Résumons-nous : pas de panique. Une lectrice s'inquiète. Son représentant en assurance vie l'a avisée que des modifications fiscales pour l'assurance vie entreront en vigueur le 1er janvier prochain.

« C'est pour changer de police qu'il m'a contactée, me disant que ce serait plus avantageux pour moi », indique-t-elle. Elle détient une assurance vie temporaire.

« Le représentant dit que les clients affectés devraient changer de type d'assurance parce qu'à partir du 1er janvier, les primes vont augmenter de 15 % à cause de ces changements fiscaux. Si j'ai bien compris, il faudrait changer pour quelque chose de permanent. »

Son représentant a-t-il raison ? Notre lectrice est-elle touchée ? Y a-t-il urgence ?

Restons calmes.

QUEL TYPE D'ASSURANCE VIE EST TOUCHÉ ?

Distinguons d'abord trois grands types d'assurance vie : temporaire, entière et universelle.

L'assurance vie temporaire ne vise qu'à procurer aux bénéficiaires une protection en cas de décès de l'assuré. Elle est limitée dans le temps - 10 ou 20 ans, par exemple, période durant laquelle la prime demeure fixe. La police peut cependant être renouvelée, généralement avec hausse de prime. Pas de décès ? Pas d'argent, comme avec une assurance habitation.

Les deux autres types sont des assurances permanentes.

Avec l'assurance vie entière, la police couvre la vie entière avec des primes fixes, ce qui garantit que la prestation de décès sera versée.

L'assurance vie universelle combine une protection en cas de décès et une part d'épargne, avec certains avantages fiscaux.

C'est surtout cette dernière qui est touchée par la nouvelle réglementation fiscale. « Elle ne touche pas les assurances collectives ni les assurances temporaires », observe le planificateur financier Denis Preston, formateur en sécurité financière.

QUELLES SONT LES MODIFICATIONS FISCALES ?

Aux yeux du fisc, la question est de savoir si cette police universelle a pour principal objectif la protection ou l'investissement. Dans le premier cas, elle est dite « exonérée », c'est-à-dire qu'elle est dispensée de déclarer le rendement réalisé sur les placements durant l'année. 

Cependant, « l'assureur doit alors payer un impôt de 15 %, qu'il refile au titulaire dans les primes ou dans les frais », explique Denis Preston.

Pour déterminer si la police d'assurance vie est exonérée ou non, on compare l'évolution de son volet d'épargne à celui d'une police type. Ce sont les caractéristiques de cette police type qui sont l'objet des principales modifications fiscales.

« Ce qui change, c'est le montant d'épargne qu'on peut avoir dans un contrat d'assurance vie », résume succinctement Denis Preston.

LA PRIME SERA-T-ELLE MODIFIÉE ?

En même temps, les nouvelles règles modifient le calcul de l'impôt sur le revenu de placement (IRP) que les assureurs doivent payer chaque année sur les fonds accumulés dans une police non exonérée. Cette nouvelle formule touchera surtout l'impôt des contrats d'assurance vie universelle à prime nivelée (dont les primes demeurent égales du début à la fin). Les assureurs transféreront probablement l'augmentation d'impôt aux clients avec une hausse des primes. Un peu plus tôt cette année, divers experts estimaient qu'elles pourraient augmenter de 5 à 10 %.

EST-CE QUE JE SUIS TOUCHÉ ?

L'assurance vie temporaire de notre lectrice n'est pas touchée par la réforme. Et votre assurance vie non plus, fort probablement.

Ces modifications « ne touchent pas 95 % de la population », souligne Denis Preston. 

« Les clients qui sont dans la classe moyenne, avant d'acheter de l'assurance vie avec épargne, doivent contribuer au maximum au REER, au CELI, avoir remboursé leurs dettes, avoir cotisé au Régime enregistré d'épargne-études, informe-t-il. Et je ne connais pas beaucoup de personnes de la classe moyenne qui font ça. »

QUE SE PASSE-T-IL AVEC LES POLICES EXISTANTES ?

Notre lectrice a d'autant moins de raisons de s'inquiéter que les polices souscrites avant le 1er janvier 2017 bénéficient d'un droit acquis. Ces polices existantes ne seront sujettes aux nouvelles règles que si elles subissent certaines modifications à partir du 1er janvier 2017. Ce serait le cas, par exemple, si une police d'assurance vie temporaire était transformée en assurance vie permanente.

QUE DEVRAIT FAIRE NOTRE LECTRICE ?

« Les conseillers en sécurité financière sont obligés de faire une analyse de besoins, indique Denis Preston. Cette dame devrait exiger que son courtier lui remette l'analyse de besoins qu'il a faite par écrit. »

Il rappelle un principe fondamental : « On n'achète pas une assurance vie pour des avantages fiscaux. On l'achète si on a besoin de protéger des personnes. »

L'assurance vie collective au travail de notre lectrice, qui couvre l'équivalent de deux années de revenus, suffit probablement à ses besoins. La femme de 45 ans n'a ni conjoint ni enfants - bref, aucun être qui souffrirait financièrement de sa disparition, pas même un chat. Serait-ce le cas, « on ne peut avoir un chat comme bénéficiaire dans un contrat d'assurance vie, rigole-t-il. Ça se fait aux États-Unis, mais pas au Québec ».

QUELS TYPES D'ASSURANCE VIE SONT LES PLUS POPULAIRES ?

Répartition de l'assurance vie en vigueur au Canada en 2015

Temporaire collective : 40 %

Temporaire individuelle : 36 %

Vie entière individuelle : 10 %

Vie entière universelle : 14 %

Source : Faits sur les assurances de personne au Canada, édition 2016, ACCAP

Photo André Pichette, La Presse

Denis Preston, planificateur financier, formateur en sécurité financière