Le plan financier est généralement établi en fonction de la situation matrimoniale, ainsi que des objectifs communs du couple. Mais que se passe-t-il si le couple décide de se séparer ? Des experts nous expliquent comment faire afin de se donner un plan financier adapté à cette nouvelle situation.

CHOISIR LE BON MOMENT

Il faut mettre toutes les chances de son côté si l'on veut arriver à une bonne entente qui permettra la mise en place d'un plan financier efficace. « Pour ce faire, il importe de discuter des choses financières durant les moments qui ne sont pas trop chargés d'émotion », explique Boyan Ivanov, Planificateur financier, BMO Groupe financier. « Cela augmentera de beaucoup vos chances de prendre les bonnes décisions. Mais aussi, cela vous permettra d'éviter de longues consultations qui coûteront très cher en frais d'avocat », dit-il. Une séparation complique généralement la situation financière, il faut donc éviter les dépenses inutiles.

FAIRE LE BILAN

Pour faciliter l'entente juridique qui surviendra à un moment, assurez-vous d'établir une liste précise et complète de tous les éléments importants, explique Sophie Sylvain, planificatrice financière, Gestion de patrimoine, au Mouvement Desjardins. Cette liste doit inclure les biens personnels (placements, comptes bancaires, REER, CELI), les dettes communes (hypothèque, prêt auto), les dépenses communes (loyer, garderie, etc.) et les biens communs telles la maison et l'automobile, entre autres. Prenez bien soin également de noter toutes les dépenses auxquelles vous participez pour le soin des enfants, l'entretien de la résidence et le paiement des dettes communes.

ÉTABLIR LE BUDGET

Comme l'on passe d'une planification financière de conjoint à une planification personnelle, il faut refaire soigneusement son budget, explique Sophie Sylvain. « Certaines dépenses que l'on partageait deviennent maintenant des dépenses personnelles, par exemple celles pour se loger », dit-elle. Ainsi, on peut du jour au lendemain se retrouver avec une hypothèque. Les dépenses changent, il faut donc un nouveau budget afin de bien les évaluer et d'établir les mécanismes pour les payer. Votre séparation pourrait fort bien diminuer votre capacité de payer. Vous aurez peut-être à changer certaines habitudes. Par exemple, si vous aviez l'habitude d'épargner en vue de partir en voyage, cela ne sera peut-être plus possible.

LE PARTAGE

Pour réussir financièrement une séparation, il importe de bien séparer les responsabilités, explique Boyan Ivanov. D'abord, s'il y a des dettes communes, essayez de les régler tout de suite, suggère le planificateur. « Il faut profiter de la bonne entente qui existe encore parfois au début du processus pour régler le plus rapidement possible ce genre de choses », dit-il. Ne pas hésiter non plus à faire certifier certaines choses qui seront partagées par un notaire. Par exemple, le père se sera engagé à s'occuper des études des enfants. « La façon dont il le fera doit être déterminée maintenant et l'acte notarié viendra assurer que cela se fera comme convenu », dit M. Ivanov.

LES ASSURANCES

Les questions liées aux assurances en cas de séparation sont multiples. D'abord, étiez-vous couvert par l'assurance collective de votre conjoint ? Si tel est le cas, vous devez maintenant vous tourner vers l'assurance collective offerte par votre employeur ou vers le régime d'assurance médicaments du Québec. Mais aussi, vous devez modifier votre assurance vie si vous en détenez une. Il serait sage entre autres de changer le bénéficiaire, surtout s'il s'agit de votre conjoint. Si vous n'en avez pas et que vous vous retrouvez seul avec des enfants à charge, assurez-vous de consulter un planificateur financier qui vous aidera à évaluer vos besoins et la façon de les combler.

LE TESTAMENT

Il est une pièce maîtresse de la planification financière, et une séparation constitue un moment clé de votre vie où vous devez le revoir. Si vous n'en avez pas, il est primordial d'en faire un. « Si vous en avez un, assurez-vous que le liquidateur et les héritiers sont bien les personnes que vous désirez », dit Sophie Sylvain. La planification successorale lorsque l'on a des enfants est une chose plus complexe, mais pour laquelle il existe des outils. « Par exemple, on peut prévoir que la gestion financière pour les enfants sera faite par une personne indépendante en établissant une fiducie testamentaire » dit la planificatrice de Desjardins.

