De nombreux Québécois sont obligés de vivre dans plus d'une ville à la fois en raison de leur travail. C'est le cas des entrepreneurs qui doivent voyager sans cesse, des consultants qui parcourent la planète et des travailleurs du Nord qui demeurent dans le sud de la province. Comment font-ils pour ne pas hypothéquer leur portefeuille ?

FAIRE DES AFFAIRES SANS SE RUINER

Pour passer plusieurs semaines par année hors du pays, certains entrepreneurs consacrent des sommes colossales en hébergement, transport et nourriture. Deux leaders d'entreprise et un planificateur financier partagent leurs trucs pour éviter de se ruiner.

CHRISTINE RENAUD, PDG D'E-180

Fréquence : une dizaine de voyages de 4 à 7 jours par année

Où : Boston, New York, San Francisco, Toronto, Moyen-Orient, Europe et Afrique

Dépenses globales : de 1500 à 2000 $ aux États-Unis pour une semaine

MARC-ANTOINE PINARD, PDG DE STOLO

Fréquence : une semaine par mois 

Où : surtout aux États-Unis, multiples visites en Chine et parfois en Europe

Dépenses globales : 5000 $ par voyage outre-mer (3-5 jours), jusqu'à 2000 $ aux États-Unis (2-3 jours).

HÉBERGEMENT

Christine Renaud :

Même s'il s'agit d'une dépense d'entreprise, je tente toujours de minimiser les coûts. J'habite régulièrement chez des amis, ce qui rend aussi les déplacements d'affaires moins solitaires. Je leur offre en échange un cadeau, ce qui revient moins cher que l'hôtel. Je sous-loue parfois mon appartement via Airbnb lorsque je suis à l'étranger pour plus de deux semaines. L'an dernier, à l'événement SxSW, j'ai partagé une maison trouvée avec Airbnb avec mes coconférenciers. Ça nous a coûté environ 50 $ par nuit chacun, au lieu des prix exorbitants des hôtels d'Austin durant l'événement.

Marc-Antoine Pinard : 

J'alterne entre Airbnb et des hôtels trouvés sur Expedia. Une nuit aux États-Unis me coûte rarement plus de 260 $. Ailleurs, je paie entre 350 et 600 $ par nuit. On essaie une seule fois de couper les coins ronds en payant moins cher, ensuite on s'offre un hôtel 4 étoiles au minimum. Quand le volume de voyages s'accroît, on devient douillet et on cherche les hébergements les mieux positionnés pour augmenter notre efficacité.

TRANSPORTS

Christine Renaud : 

À Montréal comme aux États-Unis, j'utilise fréquemment Uber, ainsi que les transports en commun. Les mois où je suis en déplacement, j'opte pour des billets de la STM à l'unité. Ou encore le vélo, d'avril à novembre.

Marc-Antoine Pinard : 

Depuis peu, je voyage en voiture pour aller à New York. Je préfère consacrer six heures à conduire, régler des dossiers au téléphone, réfléchir ou écouter de la musique. C'est plus économique qu'un billet d'avion, et je n'ai pas à subir les contrôles aériens.

REPAS

Christine Renaud : 

Chez des amis ou dans un Airbnb, j'achète ce qu'il me faut pour mes déjeuners et des collations. J'essaie d'opter pour un lunch économique et un souper plus substantiel, avec des amis ou des partenaires. Tous mes repas lors des voyages d'affaires sont des dépenses d'entreprise, pourvu que ce soit raisonnable. Si j'étire mon séjour par plaisir personnel, je paie mes trucs.

Marc-Antoine Pinard : 

Quand je suis à l'étranger pour le boulot, la plupart de mes repas sont des lunchs d'affaires. Lorsque je mange seul, j'économise quelques sous en prenant de la nourriture pour emporter. J'essaie d'acheter local et je m'en tire toujours à meilleur prix.

FINANCES PERSONNELLES

Christine Renaud :

Mes finances personnelles ne s'en ressentent pas. Voyager pour affaires me permet de joindre l'utile à l'agréable !

Marc-Antoine Pinard :

Le plus dangereux est d'arrêter de compter. Le mélange entre le compte de dépenses d'entreprise et le budget personnel devient rapidement flou. J'essaie de ne jamais dépenser pour moi en déplacements, sinon pour des produits qu'on n'a pas au Québec.

CONSEILS DE GAÉTAN VEILLETTE, PLANIFICATEUR FINANCIER CHEZ GROUPE INVESTORS

Organisation

Si vous assistez à une foire commerciale à l'étranger, engagez un promoteur local pour qu'il s'occupe de vos éléments promotionnels. Cela vous évitera de déplacer du matériel qui pourrait être fait sur place.

Impôts

1) Faites attention au taux de change quand vous remplissez votre déclaration de revenus. Les logiciels d'impôts peuvent vous aider à répartir le taux moyen par année ou pour chacun des mois.

2) Si vous utilisez votre voiture aux fins d'affaires, calculez le kilométrage effectué pour le travail durant l'année. Par exemple, si la moitié de votre kilométrage a été consacré au travail, vous pourrez déduire 50 % des frais associés à votre voiture (essence, immatriculation, réparation, permis de conduire, etc.).

3) Si vous passez plus de 183 jours aux États-Unis, vous serez assujettis aux considérations fiscales d'un résident américain. N'oubliez pas qu'au Canada, il existe des crédits d'impôt pour les impôts étrangers déduits de vos revenus.

VOYAGE D'AFFAIRES ET EXTRAS

Représentant pour l'entreprise montréalaise GSoft, Benjamin Niaulin a passé 110 jours à l'extérieur du Québec depuis un an.

