Pour bien des épargnants, les chiffres et les termes financiers qui s'alignent sur leur relevé de placements sont aussi compréhensibles que du chinois. Ils pourront enfin y voir plus clair, grâce aux nouvelles règles en vigueur depuis peu. Mais il manque encore une partie du portrait.

Un peu de clarté pour vos investissements

Lisez-vous vos relevés de placements ? Si oui, y comprenez-vous quelque chose ? Connaissez-vous le total de vos investissements, leur variation annuelle ou depuis l'achat, et le montant payé en frais et commission à votre conseiller financier ?

Toutes ces informations, pourtant essentielles, mais auparavant difficiles à retrouver pour les investisseurs, doivent enfin être présentées plus clairement dans deux relevés annuels, envoyés par votre institution financière ou votre firme de placements. Vous pourrez y voir la performance de votre portefeuille et les frais prélevés.

Cette nouvelle transparence est exigée par la deuxième phase de la réforme du Modèle de relation client-conseiller (MRCC2), qui impose aux courtiers et négociants en valeurs mobilières d'envoyer chaque année à leurs clients deux nouveaux documents, détaillant les rendements annuels des investissements ainsi que les frais et la rémunération qu'ils perçoivent.

« Ça a pris 10 ans de revendications pour avoir ces changements », souligne Normand Caron, responsable de la formation au Mouvement d'éducation et de défense des actionnaires (MEDAC). « Avant, c'était trop complexe, les gens ne comprenaient pas leur rendement et ne savaient pas combien de frais ils payaient et pourquoi. »

Les Canadiens paient des frais parmi les plus élevés dans le monde pour leurs placements, selon une étude publiée en 2015 par la firme Morningstar. Pourtant, plusieurs épargnants ne savent même pas qu'ils déboursent ces frais, prélevés à même leurs revenus d'investissements, ce qui a un impact sur leurs rendements et, au bout du compte, sur leurs revenus de retraite.

Les nouvelles règles vont les aider à décider si leur conseiller leur en donne pour leur argent : les services reçus valent-ils les frais payés ? Si ces frais sont plus importants que le rendement obtenu, certains auront sûrement des questions à poser.

« En cas de perte, les investisseurs se rendront peut-être compte que ce n'est pas la faute du rendement sur leurs placements, mais à cause des frais élevés. » - Robert Pouliot, spécialiste du risque fiduciaire

M. Pouliot enseigne à l'École des sciences de la gestion de l'Université du Québec à Montréal (UQAM) et siège au conseil de la Fondation canadienne pour l'avancement des droits des investisseurs (FAIR Canada).

PLUS DE FRAIS, MOINS DE RENDEMENT

« Maintenant que les investisseurs vont voir les frais qu'ils paient, certains risquent d'avoir un choc, souligne Normand Caron. Si on paie 1000 $ de frais, mais que notre conseiller ne fait que nous téléphoner une fois par année pour nous demander si on va prendre des REER, on voudra peut-être aller voir ailleurs pour avoir un meilleur service à moindre coût. »

L'Autorité des marchés financiers (AMF) met d'ailleurs les investisseurs en garde contre l'impact des frais liés aux fonds communs de placement. « Lorsque vous investissez dans des parts d'un fonds commun de placement, des frais peuvent vous être facturés, peut-on lire sur le site web de l'organisme. Des frais élevés ne sont pas synonymes de meilleurs rendements. Avant de vous procurer un fonds commun de placement, vérifiez et comparez les frais qui y sont liés, car chaque dollar payé en frais est un dollar de rendement en moins. »

Selon l'Institut des Fonds d'investissement du Canada (IFIC), les frais moyens pour des placements effectués par l'entremise de conseillers sont de 2,02 % au pays. Pour un portefeuille de placements de 50 000 $, la facture atteint donc 1000 $ par année.

« Mais si on ajoute les frais de gestion, les frais de garde et les frais de transaction, qui sont toujours dissimulés dans le rendement, ça peut facilement monter à 3 ou 4 %, selon les catégories d'actifs. C'est énorme ! » déplore Robert Pouliot, qui a publié en 2007 La plaie des frais financiers, un rapport sur le coût élevé des placements au Canada.

