Les manifestations étudiantes du printemps 2012 ont fait réfléchir bien des parents au coût des études universitaires. Louis, père séparé de jumelles adolescentes, s'attend à une facture salée quand ses filles commenceront en même temps leurs études supérieures. Mieux vaut prévoir le coup, s'est-il dit alors.

Quand il reçoit un petit héritage de 10 000 $, en 2013, il décide d'ouvrir un Régime enregistré d'épargne études (REEE) pour sa progéniture. En déposant 5000 $ pour chacune de ses filles, il peut toucher des subventions fédérales et provinciales de 1525 $ par enfant.

Un collègue lui suggère un programme d'épargne étude collectif avec une fondation de bourses d'études. Lors d'une rencontre avec un représentant, Louis ouvre deux régimes et y dépose un total de 10 000 $.

Le représentant lui demande de prévoir une cotisation annuelle. Louis s'engage à verser 2500 $ par année dans le régime de chaque enfant, pour toucher le maximum de subventions. « Le représentant insistait pour que je contribue le plus possible. Je présume que plus on cotise, plus il fait d'argent », observe Louis.

En 2015, mal à l'aise avec les nombreux frais et restrictions du régime, le père décide de transférer les REEE de ses filles à son institution financière. « Je ne voulais plus être obligé de me serrer la ceinture pour mettre 5000 $ par an jusqu'à ce que mes filles aient fini leur secondaire, sans savoir si elles allaient poursuivre leurs études, explique-t-il. Il y avait également des contraintes lors du retrait des fonds. »

Quelques mois après sa demande, l'organisme lui envoie un résumé des sommes contenues dans son régime et des montants qu'il pourra transférer. Louis est sidéré : le transfert lui coûtera 3300 $ en frais de toutes sortes, pour des cotisations totales de 15 000 $ ! « J'ai l'impression d'avoir transigé avec des prêteurs usuraires, alors qu'ils disent être un organisme sans but lucratif, dit-il. C'est énorme, pour deux ans, juste pour changer des fonds de place. Oui, les frais sont indiqués dans le contrat, mais en petits caractères, dans un document de 46 pages. J'avoue ne pas l'avoir lu au complet. »

LES SUBVENTIONS POUR L'ÉPARGNE ÉTUDE

Fédéral (SCEE) : 20 % de la cotisation, jusqu'à 500 $ par an, par enfant, ou plus pour les familles à faible revenu.

Provincial (IQEE) : 10 % de la cotisation, jusqu'à 250 $ par an, par enfant, ou plus pour les familles à faible revenu.

Pour avoir droit au maximum, il faut cotiser 2500 $ par an, par enfant.

Maximum de subventions pour la durée du REEE : 10 800 $

Pour les familles à faible revenu, le bon d'études canadien (BEC) s'ajoute aux autres subventions.

500 $ à l'ouverture du REEE, 100 $/an, même si aucun montant n'est déposé.

LES TYPES DE PLANS

Individuel ou familial : Pour un enfant (ou plusieurs pour le plan familial) ; offert dans les institutions financières et par certaines fondations ; le souscripteur choisit la contribution qu'il veut faire.

Collectif : Constitué par la mise en commun des fonds de plusieurs souscripteurs ; offert par des fondations ; le montant et la fréquence des cotisations sont déterminés dès le départ selon un échéancier qui doit être respecté.

Les fondations offrant des plans de bourses d'études collectifs :

• Universitas

• Fonds d'études pour les enfants (FÉE)

• Héritage

• La Première financière du savoir

• Consultants CST

• Global

PORTRAIT

Louis, 47 ans, policier

Séparé, père de jumelles en garde partagée

Revenu : 85 000 $

REEE ouvert pour ses deux filles en 2013 : 

15 000 $ déposés en deux ans ;

4600 $ reçus en subventions ;

1382 $ générés en intérêts ;

Total : 20 982 $

Les règles prévoient qu'il peut récupérer, son capital, les subventions gouvernementales et les intérêts générées par ces dernières, soit 19 887 $.

Mais le plan de bourses d'études conserve les 1094 $ d'intérêts générés par son capital et retient des frais de 2218 $.

Somme qu'il pourra transférer : 17 670 $

Montant perdu : 3311 $

DES DEVOIRS AVANT DE CHOISIR SON PLAN

Louis n'est pas le premier à critiquer les frais élevés des plans de bourses d'études offerts par les fondations.

« On a souvent des plaintes à ce sujet », indique Geneviève Langlois, conseillère budgétaire à l'ACEF Rive-Sud de Québec, qui offre des séances d'information sur les REEE. « Des gens disent ne pas avoir été bien informés des pénalités et restrictions, ou s'être embarqués dans des plans qui n'étaient pas adaptés à leur situation. »

À cause de nombreuses contraintes de ces régimes, elle recommande de poser plusieurs questions avant de signer. Un régime individuel ou familial, contracté directement auprès d'une institution financière et comportant moins de frais, serait peut-être mieux adapté à vos besoins ?

