À 70 ans, comment dégager des liquidités pour réaliser ses rêves ?

Armand, 70 ans, et Christine, 67 ans, sont retraités depuis une douzaine d'années. Ils coulent des jours tranquilles dans leur maison entièrement payée et se sauvent de l'hiver trois mois par année dans un condo loué au Mexique.

Leurs trois enfants, de 42, 37 et 34 ans, sont autonomes et ont quitté la maison depuis longtemps. Ces retraités souhaitent maintenant réaliser certains projets pendant qu'ils ont encore la santé. Ils rêvent notamment d'acheter un véhicule récréatif d'occasion pour parcourir le continent ou encore de voyager en Europe.

Leur plan n'est pas tout à fait arrêté, mais ils se donnent de cinq à six ans pour le réaliser et prévoient qu'ils auront besoin de 40 000 à 50 000 $.

En tant qu'ex-cadre du secteur de la santé et ex-enseignante, Armand et Christine reçoivent une rente du Régime de retraite des employés du gouvernement et des organismes publics. Leur revenu familial s'élève à environ 87 000 $ par année.

« Notre pouvoir d'achat a baissé, car notre rente n'est pas indexée au coût de la vie », souligne Armand, qui se demande maintenant comment dégager les liquidités nécessaires pour réaliser ses projets à moyen terme.

« Nous hésitons entre prendre une marge de crédit hypothécaire sur notre maison ou retirer des sommes plus importantes de notre REER. » - Armand, qui s'inquiète notamment de l'impact fiscal d'un décaissement plus rapide du Régime enregistré d'épargne-retraite

Déjà, en 2014, le couple a retiré 10 800 $ de ses REER, somme qui s'est ajoutée à son revenu imposable. Ils se demandent maintenant s'ils doivent continuer ainsi pendant les quatre prochaines années ou opter pour la marge de crédit hypothécaire, qu'ils devront rembourser à même leurs revenus de retraite. « Je lis du pour et du contre là-dessus, cela semble moins flexible... », dit Armand.

Le principe de la marge de crédit hypothécaire est simple. Il s'agit d'un emprunt pour lequel on met sa maison en garantie. Elle peut être accordée dès que les propriétaires ont remboursé au moins 20 % de leur hypothèque. Le crédit peut atteindre 80 % de la valeur marchande de la maison. Dans le cas d'Armand et Christine, c'est donc dire que la somme accordée pourrait s'élever jusqu'à 160 000 $.

Les taux sont aussi plus avantageux que les emprunts ou marges de crédit personnels. Toutefois, ces marges, aussi alléchantes soient-elles, doivent être utilisées judicieusement.

PORTRAIT DE LA SITUATION

Armand, 70 ans

Revenu : 56 490 $ (en incluant un retrait du REER de 10 800 $ en 2014)

Christine, 67 ans

Revenu : 40 795 $

Dettes

Prêt auto : 19 000 $ au taux de 3,99 % (paiement mensuel de 414,89 $)

Actifs

Valeur de la propriété achetée en 2006 :  200 000 $

Liquidités

REER : 102 000 $

CELI : 8000 $

REEE : 9000 $

ÉPARGNE : 6000 $

FINANCER PRUDEMMENT SES RÊVES À BON TAUX

Armand et Christine sont dans une situation enviable, tient d'abord à souligner Maryse Fillion, directrice régionale principale, planification financière, chez Gestion de patrimoine TD. « Ils ont un bon revenu de pension, stable, régulier et garanti. De plus, ils n'ont pas de dettes hormis leur prêt auto, qui est lié à un actif. C'est une très belle situation de retraite », dit-elle.

Compte tenu de leur dossier de crédit impeccable, Maryse Fillion n'hésiterait pas à leur recommander de souscrire à une marge de crédit hypothécaire. Mais attention, tient-elle à souligner, cette solution s'applique à leur cas en particulier « parce qu'on voit que ce sont des consommateurs responsables. Ils n'ont pas de dette de crédit et ont des dépenses raisonnables », dit-elle.

Bref, ces retraités ne vivent pas au-dessus de leurs moyens. Ils ont donc l'avantage, à ce moment-ci de leur vie, de financer leurs rêves à bon taux. « Imaginons une marge de 50 000 $ à un taux d'environ 3,7 % comme ça l'est actuellement... Un prêt sur 10 ans à ce taux exigerait un remboursement de 498 $ par mois. Ils ont cette capacité », constate Maryse Fillion.

L'option de la marge hypothécaire est particulièrement intéressante s'ils choisissent d'acheter un véhicule récréatif, car ils auraient un actif à revendre s'ils ne pouvaient plus effectuer les remboursements.