LA SÉPARATION DE PIERRE ET JOSÉE

Pierre et Josée (noms fictifs, mais cas bien réel) ont décidé en juillet de mettre fin à leur union de 13 ans. Deuxième mariage pour lui, premier pour elle, ils ont deux enfants au seuil de l'adolescence, et ils vivent dans une maison évaluée à 360 000 $ et libre d'hypothèque. Beaucoup de choses les attendent, mais ils croient qu'une entente harmonieuse entre eux devrait leur permettre de passer au travers de la question financière sans se faire trop de mal. Réussiront-ils ? Voici comment ils s'y prennent.

Première réaction, on vend la maison et chacun s'installe dans un condo dans le même quartier afin de faciliter la vie des enfants dans ce nouveau contexte de garde partagée. Mais le temps passe et les visites ne sont pas très nombreuses. Comme une certaine urgence de mettre fin à la vie commune s'installe, Pierre s'entend avec Josée pour lui racheter sa part et demeurer dans la maison. Une rencontre chez le notaire règle la question.

Vient ensuite le patrimoine. En 13 ans de vie commune, deux professionnels ayant de bons revenus accumulent beaucoup de biens. On consulte un avocat. Pierre et Josée veulent séparer le patrimoine à l'amiable.

« Ce qui est à elle est à elle, et ce qui est à moi est à moi. » - Pierre

L'entente est conclue assez facilement.

Il y a aussi les enfants. Là aussi, on tente de s'entendre à l'amiable. Pierre et Josée avaient un budget concernant les enfants, et comme chacun avait un bon revenu, chacun contribuait en partie à une caisse commune que Josée gérait. On reconduit cette pratique, et l'entente est scellée par un contrat établi et signé devant l'avocat.

Les assurances. Chacun assurera ses propres choses. Lui, la maison, elle, le condo. Comme ils étaient tous les deux protégés par des assurances à leur travail, rien ne change. Mais aussi, le couple avait une assurance vie payable au premier décès dont les bénéficiaires sont les enfants. Chacun continuera de la payer. Comme ce sont les enfants et non l'ex-conjoint qui touchent l'assurance, on ne change rien à l'entente.

Pierre devra revoir son plan de retraite. Un héritage que touchera éventuellement Josée devait pourvoir en partie aux besoins du couple l'âge de la retraite venue. Pierre doit donc se refaire un plan de retraite. Il a rencontré sa conseillère qui lui soumettra sous peu un nouveau plan d'épargne adapté à ses besoins.

Et le testament. Comme les enfants sont les bénéficiaires ultimes, pour Pierre, ce n'est pas dans le haut de ses priorités de le réviser.

« On s'y attaquera quand viendra le temps du divorce l'an prochain. » - Pierre

L'avis d'une experte

Il convient de féliciter le couple d'avoir gardé une relation harmonieuse dans ce contexte pas nécessairement facile à vivre, s'empresse de dire Sophie Sylvain, planificatrice financière chez Desjardins. « Cela lui aura permis d'éviter de dilapider en frais juridiques le patrimoine accumulé durant les années de l'union », dit-elle. Ainsi, ils ont pu faire des choix concernant leur lieu de résidence respectif. « Pierre et Josée semblent avoir pris les bonnes dispositions concernant le partage du patrimoine familial », ajoute-t-elle.

Une suggestion

Concernant la caisse commune pour les enfants, il serait bien que Pierre et Josée vérifient s'ils utilisent adéquatement le régime enregistré d'épargne-études, souligne la spécialiste. « En fonction des sommes à leur disposition, ils pourraient profiter du fait que les enfants sont encore en âge de se qualifier pour recevoir des subventions fédérales et provinciales, et de rattraper les subventions des années passées », dit-elle.

Les assurances

Il serait bon de valider si l'assurance vie de chacun est suffisante dans la nouvelle situation, suggère Mme Sylvain. C'est que l'état de l'endettement hypothécaire a pu changer. Pierre a peut-être eu à contracter une hypothèque pour racheter la part de la maison de Josée. Cette dernière, de son côté, a peut-être dû s'endetter pour acheter le condo.

Testament et mandat d'inaptitude

Ce serait préférable que Pierre et Josée n'attendent pas à l'an prochain pour revoir leur testament, croit la planificatrice de Desjardins. « Bien que les enfants soient les bénéficiaires, ils doivent s'assurer que le choix du liquidateur convient à leur nouvelle situation matrimoniale et ne risque pas de créer une situation conflictuelle dans le cas où l'un d'eux disparaîtrait prématurément », dit-elle.

De plus, ont-ils établi un mandat d'inaptitude ? demande Sophie Sylvain. « S'ils n'en ont pas, je leur recommande fortement de le faire (ou de le réviser s'ils en ont un) au même titre que le testament en rencontrant le notaire dès que possible », dit-elle.