Ariane et Luc sont séparés depuis quelques mois. Enfin, presque : ils sont encore mariés et, pour des raisons financières, ils habitent encore sous le même toit, Ariane dans la partie principale de leur maison avec leurs deux enfants, et Luc dans le studio aménagé au sous-sol.

« Je crains de me retrouver en situation précaire si je pars habiter ailleurs ou si mon ex-conjoint fait de même », explique Ariane, qui aimerait toutefois mettre fin à cette situation inconfortable dès que possible, sans se ruiner.

Pour Ariane, cette rupture survient à un bien mauvais moment : elle est actuellement aux études. Elle s'est réorientée il y a quelques années : après être retournée au cégep, elle a trouvé un emploi dans le réseau de la santé. Ensuite, elle a poursuivi ses études à temps partiel à l'université, tout en travaillant à mi-temps. Son baccalauréat lui assurera un meilleur salaire.

« Mais à cause de la séparation, j'ai décidé d'étudier à temps plein depuis janvier, pour obtenir mon diplôme plus rapidement et retourner au travail à temps plein en juin », explique-t-elle.

Sans revenus, elle a dû piger 16 000 $ dans sa marge de crédit, une dette qui s'ajoute à son prêt étudiant de 10 000 $, contracté au cégep.

Avant Ariane, c'est son ex-conjoint qui est passé par là. « On a tous les deux changé de carrière, mais c'est lui qui a commencé, raconte-t-elle. Pendant qu'il étudiait, j'assumais la majorité des dépenses familiales. Ensuite, je suis retournée à l'école à mon tour. »

Après le changement professionnel, c'est leur vie familiale qui est bouleversée. Pour le moment, Ariane et Luc n'ont rien changé au fonctionnement de leurs finances communes. Ils n'ont pas discuté non plus des modalités de leur séparation, mais Ariane compte demander la garde des enfants. « L'horaire de mon ex-conjoint ne permettrait pas la garde partagée », soutient-elle.

Elle aimerait conserver la maison familiale, mais n'a pas assez d'argent pour racheter la part de Luc. Pas certain non plus qu'elle aurait les moyens de payer seule l'hypothèque et toutes les autres dépenses de la propriété.

« Pour bien évaluer mes options, il faudrait que je sache combien je vais recevoir en pension alimentaire de mon ex-conjoint pour les enfants, et combien d'allocations familiales des gouvernements comme mère de famille monoparentale, explique-t-elle. Mais comment faire pour le savoir ? »

PORTRAIT

ARIANE, 39 ANS, INFIRMIÈRE

Revenu prévu lors du retour au travail à temps plein : 50 000 $

Revenu après impôts et cotisations diverses : 32 100 $

Deux enfants, dont elle prévoit avoir la garde

LUC, EX-CONJOINT

Revenu :  90 000 $

Revenu après impôts et cotisations diverses :  59 000 $

PRINCIPALES DÉPENSES

Épicerie :  925 $/mois

Emprunt hypothécaire :  793 $/mois

Taxes municipales : 278 $/mois

Prêts auto

Ariane :  527 $/mois

Luc :  383 $/mois

Régime d'épargne-études :  360 $/mois

Entretien de la maison, déneigement, alarme, etc. :  330 $/mois

DETTES

Hypothèque :  206 000 $ sur une maison valant 280 000 $

Autos

Ariane :  14 200 $

Luc :  17 500 $

Marge de crédit :  16 000 $

Prêt étudiant :  10 000 $

LE BUDGET DU DIVORCE

Une rupture conjugale chamboule complètement les finances familiales. Pour connaître l'ampleur des bouleversements, Ariane et Luc doivent planifier une rencontre avec un médiateur familial. Ils ont droit à cinq heures de médiation gratuite, comme tous les parents d'enfants mineurs qui se séparent, mariés ou non.

En plus de les aider à régler les modalités de la garde des enfants, le médiateur abordera avec eux les questions d'argent. « Il discutera du partage du patrimoine familial et calculera la pension alimentaire pour le parent qui a la garde des enfants », explique l'avocat Jean-François Chabot, président de l'Association de médiation familiale du Québec. Il pourra aussi leur donner une idée des sommes qu'ils recevront en aide gouvernementale.

