La concurrence est féroce dans le monde des télécoms. Surtout en cette période de déménagements, propice au magasinage des services résidentiels. Mais soyez vigilant :  la chasse aux clients provoque parfois des dérapages de la part des fournisseurs, qui ne disent pas toujours toute la vérité sur leurs offres.

EXPLOSION DU NOMBRE DE PLAINTES POUR INFORMATIONS TROMPEUSES

« Si vous changez de fournisseur, nous vous offrons un an gratuit ! » La proposition était tellement aberrante qu'Éric a éclaté de rire devant les deux représentants de Bell qui l'ont abordé sur son balcon, dans le quartier Ahuntsic, il y a quelques semaines.

« Clairement, c'était impossible. J'ai rapidement mis fin à la conversation, surtout qu'il était tard et qu'on arrivait avec les enfants », raconte l'éditeur montréalais.

Vous avez peut-être aussi reçu la visite de dynamiques agents qui veulent vous inciter à larguer votre fournisseur de services de télécommunications en vous faisant des offres en apparence imbattables. L'approche du 1er juillet et les déménagements qui se préparent incitent bien des consommateurs à réévaluer leurs services et à tenter d'obtenir de meilleurs tarifs.

Attention : les offres trop belles pour être vraies sont généralement... trop belles pour être vraies. D'ailleurs, le nombre de plaintes contre les fournisseurs qui donnent des renseignements trompeurs sur leurs services a augmenté de 74 % en un an. L'année précédente, la hausse était déjà de 73 % pour les mêmes problèmes, rapporte le Commissaire aux plaintes relatives aux services de télécommunications (CPRST).

L'organisme qualifie ces hausses de « préoccupantes » dans son plus récent rapport. Les consommateurs qui se plaignent d'avoir été induits en erreur représentent maintenant 10 % des cas traités par le CPRST.

« Nous sommes très surpris, parce que nous soulevons ces problèmes depuis longtemps. Et pour l'année en cours, ça continue d'augmenter, déplore la commissaire adjointe, Josée Thibault.

« Les cas typiques, ce sont des clients qui reçoivent leur première facture et se rendent compte que le montant est plus élevé que ce qui leur avait été promis », explique Josée Thibault, commissaire adjointe au Commissaire aux plaintes relatives aux services de télécommunications.

Sylvie Bonin, coordonnatrice de l'ACEF de l'Estrie, a rencontré plusieurs consommateurs qui ont eu ce genre d'expérience. Elle-même a eu quelques démêlés avec son fournisseur. Pourtant, cette conseillère budgétaire est une consommatrice avertie.

« Il faudrait les enregistrer pour pouvoir prouver ce qu'ils nous avaient promis comme prix, lance-t-elle. Moi, je n'ai pas eu le prix promis, et ensuite on me disait : "C'est impossible qu'on vous ait fait un tel prix, madame !"  De nouveaux frais s'étaient ajoutés, sans qu'on m'en ait parlé. Il a fallu trois mois pour faire corriger les erreurs, et ça me coûte toujours 10 $ de plus que prévu. »

Bell Canada trône depuis plusieurs années en tête du classement du plus grand nombre de plaintes pour des renseignements trompeurs ; elle est visée dans 35 % des cas. Suivent Rogers, Fido, Virgin Mobile (Bell Mobilité) et Telus.

PORTE-À-PORTE ET COMMISSIONS

Bell mise depuis quelques années sur le porte-à-porte pour recruter de nouveaux abonnés. Elle utilise notamment des sous-traitants pour faire ce démarchage, et les représentants reçoivent une commission selon les clients qu'ils attirent.

Cette façon de faire peut-elle expliquer certains dérapages dans les prix et services offerts ? « S'il y a des commissions en jeu, la motivation des agents est différente et il y a peut-être un risque, observe Josée Thibault. Et s'ils sont plus éloignés de la source d'information, les représentants risquent de comprendre moins bien les services. »

Même s'ils travaillent pour des sous-traitants, tels que HDirect, ITV Connect et TLV (Télévente BL), les agents qui sonnent à votre porte pour proposer les services de Bell sont formés directement par le fournisseur.

« Ils sont clairement identifiés comme des représentants de Bell et ont une carte d'identité, explique la porte-parole de l'entreprise, Marie-Ève Francoeur. Ils doivent se soumettre aux mêmes vérifications d'embauche que pour le reste de nos employés. Un numéro d'employé leur est attribué, ce qui nous permet de vérifier toutes leurs activités effectuées en notre nom. Nous exigeons une adhésion complète à nos processus d'affaires. Si un représentant ne respecte pas notre façon de faire, nous mettons fin à son contrat. »

Pourquoi, alors, un aussi grand nombre de plaintes contre Bell ? Selon sa porte-parole, c'est simplement en raison de sa taille. « Nous sommes de loin la plus grande entreprise en communication au pays avec plus de 21 millions de clients, note Mme Francoeur. Bell continue de faire de grands progrès dans le service à la clientèle et a fait des investissements importants dans des nouveaux outils de travail, dans la formation et dans l'amélioration d'outils mobiles et en ligne. Nous avons constaté une réduction significative du nombre de clients qui quittaient l'entreprise pour cette raison. »

Selon Josée Thibault, toutefois, d'autres grands fournisseurs de services reçoivent moins de plaintes en proportion de leur clientèle. « Les entreprises qui collaborent bien avec nous et sont ouvertes à nos suggestions ont une meilleure performance », souligne-t-elle.

