La vie d'Hélène a basculé il y a cinq ans lorsque son conjoint est mort. Le cancer l'aura emporté en quelques mois. À 45 ans, mère de deux enfants de 18 et 14 ans, elle remet en question plusieurs aspects de sa vie. Profitant d'un échange scolaire de son plus jeune, elle réalise le rêve d'une vie : faire son baluchon et bourlinguer aux quatre coins de la planète.

À son retour, un point de non-retour est atteint ; la vie professionnelle d'Hélène a besoin d'un électrochoc. « J'ai travaillé dans le milieu dentaire pendant plus de 20 ans. De retour de voyage, je n'avais tout simplement plus le goût de continuer », confie-t-elle. Hélène fait donc le grand saut et retourne sur les bancs d'école pour devenir infirmière auxiliaire. Dix-huit mois plus tard et un diplôme en poche, elle intègre le réseau de la santé.

Seul hic : le coeur n'y est tout simplement pas. « J'ai rapidement déchanté. Dans ce secteur, nous sommes toujours à la course. Je n'ai pas le temps de m'occuper des patients comme j'espérais pouvoir le faire. Et voilà qu'aujourd'hui, je suis complètement épuisée. » Une situation qui la pousse à la réflexion.

« Je pense maintenant à réduire mes jours de travail de moitié pour être heureuse. Je pense uniquement à ma retraite. Aujourd'hui, mon but, c'est de préparer ma retraite pour éventuellement repartir en voyage », affirme Hélène.

Même si Hélène n'a jamais eu un salaire mirobolant - elle fait actuellement 33 000$ -, elle a le gène de l'économe. « J'économise depuis l'âge de 18 ans et surtout je vis simplement. Je ne dépense vraiment pas beaucoup », fait-elle remarquer. Qui plus est, les actifs et les avoirs de son conjoint de l'époque lui ont été transférés lors de son décès, « ce qui a permis d'augmenter la montant de [ses] REER », confie-t-elle.

Résultat : sa maison, dont la valeur oscille autour de 320 000 $, est payée. Qui plus est, elle détient des actifs (REER, CELI, divers placements) qui dépassent 625 000 $. Seules dettes à son livre comptable : 15 000 $ pour de récentes rénovations sur sa demeure, un prêt de 15 000 $ à sa fille et 20 000 $ pour l'achat d'un motorisé qu'elle utilise pour voyager.

SUR LA ROUTE

En jonglant avec ces chiffres, Hélène s'interroge maintenant sur le moment où elle pourra prendre sa retraite... et repartir sur la route. « Je voyage comme je vis : c'est-à-dire très simplement. Une fois à la retraite, j'aimerais voyager plus ou moins six mois par année », dit-elle, précisant qu'elle estime les coûts moyens de ses escapades à 6000 $.

À 50 ans, Hélène partage maintenant sa vie avec Patrick. Une réalité qui ne devrait pas mettre un frein à ses ambitions aussi bien de retraite que de voyage, estime-t-elle. Pour l'essentiel, sur le plan financier, les deux fonctionnent en silo. « Nous n'avons pas mis nos oeufs dans le même panier », résume-t-elle. Patrick, qui habite dans la maison d'Hélène, débourse en loyer d'environ 7200 $ chaque année. Si le salaire de ce dernier dépasse considérablement celui d'Hélène, il n'a pas encore préparé sa retraite.

« Pour le moment, je me questionne sur la façon d'arriver à la retraite. Est-ce mieux de donner un coup pendant quelques années ou de travailler deux ou trois jours par semaine ? J'aimerais connaître les implications, sachant que je souhaite prendre ma retraite le plus rapidement possible », conclut-elle.

PORTRAIT 

REVENUS D'HÉLÈNE

• Revenu brut : 33 000 $

• Revenu net : 20 000 $

• Pension (à la suite de la mort de son conjoint) : 10 000 $

• Loyer que lui octroie son conjoint actuel : 7200 $/an

DETTES D'HÉLÈNE

• Rénovation sur la maison : 15 000 $ (intérêts : 3,5 %)

• Prêt à sa fille pour l'achat d'un condo : 15 000 $ (intérêt 3,5 %)

• Achat d'un motorisé : 20 000 $

ACTIFS D'HÉLÈNE

• Maison : 320 000 $ (payé)

• REER : 557 812 $

• Hors REER : 37 314 $

• CELI : 32 209 $

REVENUS DE PATRICK

• Revenu brut : 105 000 $

• Revenu net : 66 000 $

• Roulotte : 50 000 $ (prêt à la vendre)

• REER : 50 000 $

LOISIRS

• Hélène : 3000 $/année (aimerait augmenter à 4000 $/année)

• Patrick : 2000 $/année

DE BONNES HABITUDES QUI RAPPORTENT

« Hélène pourrait probablement prendre sa retraite l'année prochaine si elle est prête à vivre avec 28 000 $ par année », estime Daniel Laverdière, directeur principal, planification financière et service-conseil à la Financière Banque Nationale.

Évidemment, cette somme serait indexée chaque année en fonction de l'inflation. Lors de ses calculs, le spécialiste estime celle-ci à 2 %. Qui plus est, pour obtenir ces résultats, Daniel Laverdière évalue le rendement des actifs d'Hélène à 3,75 %. Dans un scénario plus pessimiste : une baisse de rendement de 1 % ferait chuter le coût de vie maximal de 28 000 $ à 26 000 $.