Les dépenses reliées à son travail (avions, repas, hôtels) sont couvertes par son employeur, mais il reste des extras qui pèsent sur son portefeuille.

« En moyenne, j'ajoute entre 50 et 300 $ par voyage, soit pour suivre des partenaires qui vont prendre un verre ou pour faire une visite touristique, explique-t-il. Lorsque je me trouve dans des villes comme Sydney, Amsterdam ou Barcelone, c'est normal de vouloir découvrir les lieux. J'ajoute alors un ou deux jours à l'hôtel à mes frais. »

Ses rares présences de longue durée au Québec l'empêchent aussi de profiter de certains rabais. « C'est difficile de déterminer s'il sera avantageux d'avoir une carte de transports mensuelle, puisque mes horaires changent constamment. Ça devient économique et plus simple d'utiliser ma voiture. C'est aussi difficile d'être membre d'un gym, sachant que je pourrais partir pendant des jours ou plusieurs semaines consécutives. »

M. Niaulin pourrait toutefois économiser des sous en déductions d'impôt au fédéral, si son contrat de travail stipule clairement que des dépenses personnelles sont engagées pour le travail.

« S'il utilise son ordinateur ou son cellulaire pour le travail, ou s'il prend sa voiture pour transporter des biens de l'entreprise, il pourra déduire les dépenses reliées à son emploi, même s'il n'est pas travailleur autonome, explique le planificateur financier Gaétan Veillette. Par contre, les coûts de l'essence pour se rendre de chez lui à l'aéroport ne sont pas inclus. Tout comme ne le sont pas les kilométrages d'un employé entre sa maison et le bureau. »

S'ENRICHIR DANS LE NORD

Enseignante à la mine Raglan, Caroline Sirois se considère comme gâtée par la vie. Depuis sept ans, son mari Gilles Langlois, opérateur de machinerie lourde, et elle partagent leur vie entre l'Abitibi-Témiscamingue et le Nord-du-Québec.

Ils gagnent presque trois fois ce qu'ils faisaient pour des postes équivalents dans leur région.

« On n'irait pas dans le Nord si ce n'était pas avantageux, déclare la femme de 51 ans. Le travail et les horaires sont très exigeants. On nous demande de nous surpasser et de sortir de notre zone de confort en allant dans le nord. Mais ça nous est rendu au centuple. Notre qualité de vie s'est améliorée de 150 %. »

Même son de cloche chez Benjamin Ross, superviseur à l'hébergement de Raglan depuis 2010. « Mon salaire m'a permis de payer mes dettes d'études à vitesse grand V, de m'acheter un petit condo et une voiture, et de mettre de l'argent de côté, affirme le Montréalais de 31 ans. Mais il faut garder en tête que peu de gens passeront leur vie dans le Grand Nord. Une fois de retour plus au sud, on doit être préparé à avoir un plus petit salaire. »

SAVOIR ÉPARGNER

Le planificateur financier Gaétan Veillette suggère à ce type de travailleurs d'épargner une large part de leurs revenus. « Règle générale, un travailleur devrait mettre de côté 10 à 12 % de son revenu brut pour ses projets. Mais quand on fait de gros salaires, on peut placer jusqu'à 20 ou 30 %. Ils devraient d'abord maximiser leurs cotisations REER et leur CELI. Puis, considérer d'autres options : régime d'épargne-études pour chacun de leurs enfants, régime non enregistré, compte de retraite immobilisé, etc. »

Mme Sirois et M. Langlois ont cotisé beaucoup à leur REER, en plus de se gâter.

« On a payé les études de nos enfants et on voyage beaucoup. Quand on a deux semaines de congé, on peut partir où on veut. Et si on colle nos vacances annuelles à nos congés, on peut prendre jusqu'à sept semaines à l'extérieur ! », confient Caroline Sirois et Gilles Langlois.

De son côté, Benjamin Ross se dit raisonnable. « J'avais l'argent pour plus de luxe, mais j'ai choisi un condo et une voiture abordables, pour être en mesure de les conserver si je souhaitais changer d'emploi. Ça m'évite de garder mon emploi par obligation. Il est primordial de gérer son niveau d'endettement. »

Si leurs liquidités leur permettent, ils peuvent aussi prendre un prêt aux fins d'investissement. « S'ils empruntent 100 000 $ et que leurs revenus leur permettent de tout rembourser, les intérêts du prêt payés durant l'année deviennent déductibles de leurs revenus imposables, indique le planificateur. C'est un bon moyen d'enrichir son patrimoine. »

Les travailleurs du Nord peuvent également économiser grâce aux dépenses prises en charge par leur employeur. Ils se déplacent à bord des avions de la société minière et profitent d'un stationnement gratuit à l'aéroport. Ils sont logés dans un hôtel 4 étoiles, en plus d'avoir accès à un gym gratuit et à une cafétéria ouverte 24 heures sur 24.

« On ne dépense même pas 25 sous ! lance Caroline Sirois, qui travaille 21 jours de suite, avant d'avoir 14 jours de congé. Quand on n'est pas dans notre maison en Abitibi, on économise des centaines de dollars d'Hydro par année, on n'a pas d'essence à payer et on économise minimum 200 $ d'épicerie par semaine. »

Benjamin Ross profite des mêmes économies. Il déclare toutefois que ses horaires l'incitent à voyager énormément. « Comme j'ai beaucoup de temps libres, mais souvent personne avec qui faire des activités puisque les gens travaillent du lundi au vendredi, je prends le temps de voyager souvent, explique celui qui dit travailler un peu moins de 24 semaines par année. C'est une de mes plus grosses dépenses en congé. »