SOUS-TRAITANTS

Les enquêteurs de l'Office de la protection du consommateur (OPC) se sont aussi penchés sur la sollicitation de porte-à-porte faite par un sous-traitant de Bell. Ils ont envoyé un avis d'infraction à l'entreprise Télévente BL (TLV) pour avoir fait de la vente itinérante sans permis.

Mais on soutient chez Bell n'avoir pas besoin de permis de vente itinérante. « Les représentants de Bell qui font du porte-à-porte ne font aucune opération ou vente eux-mêmes, dit Marie-Ève Francoeur. Si un résidant est intéressé par les services offerts, le représentant appellera le service à la clientèle en compagnie du client, et les offres et prix proposés seront confirmés au client par l'agent au bout du fil. L'agent fera ensuite la transaction. »

Elle ajoute que les consommateurs peuvent retirer leur nom des activités de porte-à-porte de l'entreprise en appelant le 310-BELL.

L'enquête le l'OPC est toujours en cours pour déterminer s'il s'agit ou non de vente itinérante qui exige la possession d'un permis, indique le porte-parole de l'organisme, Charles Tanguay.

Si les représentants de Bell ne sont pas considérés comme des vendeurs itinérants, ça signifierait qu'ils ne sont pas assujettis à la règle permettant au consommateur d'annuler un contrat, sans frais ni explication, dans les 10 jours suivants.

Par contre, ils doivent respecter les règles encadrant les contrats conclus à distance, qui prévoient notamment que le client peut annuler une transaction, jusqu'à sept jours après le début du service, si le commerçant n'a pas respecté toutes ses obligations, par exemple s'il a omis de transmettre certaines informations.

DES PROTECTIONS POUR LES CONSOMMATEURS

Les fournisseurs de services de télécommunications étaient déjà encadrés au Québec par de nombreuses dispositions de la Loi sur la protection des consommateurs. Ottawa leur a serré la vis encore davantage en décembre 2013 avec le Code sur les services sans fil.

Mais des entreprises ne se conforment toujours pas à ces règles. À l'Union des consommateurs, on dénonce le fait que certaines exigent encore de leurs clients qui se désabonnent un préavis de 30 jours. Le problème, c'est qu'elles réclament le paiement d'un mois supplémentaire si on veut être débranché sur-le-champ.

« Comme plusieurs entreprises ont comme pratique de faire payer un mois d'avance, elles sont censées rembourser un mois au client qui se désabonne », souligne Sophy Lambert-Racine, analyste en télécommunications pour l'organisme.

Les fournisseurs ne doivent pas exiger de frais de résiliation, ajoute-t-elle, sauf si le contrat inclut un appareil loué ou vendu. « Lors d'un déménagement, il faut aussi vérifier s'il y a des frais d'activation au nouveau logis. Souvent, grâce aux promotions, ils ne sont pas exigés. »

POUR EN AVOIR POUR VOTRE ARGENT

• Magasinez. « Certains fournisseurs indépendants imposent des frais plus importants au départ, mais ça revient plus abordable à long terme », note Sophy Lambert-Racine.

• Exigez une preuve écrite du prix que l'on vous promet. Et notez tout ce qu'on vous dit au téléphone ou en personne.

• Ne prenez pas de décision précipitée. Demandez de pouvoir prendre le temps de lire les documents expliquant les prix et services avant de vous engager.

• Assurez-vous de choisir un forfait qui correspond à vos besoins et votre utilisation. « Parfois, pour l'internet, les gens demandent une limite de téléchargement supérieure à leurs besoins », dit Mme Lambert-Racine.

• Vérifiez si le prix qu'on vous propose est pour une période limitée. Certaines promotions ne durent que six mois, après quoi la facture augmente au prix régulier.

• « Avant de changer, calculez si ça en vaut la peine », souligne Sylvie Bonin, de l'ACEF de l'Estrie.

• Quand le service est activé, vérifiez que les modalités promises sont bien livrées, notamment la vitesse de navigation sur l'internet.

POURSUITES CONTRE LES GÉANTS

Bell Mobilité, Telus, Cogeco Câble et Rogers Télécommunications font toutes l'objet de poursuites de l'Office de la protection du consommateur (OPC) au Québec, pour plusieurs millions.

LES POURSUITES DÉPOSÉES PAR L'OPC

Telus

• Amendes réclamées : 4,1 millions

• 364 chefs d'accusation

Bell Mobilité et Virgin Mobile

• Amendes réclamées : 3,3 millions

• 305 chefs d'accusation

Rogers Communications et Fido

• Amendes réclamées : 1,9 million

• 190 chefs d'accusation

Cogeco Câble

• Amendes réclamées : 783 000 $

• 145 chefs d'accusation

FAITS REPROCHÉS (SEMBLABLES POUR TOUTES LES POURSUITES) 

• Les contrats des fournisseurs contiennent des clauses leur permettant de les modifier unilatéralement en modifiant des éléments essentiels comme le prix du service et la durée du contrat;

• Calcul des frais de résiliation non conforme à la loi;

• Le consommateur doit donner un avis de 30 jours pour résilier son contrat;

• L'entreprise omet de donner au consommateur des renseignements prévus par la loi, comme le total des sommes qu'il doit débourser mensuellement, la description détaillée de chacun des services et le prix courant du bien vendu ou offert en prime à l'achat du service.