièrement. Il faut qu'on puisse continuer de faire des activités avec les garçons. » - Véronique, 34 ans

Ils croient pouvoir obtenir 1000 $ par mois d'un locataire, ce qui ne couvrirait pas entièrement l'hypothèque (922 $), les charges de copropriété (130 $) et les taxes (234 $). Patrice songe à mettre tous les débours nets sur une marge de crédit qu'ils régleraient à la vente. Est-ce une bonne stratégie ?

La fiscalité complique leur analyse. Leurs prélèvements d'impôts sont faits en Ontario, où ils travaillent tous les deux, mais ils paient leurs impôts au Québec, où ils habitent. « Chaque année, le montant à verser est une surprise ! », dit Véronique, agente dans une compagnie d'assurances. Ils peinent à évaluer ce que rapporterait, au net, la location de la copropriété.

Dernière question, mais non la moindre : auraient-ils les moyens d'acquérir une maison tout en conservant le condo ? Ils n'ont pas encore tranché entre une maison neuve ou déjà construite, mais visent un budget de 350 000 $ et un déménagement au printemps. « Cette fois-ci, on va s'assurer que la maison ne perdra pas de valeur ! », jure Patrice.

LA VIE EN CHIFFRES

PATRICE, 34 ans

Économiste au gouvernement fédéral

VÉRONIQUE, 34 ans

Agente dans une compagnie d'assurances 

REVENUS BRUTS

Patrice : 77 000 $/an

Amélie : 48 000 $/an

Allocation canadienne pour enfants : 526 $/mois

Soutien pour enfants : 334 $/trimestre

ÉPARGNE

CELI : 35 500 $

REEE : 7600 $

Régimes de retraite à prestations déterminées

DETTES

Hypothèque : 922 $/mois ; 2,84 % d'intérêt ; solde de 174 657 $

Prêt étudiant : 11 800 $

CONDO

Payé 209 000 $ en novembre 2012

Frais de condo : 130 $/mois

Taxes municipales : 2 338 $/an

Taxes scolaires : 470 $/an

LA SOLUTION 

Ghislain Larochelle, président d'Immofacile.ca, a consulté la liste des transactions récentes et des propriétés à vendre près de chez Patrice et Véronique. « C'est mal parti, dit-il. Ce serait très risqué de planifier en fonction d'une augmentation marquée du prix de vente. »

Le coach et formateur en immobilier a aussi calculé la rentabilité de la location. Aux dépenses mensuelles de 1286 $ estimées par le couple, il ajoute 5 % du loyer en entretien, soit 50 $, et 20 $ en assurances. Avec un loyer à 1000 $, la perte mensuelle s'élèverait à 356 $, pour un total de 4272 $ par année. Cette somme, et même une partie du loyer, irait sur le capital de l'hypothèque, mais ce ne serait pas un investissement rentable si le condo ne gagne pas de valeur. 

« Les chances sont assez faibles qu'ils fassent un profit. » - Ghislain Larochelle, président d'Immofacile.ca

S'ils tiennent à conserver la copropriété, Véronique et Patrice devraient plutôt se tourner vers la location à court terme par le truchement de sites comme Airbnb, suggère Ghislain Larochelle. « Là, ils vont faire de l'argent ! » Il faut par contre y consacrer plus de temps, payer l'électricité, le câble et l'internet, meubler l'appartement et fournir la literie et le nécessaire de cuisine.

Sinon, mieux vaut vendre, absorber la perte et repartir sur un autre projet, estime M. Larochelle. Et, encore mieux, essayer de reconstituer le capital perdu en optant pour un duplex ou un triplex plutôt qu'une maison individuelle. « Ça ne se fera pas en quelques jours, évidemment, mais à moyen terme, en ayant des locataires qui paient une partie des frais et de l'hypothèque, ils pourront effacer une partie de la perte sur le condo. »

OPTIMISER LA PERTE FISCALE

Quant à devoir essuyer une perte, on peut au moins l'atténuer en la rendant déductible, propose le fiscaliste Michel Lessard, président de Lessard & St-Hilaire. « Il faut 35 000 $ de revenus bruts pour mettre 20 000 $ de côté. Ce n'est pas négligeable ! »

Au lieu de vendre tout de suite, Patrice et Véronique pourraient transformer la copropriété en bien à usage lucratif en la louant pendant un an ou deux. À ce moment, s'ils vendent à un prix plus bas que le coût d'origine (moins l'amortissement, le cas échéant), cela entraînera une perte terminale. Cette perte sera déductible au regard de tous les revenus générés par le couple.

Entre-temps, la location générera un revenu imposable ou une perte locative, selon l'ampleur des dépenses admissibles. Les charges de copropriété, les taxes municipales et scolaire, les intérêts sur l'hypothèque et les autres coûts d'exploitation seront déductibles d'impôts. Le remboursement sur le capital ne le sera pas, mais la valeur du condo peut être dépréciée chaque année pour diminuer le revenu imposable.

« Utiliser une marge de crédit est une très bonne idée. Ça permet d'isoler les revenus et les dépenses liés à la location du condo, et les intérêts sont déductibles. » - Michel Lessard, fiscaliste

Pour éviter les surprises fiscales, M. Lessard recommande à Véronique et à Patrice d'utiliser au début de chaque année un simulateur d'impôts à payer au Québec (il en existe plusieurs sur le web). Ils peuvent ensuite demander à leurs employeurs d'ajuster les prélèvements en conséquence ou mettre l'argent nécessaire de côté.

LES REINS ASSEZ SOLIDES

Selon Denis Doucet, porte-parole du courtier hypothécaire Multi-Prêts, le couple serait capable d'obtenir une hypothèque de 350 000 $ tout en conservant la copropriété. À condition, évidemment, que les amoureux aient une bonne cote de crédit, des antécédents exempts de retards et aucune dette cachée. « Avec certains prêteurs, ils pourraient obtenir un montant plus élevé, mais ce n'est pas nécessaire pour réaliser leur projet. »

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