Son de cloche similaire de la part d'Hélène Paradis, vice-présidente et conseillère en placement chez Gestion de patrimoine TD. « Elle est dans une très belle situation financière grâce à l'épargne faite au long de sa vie », indique-t-elle.

« En incluant sa volonté de voyager - qu'elle estime à 6000 $ par année -, j'estime ses besoins annuels à près de 26 400 $. », dit Hélène Paradis, vice-présidente et conseillère en placement chez Gestion de patrimoine TD.

Hélène Paradis propose de travailler au cours des quatre prochaines années à solidifier son plan de retraite en versant ce que lui paye son conjoint en loyer (7200 $) dans son CELI. « À 54 ans, sans changer quoi que ce soit à son mode de vie actuel, elle aura les sommes disponibles pour avoir ce rythme de vie. »

Hélène Paradis arrive à ces estimations en s'appuyant sur un rendement de 4,20 %, une inflation de 2 % et une espérance de vie de 90 ans. « Je n'ai pas envisagé la vente de la propriété, ce qui lui donne un coussin en cas de besoin », dit-elle, soulignant qu'elle peut également réduire ses dépenses une année - si besoin il y a - en resserrant ses dépenses voyage.

AVANT DE PARTIR

Avant de quitter le monde du travail, Daniel Laverdière propose de faire quelques modifications au portrait financier d'Hélène. Tout d'abord, il lui conseille de rembourser ses dettes en utilisant les placements hors REER (37 314 $).

En partant de l'hypothèse que ces placements augmentent au rythme de 4 %, « il lui en reste environ 2 % une fois les impôts payés ». Mieux vaudrait éponger sa dette qui croît à 3,5 %.

« En d'autres termes, pour le moment, elle s'appauvrit. Un des premiers trucs qu'on apprend dans un cours de planification financière c'est qu'il vaut mieux effacer les dettes si on détient des intérêts taxables », dit-il.

Quant à la somme de 15 000 $ que lui doit sa fille ? « Pour le moment, mieux vaut ne pas s'appuyer sur cette entrée d'argent. Il sera toutefois bienvenu lorsqu'il arrivera », dit-il, précisant qu'il est préférable pour une décision de cette importance de ne pas embellir le scénario.

Hélène devra finalement valider certaines informations. À commencer par les détails relatifs au montant de la pension de décès de son conjoint. Celle-ci sera-t-elle fixe ou indexée au fil des ans ? Pourra-t-elle bénéficier de cette pension toute sa vie ? « Car s'il s'agit d'une rente de veuve de la Régie des rentes du Québec, elle s'arrêtera lorsqu'Hélène aura 65 ans. »

En guise de conclusion, Hélène Paradis rappelle l'importance, comme le couple fonctionne en silo, de ne pas s'appuyer sur l'aide financière de son conjoint. « On ne sait pas ce qui peut arriver », dit-elle.

SAVOIR ESTIMER SES DÉPENSES

La décision de sortir du monde du travail pour entrer dans celui de la retraite ne peut se prendre de manière précipitée. Avant de faire le grand saut, une sérieuse réflexion s'impose, indique Daniel Laverdière, directeur principal, planification financière et service-conseil à la Financière Banque Nationale.

« Mieux vaut prévenir les mauvaises surprises plutôt que de les avoir une fois à la retraite », avertit-il. Si l'objectif est simple - s'assurer que ses dépenses futures ne soient pas plus élevées que ses actifs -, l'exercice pour y arriver est plus complexe.

Première étape : estimer ses actifs. « C'est généralement la partie la plus simple. On estime les entrées d'argent que nous aurons au fil du temps », indique-t-il.

Deuxième étape : estimer ses dépenses. L'exercice est plus difficile qu'il n'y paraît. Car s'il est aisé de calculer les dépenses fixes - assurances, hypothèques, dépenses, paiement des prêts automobiles, etc. -, il est plus ardu d'établir les dépenses courantes qui ne sont pas récurrentes.

Et la liste des imprévus peut être longue. « De la cafetière qui brise au cadeau de mariage ou d'anniversaire, en passant par le bois pour le foyer, les outils pour l'entretien du gazon, l'engrais pour le jardin, les médicaments, le maquillage et la coiffure, un changement de voiture », dit-il.

Alors, comment s'y pendre ? Pour une personne qui, comme Hélène, désire prendre rapidement sa retraite, Daniel Laverdière propose de se donner un minimum d'une année de réflexion. Non seulement celle-ci permettra au futur retraité de mûrir sa décision, mais également de détailler ses dépenses quotidiennes.

« Au cours de cette année, je conseille de ramasser toutes les factures et de regarder chaque dépense sur sa carte de crédit. Un tel exercice risque d'écarter les mauvaises surprises », affirme Daniel Laverdière, directeur principal, planification financière et service-conseil à la Financière Banque Nationale.

Établir le bon budget est l'exercice le plus important dans sa prise de décision, selon Daniel Laverdière. « Si on tourne les coins ronds dans l'évaluation des dépenses, on peut se retrouver à dépenser plus que prévu. Les gens deviennent souvent malheureux lorsqu'ils sont confrontés à des dépenses qu'ils n'avaient pas prévues », dit-il.

« Je dis souvent qu'il est possible pour nous de regarder l'avenir avec un télescope. Mais pour que le portrait soit bon, les clients doivent nous fournir les informations justes. Pour y arriver, ils doivent pour leur part regarder à la loupe leur présent. »