L'heure est aux bilans pour le patriarche Warren Buffett. Le plus grand investisseur de notre époque se livre comme jamais auparavant dans un nouveau documentaire de HBO. Notre analyste boursier Paul Durivage y relève ces traits de caractère qui font les champions et pose la question : Berkshire Hathaway serait-il le placement parfait pour 2017 ?

Chaque matin, sa femme laisse un peu d'argent dans le porte-gobelet de sa Cadillac XTS 2014 encore rutilante. Et cela détermine de quoi sera composé son petit-déjeuner chez McDonald's sur le chemin du bureau, le même qu'il emprunte depuis 54 ans. Ce matin-là, il trouve 2,95 $US.

« Le marché boursier ne va pas très bien aujourd'hui, alors je vais me passer du Bacon McMuffin avec oeuf et fromage à 3,17 $US », a tôt fait de calculer Warren Buffett, le plus grand investisseur de notre époque et probablement le multimilliardaire le plus économe.

La scène ouvre le documentaire Becoming Warren Buffett lancé la semaine dernière sur le réseau HBO. Il s'achèvera sur l'impressionnante liste d'oeuvres humanitaires à qui profitent les quelque 100 milliards US légués par le mécène de 86 ans.

Plusieurs films à l'affiche actuellement mettent en vedette des créateurs d'entreprises. On peut voir dans Le fondateur Ray Kroc qui fit d'un restaurant de hamburgers du sud de la Californie, la base de l'empire mondial McDonald's dans les années 50. Le film Or est pour sa part inspiré de l'aventure de David Walsh, le fondateur de Bre-X, une société aurifère bidon de Calgary qui a implosé à la fin des années 90.

PARTI DE RIEN

L'histoire du fondateur de Berkshire Hathaway est la plus inspirante pour le petit investisseur. Selon la critique de CNN, « HBO fournit une sorte de service public à la postérité » avec ce long métrage, et ceux qui le regardent « s'en trouveront plus riches ».

« Warren Buffett est la seule personne qui, à partir de rien, a construit une entreprise qui est aujourd'hui dans le top 10 du Fortune 1000. » - Carol Loomis, ex-éditrice du magazine Fortune, en introduction du documentaire 

Selon Fortune, avec ses revenus de 211 milliards US en 2015, Berkshire figure au quatrième rang des plus grandes entreprises américaines selon le chiffre d'affaires, derrière Apple, Alphabet et Microsoft.

Buffett, dont Forbes estime par ailleurs la fortune personnelle à plus de 74 milliards, a constitué son pécule en livrant des journaux et en vendant des caisses de Coke de porte en porte. À 16 ans, il achetait ses premières actions en Bourse.

Dévoreur de livres et de chiffres, on le voit tout ému, feuilletant l'exemplaire de 1950 du répertoire Moody's des entreprises cotées en Bourse, où il trouva ses premières idées de placement. Un portrait de famille ? lui demande-t-on. « Mieux encore », marmonne-t-il.

POINT DE MIRE

Le film, davantage centré sur l'homme que sur ses réalisations, révèle d'autres attributs qui font les champions, à commencer par sa grande capacité à se concentrer. « C'est un trait important de ma personnalité », reconnaît Warren Buffett. Son ami Bill Gates, fondateur de Microsoft, confirme et relève aussi son talent pour s'entourer des bonnes personnes.

Buffett s'honore également de son code moral et professionnel. Les dirigeants des entreprises qu'il acquiert ont pleine autonomie. Mais gare à ceux qui entacheraient sa réputation.

« Perdez de l'argent pour l'entreprise et je vais comprendre. Nuisez à sa réputation et je serai impitoyable », a-t-il lancé à l'attention des dirigeants de Salomon Brothers dont il défendait la survie devant le gouvernement américain, en 1991. Le document d'archives est une rare occasion de voir Warren Buffett en colère.

Visite au petit siège social de Berkshire, à Omaha dans le Nebraska. Les murs des corridors sont décorés de pages de journaux qu'il collectionne. Il ne s'agit pas d'articles à sa gloire, mais plutôt de comptes rendus de journées de crise à Wall Street. « C'est un rappel que tout peut arriver. Appelez cela de l'art instructif », commente le patriarche.

Dans son propre bureau, son diplôme de l'école d'élocution publique Dale Carnegie est bien en vue alors que son attestation de son passage à l'Université du Nebraska et de sa maîtrise en économie de l'Université Columbia sont dans des boîtes. « Sans cela, ma vie n'aurait jamais été pareille », commente le timide investisseur, qui n'avait pas mis ses lunettes à son mariage pour ne pas voir la foule.

RENDEMENTS COMPOSÉS

Buffett explique par ailleurs à un petit groupe de jeunes en classe la magie des taux composés, concept qu'il avait lui-même saisi dès le plus jeune âge, en réinvestissant les profits de ses petits commerces dans d'autres aventures. On comprend qu'il n'est pas question de voir Berkshire verser un dividende tant que l'écureuil est à la manoeuvre.

« C'est l'histoire de l'homme à qui le roi accorde un voeu. L'homme demande de déposer un grain de blé sur la première case d'un échiquier et de doubler la mise de l'une à l'autre. Le roi y laissera son royaume. » - Warren Buffett à des étudiants

« C'est un concept très simple. Mais avec le temps, cela permet de réaliser des choses extraordinaires. »

C'est ainsi qu'il a longtemps repoussé le don de sa fortune aux bonnes oeuvres, comme l'en pressait sa première femme Susan Thompson, pour pleinement profiter des rendements composés. Ce n'est qu'après la mort de cette dernière que l'habile gestionnaire a cédé sa fortune aux fondations mises sur pied par ses enfants et ses amis Bill et Melinda Gates.

Warren Buffett, conclut le reportage de HBO, est le plus grand mécène de tous les temps.

Photo fournie par HBO

Dans un nouveau documentaire de HBO, le plus grand investisseur de notre époque, Warren Buffett, se livre comme jamais auparavant.

L'oracle d'Omaha en citations

Warren Buffett baisse un peu la garde devant la caméra dans le documentaire que lui consacre le cinéaste Peter Kunhardt. Voici quelques citations éclairantes de l'Oracle d'Omaha sur l'investissement boursier.

« La première règle en investissement est de ne jamais perdre d'argent. La deuxième règle est de ne jamais oublier la première règle. » (Citation empruntée à Ben Graham)

« Le truc est d'attendre la bonne balle dans votre zone de frappe idéale. Et les gens qui vous pressent de frapper, ignorez-les. » (En référence au livre Science of hitting de Ted William)

« Vous n'investirez pas bien si vous êtes émotif... Les actions n'ont aucun sentiment pour vous. »

« J'aime à m'asseoir et réfléchir même si cela a l'air improductif. »

« Le facteur le plus important pour faire de l'argent, c'est le temps. Vous n'avez pas besoin d'être particulièrement intelligent, vous devez juste être patient. »