S'occuper de ses finances personnelles ? Certaines personnes n'en ont cure. Ou n'ont tout simplement pas à s'y astreindre, car quelqu'un d'autre, leur conjoint souvent, le fait à leur place. Mais, tôt ou tard, ces personnes devront faire face à leurs responsabilités. Mode d'emploi.

PRENDRE LA RELÈVE DE SON CONJOINT

Mme Lambert* ne s'était jamais occupée de la gestion de ses finances personnelles. Son mari, en affaires pendant une bonne partie de sa vie, s'était toujours occupé de tout. Il avait accumulé un bon actif. 

Or, à la mi-soixantaine, quelques années après avoir décidé de prendre sa retraite, il a été foudroyé par la maladie d'Alzheimer. Rapidement, il a perdu ses facultés. 

Mme Lambert a réalisé que des comptes étaient impayés. Plus rien n'allait. Elle devait prendre la relève. Or, elle n'y connaissait absolument rien. Elle ne savait pas quels étaient les détails de leur situation, même pas le montant de leurs charges de copropriété mensuelles. Elle n'avait jamais fait de chèque de sa vie.

« Des cas semblables à celui-là, on en voit assez souvent et on en verra de plus en plus avec les baby-boomers qui vieillissent et qui ont souvent accumulé pas mal d'actifs. » - Sylvain B. Tremblay, vice-président, gestion privée, Optimum

« Il y a généralement une personne dans le couple qui s'occupe moins, voire pas du tout des finances et, pour différentes raisons, comme un accident, une maladie, un divorce ou un décès, cette personne peut devoir s'y mettre », renchérit Marie-Frédérique Beaupré, conseillère en sécurité financière et représentante en épargne collective du Groupe Investors.

Pour plusieurs, l'argent est tabou. Même dans le couple ! D'autres n'ont tout simplement pas envie de s'en mêler et la confiance règne.

Quelqu'un qui ne s'est jamais intéressé aux questions de finances personnelles de sa vie risque de ne pas souhaiter tout apprendre du jour au lendemain pour devenir un grand gestionnaire. D'autant plus que ce genre de situation vient souvent avec son lot de moments émotifs difficiles à traverser.

Il faut tout de même en apprendre un minimum pour être en mesure de prendre certaines décisions importantes.

LA GESTION DU QUOTIDIEN

L'étape numéro un, c'est la gestion de ses finances au quotidien. Dans le cas de Mme Lambert, elle avait en main le mandat d'inaptitude de son mari.

« Si cela n'avait pas été le cas, ç'aurait été la catastrophe, indique M. Tremblay. Une fois le mandat homologué, on fait les versements d'argent à son nom plutôt qu'à celui de son mari. »

Ensuite, il faut revoir les besoins de la personne et refaire une planification budgétaire.

« Avec un client qui n'a aucune notion dans le domaine, il faut l'aider à quantifier son train de vie pour déterminer ce dont il a besoin chaque mois », explique M. Tremblay.

Plusieurs devront aussi apprendre à gérer et à payer leurs comptes au quotidien. Que ce soit par chèque ou de façon électronique.

LES PLACEMENTS

Une fois que son quotidien est bien maîtrisé, il faut regarder ses placements.

« Lorsque sa situation change, il faut revoir la gestion de ses actifs. Parfois, les fonds seront utilisés différemment, on peut devenir plus prudent, repousser sa retraite, etc. » 

- Marie-Frédérique Beaupré, conseillère en sécurité financière et représentante en épargne collective au Groupe Investors

« Pour rééquilibrer le degré de tolérance au risque, nous faisons remplir à nos clients un questionnaire très simple et nous leur faisons ensuite une proposition de politique de placement qu'ils peuvent accepter ou refuser et [pour laquelle ils peuvent] demander des changements », explique Sylvain B. Tremblay.

Puis, souvent, il faut revoir la planification fiscale, successorale et les polices d'assurance.

« Il faut s'assurer d'une cohérence entre tous ces éléments, affirme M. Tremblay. Il faut une politique globale. »

Étape par étape, Mme Lambert y est arrivée. Il faut préciser qu'elle voulait apprendre. Puis, lorsque son mari est décédé, deux ans plus tard, elle avait déjà parcouru un grand bout de chemin. Elle a été en mesure de braver la tempête.