S'ils choisissent plutôt d'effectuer plusieurs petits voyages en Europe, rien ne les empêche d'utiliser une petite partie de la marge de crédit tout en mettant de l'argent de côté dès maintenant en prévision d'un premier voyage dans 12 mois, par exemple.

« Disons qu'on prend un budget de 15 000 $ pour ce voyage. Ils peuvent mettre dès maintenant 500 $ par mois de côté, ce qui leur donnera 6000 $. Les 9000 $ restants pourraient être pris sur la marge de crédit. » - Maryse Fillion, directrice régionale principale, planification financière, chez Gestion de patrimoine TD

Cette utilisation de la marge de crédit hypothécaire est plus risquée, cependant, indique Maryse Fillion. Un voyage n'est pas un actif tangible ! « Il faut être plus prudent quand on utilise la marge de crédit pour ce genre de dépense, car ça peut être tentant de se laisser aller », dit-elle.

Les marges de crédit hypothécaire, qui n'ont pas d'échéance, offrent la flexibilité de rembourser plus rapidement ou même en un seul paiement en tout temps. Il est aussi possible de ne rembourser que les intérêts, qui sont imputés seulement sur la somme empruntée. Voilà un moyen de financement qui peut sembler alléchant, mais qui s'adresse aux emprunteurs disciplinés.

Voilà pourquoi plusieurs s'en méfient. Ce type de marge peut facilement mener au surendettement. Dans le cas d'Armand et Christine, l'option est envisageable, compte tenu de leur excellent dossier de crédit, mais France Latreille, directrice de l'Union des consommateurs, leur suggère tout de même de s'en tenir au montant dont ils ont besoin pour leur projet.

« Comme leur maison est payée, les banques auront tendance à leur offrir le maximum. Ce sera à eux de plafonner le montant dès le départ », dit-elle.

LE REER EN DERNIER RECOURS

L'autre solution qu'envisage le couple est de retirer des sommes plus substantielles du REER pendant les trois ou quatre prochaines années. Maryse Fillion n'est pas trop en faveur de cette stratégie. Et ce n'est pas l'impact fiscal qui pèse le plus dans la balance !

À partir de 71 ans, Armand devra transférer son REER dans un fonds enregistré de revenu de retraite (FERR). Il sera obligé de retirer un montant minimum chaque année. Et il en manque très peu pour que le revenu du couple change de palier d'imposition, constate Maryse Fillion. « Avec un revenu familial de 89 402 $ et après l'application du fractionnement du revenu des conjoints à la retraite, leur taux marginal d'imposition s'élèvera à 38,37 %. Ce taux serait applicable sur un retrait de 10 000 $ ou même 15 000 $ de leur REER. »

Le danger de piger dans le REER est qu'on gruge dans son coussin de sécurité. « Si, par malheur, l'un des deux devenait inapte ou en perte d'autonomie, il y aurait toujours le REER pour pouvoir payer de l'hébergement ou des soins, alors j'aurais tendance à ne pas y toucher », dit la directrice.

Le REER devrait être utilisé quand il n'y a plus d'autres sources de revenus possibles, ce qui n'est pas leur cas.

« Pour dégager plus de liquidités, on préférera commencer par les placements non enregistrés, comme l'épargne ou le CELI. Il faut garder en tête de diversifier ses sources de revenus. » - Maryse Fillion, directrice régionale principale, planification financière, chez Gestion de patrimoine TD

Dans le cas d'Armand et Christine, un choix judicieux serait d'utiliser les surplus budgétaires pour continuer d'épargner dans le CELI, que ce soit pour un voyage ou pour financer l'achat d'un véhicule récréatif. « Ils pourraient commencer dès maintenant à placer de l'argent à l'abri de l'impôt en prévision d'un achat du véhicule au printemps. »

Le CELI et la marge de crédit hypothécaire pourraient encore dans ce cas être une bonne source de financement combinée.

L'ASSURANCE-VIE EN QUESTION

Pour dégager des surplus, le couple aurait intérêt à revoir ses besoins en assurance-vie, selon Maryse Fillion. Actuellement, ces retraités consacrent près de 5000 $ par année à ce poste budgétaire. « Les enfants sont grands et si un conjoint décédait, l'autre recevrait une rente, aurait une maison payée et pas de dettes... J'irais voir s'il n'y a pas moyen de revoir cette dépense », dit-elle.

Tout est une question de valeurs, souligne cependant la directrice. « Parfois, les gens y tiennent pour laisser un héritage, mais parfois aussi, ils continuent de payer par habitude. Comme pour un testament, c'est bon de revoir ses besoins en assurances tous les cinq ans. »

Il s'y cache parfois une somme suffisante pour se payer des billets d'avion pour l'Europe...