Quand la santé va, tout va, se plaît-on à répéter. Mais qu'arrive-t-il le jour où ça ne va plus ? C'est la question qui turlupine Annie, 35 ans, qui souffre d'une maladie chronique. Elle ne tient pas à en préciser la nature, mais il suffit de savoir que ses symptômes l'ont affaiblie au point que, il y a quelques années, elle a dû arrêter de travailler pendant un mois.

Problème

« Présentement, la maladie est sous contrôle, dit-elle, mais elle est réputée se réactiver dans la soixantaine, et ce, malgré la médication. »

Cette éventualité la préoccupe. Elle ne s'imagine guère au boulot à 60 ans révolus, percluse de douleurs et stressée à l'idée de devoir travailler encore quelques années pour assurer ses vieux jours. 

« Je préfère m'acheter une paix d'esprit et avoir un plan d'épargne qui me permettra de prendre ma retraite à 60 ans. »

Au cours des trois dernières années, son conjoint et elle ont vu leur revenu familial augmenter suffisamment pour dégager des économies. Chaque mois, elle épargne 400 $ pour son REER personnel, 300 $ pour son REER au Fonds de solidarité FTQ et 200 $ pour le régime enregistré d'épargne-études (REEE) de sa fille de 2 ans. Elle met aussi de côté 200 $ pour le REER de son conjoint qui y contribue lui-même à hauteur de 400 $ par mois.

« Je gagne un peu plus que mon chum et nous payons toutes les dépenses moitié-moitié. Ma contribution à son REER et au REEE est une façon d'équilibrer nos finances respectives », explique Annie qui n'est pas mariée et qui n'a pas non plus de contrat de vie commune.

Employée dans une organisation parapublique, Annie peut compter sur un régime de retraite. Son conjoint n'a pas cette chance, lui qui travaille dans l'industrie de la construction comme contremaître.

« À ce rythme, aurons-nous suffisamment d'argent pour cesser tous les deux de travailler à 60 ans ? », demande-t-elle.

Les frais de gestion

Annie lit régulièrement ce qui se publie dans les médias au sujet des finances personnelles. Elle se questionne au sujet des frais de gestion de son REER personnel, établis à 2,3 %. « C'est beaucoup trop élevé, estime-t-elle. Les frais de gestion du régime de retraite de mon employeur tournent plutôt autour de 1 %. Devrais-je prioriser mon régime collectif plutôt que mon REER personnel ? »

Annie examine aussi la possibilité de placer son argent dans les fonds d'investissement Tangerine ou les fonds négociés en Bourse Vanguard, deux options qui lui semblent attrayantes en raison de leurs moindres frais. « Mais ça m'apparaît quand même complexe. Je suis surtout à la recherche d'une solution d'épargne simple, car bien que je m'intéresse aux outils en matière de finances personnelles, je ne pense pas y connaître grand-chose », dit-elle.

Portrait

• Annie, 35 ans, employée dans une organisation parapublique

• Salaire brut: 78 000$

• Fonds de pension: 48 000$

• REER personnel: 10 000$

• Fonds FTQ: 8000$

• REEE: 5300$

• Son conjoint, 35 ans, contremaître

• Salaire brut: 60 000$

• Pas de fonds de pension

• REER personnel: 50 000$

Dettes

• Prêt hypothécaire: 198 000$

• Prêt familial: 5000$

• Épargne conjointe: 700$/mois (pour divers projets: vacances, achat d'une nouvelle voiture et entretien de la maison)

• Dépenses domestiques: 5300$/mois

Solution

Comment savoir si, à 35 ans, on aura assez d'argent pour prendre sa retraite à 60 ? La question est complexe et mériterait à elle seule une boule de cristal. Tellement de choses peuvent survenir d'ici là : une perte d'emploi, un changement de carrière, une promotion... Et qui sait si la santé d'Annie tiendra le coup d'ici la soixantaine ?

Devant tous ces imprévus, Martin Dupras, planificateur financier et président de la firme ConFor financiers inc., a préféré évaluer si Annie et son conjoint épargnent pour le moment « suffisamment et efficacement ».