Me Chabot a fait ces recherches pour Ariane, en fonction de sa situation lorsqu'elle retournera travailler à temps plein, si elle a la garde des enfants.

PENSION À RECEVOIR DE LUC POUR LES DÉPENSES LIÉES AUX ENFANTS 

891 $/mois, soit 10 694 $/année

Allocations familiales, provinciales et fédérales : 

993 $/mois, soit 11 916 $/année

La pension pour les enfants dépend du revenu net des deux parents, qui sert à déterminer le coût des besoins de base de la progéniture. Dans le cas d'Ariane et de Luc, ils sont évalués à 15 990 $ par année. La contribution de la mère, au prorata de son salaire, s'élèvera à 33 %. Le reste doit venir du père, soit 10 700 $ en pension à verser.

« L'argent doit suivre les enfants. S'ils sont surtout chez leur mère, c'est elle qui paie leurs besoins de base. » - Jean-François Chabot, président de l'Association de médiation familiale du Québec

Les autres dépenses sont payées par les parents au prorata de leurs revenus.

Le couple étant marié, Ariane pourrait-elle demander une pension pour elle-même ? « Le mariage comporte une obligation de support mutuel, rappelle Me Chabot. On doit évaluer si l'union a eu des conséquences financières négatives sur l'un ou l'autre des époux. »

Le couple aura l'obligation d'en discuter au cours des formalités liées au divorce. Selon Jean-François Chabot, la dette d'études d'Ariane devrait faire partie des discussions. « Il faut qu'il y ait un sentiment d'équité à la suite du divorce, rappelle l'avocat. Si le retour aux études était un projet familial, et que monsieur n'a pas de dettes héritées de son propre retour aux études, il pourrait être plus équitable de partager le remboursement de cette dette. »

ET LE BUDGET, ALORS ?

Avec les ressources qu'elle aura après le divorce, Ariane a-t-elle les moyens de conserver la maison familiale ?

Peut-être, mais elle risquerait d'être coincée financièrement, répond la planificatrice financière Houri Balasanian, de la Banque TD, qui lui recommande de la vendre.

« Une séparation apporte beaucoup de stress, souligne-t-elle. Elle devrait éviter d'ajouter un stress financier. »

Pour racheter la part de Luc, elle devrait lui payer 37 000 $. N'ayant pas cette somme, elle devrait l'ajouter à l'hypothèque, qui totaliserait 243 000 $. Les paiements mensuels grimperaient à 1055 $.

Les revenus tirés du logement au sous-sol (550 $/mois) aideraient au remboursement, mais la maison serait hypothéquée à 87 % de sa valeur, ce qui est élevé, étant donné les autres dettes d'Ariane, souligne Houri Balasanian.

En tenant compte de ses autres dépenses, de la pension alimentaire à recevoir de Luc pour les enfants et des prestations gouvernementales, Ariane aurait une marge de manoeuvre d'à peine 80 $ par mois si elle conservait la maison.

« Même en réduisant d'autres dépenses, son budget serait très serré. Louer un logement pendant un an ou deux lui permettrait de retomber sur ses pieds et de réévaluer son budget ensuite. » - Houri Balasanian, planificatrice financière à la Banque TD

En vendant la maison, Ariane et Luc récupéreraient 16 000 $ chacun, après le paiement des dettes et des frais liés à la transaction. Cette somme pourrait être conservée pour l'achat éventuel d'une autre propriété.

En supposant un loyer mensuel de 1100 $, Ariane pourrait compter sur un surplus de près de 500 $ par mois.

Pour épargner encore plus, Mme Balasanian suggère à Arianne d'autres pistes comme la vente de sa voiture pour en racheter une moins dispendieuse, discuter en médiation de leur participation au REEE et réévaluer les petites dépenses comme les allocations aux enfants.

Houri Balasanian se veut rassurante, en réponse à l'inquiétude principale de la future divorcée : oui, elle a les moyens de vivre sa vie sans partager le même toit que son ex-mari. Pour mettre toutes les chances de son côté, mieux vaut réduire ses dépenses et vendre la maison, pour repartir à neuf, sans boulet financier.