Vous trouverez peut-être longue la liste des services qu'on vous facture, mais pourtant, il reste encore des frais cachés, aux noms nébuleux, qui peuvent varier d'une firme ou d'une institution financière à l'autre : frais de courtage (ou frais de transaction ou de commission), frais de vente d'actions, frais de garde, frais de gestion, frais d'exploitation, etc.

Le MEDAC songe à organiser des ateliers pour aider les épargnants à comprendre leur relevé de placements et leurs rapports annuels.

QUI EST TOUCHÉ ?

La plupart des conseillers financiers doivent respecter les nouvelles règles : représentants des firmes de courtage, représentants en épargne collective qui distribuent des fonds communs, représentants en plan de bourse d'études et même courtiers à escompte qui permettent de faire des transactions sur l'internet. Mais il y a des exceptions, comme pour les représentants en assurances de personnes ou les représentants des banques qui vous vendent des dépôts à terme.

D'autres pistes pour protéger les investisseurs

La Fondation canadienne pour l'avancement des droits des investisseurs (FAIR Canada) se réjouit de voir que les épargnants auront enfin des informations plus claires sur leurs placements, mais souligne que le travail n'est pas terminé. Voici sa liste de souhaits pour améliorer la protection des petits investisseurs en 2017.

Une norme sur l'intérêt supérieur de l'épargnant

Il n'existe aucune exigence légale pour que les conseillers fassent des recommandations qui sont dans l'intérêt de leurs clients. « Souvent, les consommateurs ne savent pas que les fournisseurs de services financiers qui leur donnent des "conseils" sont simplement des vendeurs qui essaient de leur faire acheter des produits financiers coûteux », note l'organisme, qui souhaite que les « conseillers » soient obligés de donner des conseils qui sont dans l'intérêt supérieur des consommateurs, en accord avec les attentes des consommateurs.

Interdire les commissions de suivi

Les commissions de suivi présentent un sérieux potentiel de conflit d'intérêts et entraînent des coûts élevés et incompréhensibles pour les consommateurs, selon FAIR Canada. « Les conflits d'intérêts sont structuraux et systémiques, causant du tort non seulement aux investisseurs, mais au marché lui-même. » Le groupe souhaite que les organismes de réglementation des valeurs mobilières interdisent les commissions de suivi et encouragent la concurrence des prix réels entre les fonds communs de placement.

Implanter un service de médiation national

Il n'existe pas au Canada de service de médiation prescrit par la loi, qui peut prendre des décisions exécutoires en cas de plainte relative aux investissements. FAIR Canada estime que les consommateurs doivent être protégés en ayant accès à un processus équitable offrant des résultats justes.

Protéger les consommateurs de la spéculation à effet de levier

FAIR Canada est préoccupée par le fait que certaines institutions financières incitent des consommateurs à emprunter pour investir (investissement par effet de levier), alors qu'une telle stratégie n'est pas appropriée dans bien des cas et que les Canadiens sont déjà lourdement endettés. « Nous avons signalé aux organismes de réglementation des valeurs mobilières le problème des pratiques et des relations inappropriées entre les banques qui fournissent des prêts aux fins d'investissement et les courtiers attitrés, le problème étant que les consommateurs sont encouragés à contracter des prêts alors qu'ils sont encore dans le bureau de leur conseiller. » FAIR Canada souhaite l'interdiction des commissions aux conseillers en cas de montants empruntés aux fins d'investissement, étant donné le conflit d'intérêts que représente une telle action.

Un répertoire national des représentants

Les investisseurs se font dire de vérifier l'inscription de toute personne vendant des investissements, mais de telles vérifications sont compliquées pour les consommateurs. « Les organismes de réglementation doivent fournir un système unique national et complet que les Canadiens peuvent utiliser facilement pour vérifier les antécédents, l'état d'inscription, les compétences professionnelles et les antécédents disciplinaires des courtiers attitrés, [ainsi que] des titulaires de permis de services financiers, peu importe s'ils font partie du secteur bancaire, des assurances ou des valeurs mobilières. »