« Le couple économise 1500 $ par mois en REER et en REEE, en plus de leur remboursement hypothécaire, ce que je considère comme une forme d'épargne, calcule-t-il. Tout cela représente 13 % de leurs revenus annuels combinés de 138 000 $. Or, en général, on estime qu'une épargne-retraite annuelle variant entre 12 et 15 % du salaire permet habituellement une retraite adéquate à l'âge de 60 ans - bien que je conçoive qu'on ne s'entende pas toujours sur ce qu'est un revenu de retraite adéquat. » 

« Ce couple épargne déjà beaucoup plus que la moyenne des gens. Je dirais même qu'il leur serait difficile d'en faire davantage. »

Soit, mais économisent-ils efficacement ? Somme toute, oui. « Ils maximisent pratiquement le REEE, ce qui est une excellente stratégie en raison des subventions gouvernementales, et leurs REER sont assez bien répartis », remarque Martin Dupras.

Néanmoins, il y aurait des ajustements à apporter. Le couple doit absolument signer un contrat de vie commune. « En l'absence de ce document, Madame pourrait perdre les sommes qu'elle a cotisées au REER de son conjoint en cas de séparation », signale M. Dupras.

L'expert recommande aussi aux conjoints d'indexer annuellement les sommes épargnées. « Ça semble anodin, mais s'ils ne le font pas, leurs efforts d'épargne diminueront d'année en année, indique-t-il. Cela réduirait les sommes accumulées. Les économies devraient par conséquent augmenter au même rythme que les revenus. »

Martin Dupras conseille au couple de rediriger les cotisations du REEE vers leurs REER lorsque leur fille aura atteint 17 ans, dernière année où elle bénéficiera des subventions. De plus, il leur suggère d'ouvrir un CELI pour y placer les sommes destinées à leurs projets à court terme comme l'achat d'une nouvelle voiture et leurs vacances.

Les frais de gestion: un pensez-y bien

« Les frais de gestion sont une question importante, quoique fréquemment ignorée des particuliers », observe Martin Dupras.

Il est vrai que les frais de gestion des régimes d'épargne collectifs sont souvent moins élevés que ceux des régimes individuels. « C'est parce que les épargnants profitent d'une forme d'escompte de volume : plus ils sont nombreux, moins la gestion des fonds coûte cher », explique le planificateur financier.

À première vue, les frais de gestion du REER personnel d'Annie semblent élevés. Ils ont toutefois leur raison d'être. « Dans le modèle d'affaires de très nombreux distributeurs de produits d'épargne au Québec, les services et les conseils financiers sont financés à même les frais de gestion, rappelle-t-il. Il est parfois difficile de quantifier la valeur de cet accompagnement, mais il serait absurde de ne lui en accorder aucune, d'autant qu'il va bien au-delà du choix du véhicule de placement approprié. »

Un tel encadrement n'est pas offert par les régimes de retraite d'employeurs ni par les fonds comme ceux de Tangerine et de Vanguard. « C'est vrai que des fonds négociés en Bourse ont de faibles frais, mais en contrepartie, il n'y a aucune aide offerte pour aider l'investisseur », déclare Martin Dupras dont la pratique, précisons-le, est axée sur les conseils financiers en prévision de la retraite sans vente de produits financiers. 

« Cela signifie que l'individu doit avoir de bonnes connaissances pour gérer lui-même ses fonds, car le poids de la décision repose entièrement sur ses épaules. »

Annie paie 2,3 % en RFG pour son REER personnel et environ 1 % pour son fonds de pension. Elle débourse donc 1,3 % de plus pour le premier. Comme elle possède 10 000 $ dans son REER personnel, Martin Dupras estime qu'elle acquitte approximativement 130 $ de plus par année en frais de gestion. « Madame doit se demander si les conseils et les services qu'elle reçoit valent ces 130 $, dit-il. Dans l'affirmative, qu'elle continue à utiliser son REER personnel. Sinon, qu'elle favorise le régime de son employeur. »

Évidemment, les frais de gestion croîtront au rythme du solde du REER. « Si elle choisit de conserver ce produit financier, peut-être voudra-t-elle revoir sa décision de temps en temps, juste pour être certaine qu'elle procède à un contrôle efficace des coûts à moyen et long terme », conseille Martin Dupras.