Voici les éléments à prendre en considération. 

LA TRANSPARENCE

Depuis mai 2013, les plans de bourses d'études doivent présenter leurs frais et autres modalités plus clairement, dans un document de deux pages appelé « sommaire du plan ». Même s'il a adhéré au programme en juillet 2013, Louis n'a pas reçu ce document. Il pourrait s'en plaindre auprès du fournisseur de bourses et s'adresser à l'Autorité des marchés financiers (AMF) si on ne lui répond pas de façon satisfaisante.

Selon la Fondation canadienne pour l'avancement des droits des investisseurs (FAIR), le sommaire du plan doit permettre au consommateur de savoir : 

• que ses premiers versements servent à payer la commission du représentant qui lui a vendu le plan, plutôt qu'à garnir le REEE de son enfant, et que s'il voulait retirer son argent rapidement, il pourrait lui rester moins d'argent que ce qu'il a placé ;

• que les rendements sur les sommes investies, les subventions gouvernementales et les frais payés seront perdus si l'enfant ne fait pas d'études supérieures dans un programme admissible ou s'il ne respecte pas certaines échéances ;

• quel est le taux de résiliation par les consommateurs avant l'échéance de leur plan ;

• que moins de programmes d'études sont admissibles, pour utiliser les fonds accumulés, que les règles gouvernementales ne le prévoient pour les REEE (pour certains plans de bourses).

Mais toutes ces informations ne se retrouvent pas aussi clairement dans les documents des fournisseurs de plans de bourses d'études. « De plus, ils ne sont pas obligés de remettre le sommaire du plan au consommateur avant qu'il ne signe son adhésion, ce qui est aberrant », commente Neil Gross, directeur de FAIR.

LES FRAIS

Le plan de bourses de Louis prévoyait des frais maximum de 9,5 % de son objectif de cotisation total. Comme il avait prévu verser 25 000 $ par enfant sur une période de 9 ans, les frais auraient donc atteint 4750 $.

Mais le document d'information évoque d'autres frais, sans en détailler les montants. Lors du transfert des fonds, on retient des frais d'inscription de 2155 $, ce qui représente 14 % de ses cotisations de 15 000 $.

« Les explications prêtent à confusion. Les gens ne comprennent pas qu'une bonne partie de leur argent sert à payer des frais et des commissions de ventes. »

- Marian Passmore, de FAIR

LES VERSEMENTS PRÉÉTABLIS

Les souscripteurs aux plans collectifs d'épargne étude doivent s'engager à verser des montants réguliers, annuellement ou mensuellement. S'ils ne respectent pas leur échéancier, il risquent de perdre des montants accumulés et de payer des pénalités.

« Mais il est hasardeux de prendre des engagements financiers pour plusieurs années, souligne Geneviève Langlois. On ne sait pas ce que l'avenir nous réserve. En cas de perte d'emploi ou de séparation, on peut avoir de la difficulté à payer les montants prévus. »

LES PAIEMENTS

Le versement des fonds pour les études est aussi soumis à des règles précises. Parfois, l'étudiant doit avoir terminé un certain de nombre de crédits ou d'heures d'études, et les montants sont établis par la fondation, alors que les retraits sont plus flexibles dans un REEE individuel. Les programmes d'études acceptés par les plans collectifs peuvent aussi être plus restreints.

LA PRESSION

Louis a senti qu'on le poussait à mettre le plus d'argent possible dans les REEE de ses filles, en insistant sur le coût élevé des études.

Selon FAIR, le mode de rémunération des représentants peut mener à des abus. 

« Parce que les vendeurs reçoivent une commission à même les premiers paiements, ça peut les inciter à solliciter des contributions des parents sans se soucier de savoir s'ils auront les moyens financiers de poursuivre leurs paiements pendant toute la période prévue. »

- Neil Gross, directeur de FAIR

Les nouveaux parents sont souvent sollicités alors qu'ils viennent à peine de rentrer à la maison avec leur nouveau-né dans les bras. « Ils jouent sur les sentiments, en disant aux parents qu'ils doivent prévoir pour assurer à leur enfant le meilleur avenir possible », dit Geneviève Langlois.

L'année dernière, en Ontario, des accusations criminelles ont été déposées contre des employées de deux plans collectifs de bourses d'étude, La Première financière du savoir et Consultants CST, qui auraient acheté d'une secrétaire d'hôpital des listes de mères venant d'accoucher, dans le but de les solliciter pour vendre leurs produits.

L'employée de l'hôpital a été condamnée à deux ans de probation, 300 heures de travaux communautaires et 45 000 $ en pénalités l'automne dernier. « Les victimes étaient vulnérables puisqu'elles venaient de donner naissance, un événement heureux, mais qui provoque aussi beaucoup de stress », a souligné la juge en rendant sa décision l'automne dernier.