* Le nom a été changé.

À QUI LA RESPONSABILITÉ ?

LA PRISE DE DÉCISIONS ET LA GESTION DES FINANCES DANS LE COUPLE

Chez les 30 à 34 ans

51,2 % : responsabilité partagée

29,1 % : responsabilité de l'homme

17,3 % : responsabilité de la femme

2,3 % : responsabilité d'une tierce personne

Chez les 40 à 44 ans

53,6 % : responsabilité partagée

30,9 % : responsabilité de l'homme

11,8 % : responsabilité de la femme

3,8 % : responsabilité d'une tierce personne

Chez les 50 à 54 ans

50,8 % : responsabilité partagée

33,2 % : responsabilité de l'homme

13,4 % : responsabilité de la femme

2,6 % : responsabilité d'une tierce personne

Chez les 60 à 65 ans

53,9 % : responsabilité partagée

33,6 % : responsabilité de l'homme

8,1 % : responsabilité de la femme

4,3 % : responsabilité d'une tierce personne

Les femmes de 20 à 64 ans en couple présentes sur le marché du travail

- de 50 % : au milieu des années 70

+ de 75 % : aujourd'hui

7,1 % des adultes canadiens ont évalué leur niveau de connaissances financières comme étant « très bon ». Chez les femmes, c'est 5,5 %. Chez les hommes, c'est 8,7 %.

Sources : 

Les différences entre les sexes dans la prise de décision en matière d'épargne et d'investissement, résultats tirés de l'Enquête canadienne sur les capacités financières, 2009, Autorité des marchés financiers et Enquête canadienne sur les capacités financières, 2014

PRÉVENIR PLUTÔT QUE GUÉRIR

Discutez avec votre conjoint

Pour plusieurs, parler d'argent est stressant, ou pas du tout passionnant.

« Mais, c'est important de parler de finances avec son conjoint. Même si cela ne vous intéresse pas. Même si vous vous faites confiance », affirme Marie-Frédérique Beaupré, conseillère en sécurité financière et représentante en épargne collective, du Groupe Investors.

Mettez tous vos documents financiers dans un classeur

Incluez-y une liste de vos biens importants, de vos polices d'assurance, de vos comptes en banque et de vos placements avec le nom de vos personnes ressources.

« Parfois, le conjoint ne sait rien de tout ça, ou ne s'en souvient plus au moment où il en a besoin, alors un classeur où on retrouve tout l'essentiel facilite beaucoup les choses », remarque Mme Beaupré.

Rencontrez ensemble vos conseillers

Au moins à l'occasion.

« Idéalement, pour gérer les finances d'un couple, il faut développer une relation de proximité avec les deux conjoints, dit Sylvain B. Tremblay, vice-président, gestion privée, d'Optimum. Sinon, tout devient fragile en cas de problème avec la personne avec qui on a des liens. La planification financière, c'est une affaire de couple. J'essaie même de développer des relations avec les enfants. Cela facilite grandement les choses, par exemple lorsque vient le temps de réaliser la succession. »

Évitez les décisions sous le coup de l'émotion

Lors de changements à sa situation, il faut éviter de céder à la panique.

« J'ai vu une cliente être prise d'une grande insécurité après la mort de son mari et décider de sortir du marché tous ses placements très rapidement, raconte Marie-Frédérique Beaupré. Ce n'était pas nécessairement la meilleure décision rationnelle à prendre. »

S'entourer de bons conseillers

Lorsqu'on traverse une période difficile qui influence grandement ses finances personnelles, il y a généralement une foule de nouvelles choses à savoir. Il y a beaucoup de paperasse à remplir et de stratégies à adopter pour éviter d'en payer chèrement le prix. Au lieu de s'arracher les cheveux de la tête à essayer de s'organiser seul, mieux vaut s'assurer d'avoir des conseillers de confiance afin de répondre à tous vos besoins et de vous aider à y voir plus clair.

« Il faut faire attention aussi aux beaux parleurs, surtout lorsqu'on est fragile émotivement, indique Sylvain B. Tremblay. Il est bien aussi d'aller chercher une deuxième, ou même une troisième opinion. Si vous magasinez une voiture, vous faites deux ou trois concessionnaires, alors c'est la même chose pour ses finances personnelles. »