Velan (T.VLN) fabrique des valves. Stella-Jones (T.SJ) fait des poteaux. Le Groupe Canam (T.CAM) produit des poutrelles d'acier. Rien de bien sexy à première vue. Ces entreprises québécoises, qui passent trop facilement sous le radar des médias faute d'avoir le profil d'un Uber, n'en sont pas moins des championnes dans leur domaine respectif, voire des valeurs attrayantes en Bourse. Second regard sur les entreprises au profil ingrat.

La semaine dernière, par exemple, Stella-Jones a dévoilé des chiffres financiers brillants dans une mer de résultats atones. Son bénéfice par action comme ses revenus ont bondi de 33 % à la faveur de la vigueur de l'économie américaine, la chute du huard, les acquisitions ciblées et la hausse des prix de vente. L'entreprise de l'arrondissement de Saint-Laurent n'a pas fait la manchette des pages financières pour autant. Qui s'intéresse aux poteaux de téléphone et traverses de chemin de fer ?

La performance de cette entreprise solide n'a toutefois pas échappé aux investisseurs aguerris. Le titre a gagné près de 6 %, mercredi, et fraye avec les sommets. Stella a quintuplé de valeur en cinq ans. Sept analystes suivent sa progression alors que l'action SJ frise leur cible de 44,05 $.

Le Groupe Canam est une autre entreprise dont on parle peu dans les cocktails, mais qui mérite le respect. La firme fait, grosso modo, dans les poutrelles d'acier. Mais c'est aussi une multinationale qui exploite des établissements de fabrication et de services d'ingénierie au Canada, aux États-Unis, en Roumanie, en Inde et en Chine, et qui détient des coparticipations dans des entreprises en Chine et en France.

L'entreprise beauceronne a quasi décuplé son revenu net au premier trimestre, généralement le plus faible de l'année, à la faveur de la reprise continue dans les marchés de la construction non résidentielle aux États-Unis, a-t-on appris la semaine dernière. En Bourse, le titre a gagné 3 % en trois jours pour une avance de 17 % depuis le début de l'année. Les deux analystes qui s'y intéressent prévoient une « surperformance » du titre.

Pour sa part, Velan a bondi de près de 20 % dans un marché difficile à la Bourse de Toronto, au début de la semaine dernière. Mon collègue Richard Dufour - à qui rien n'échappe - relève l'exploit dans sa revue de la semaine, à l'écran suivant. Aucun analyste financier du côté des courtiers n'a levé le pouce pour autant. En fait, aucun ne suit Velan, tout de même un leader de classe mondiale dans le monde de la robinetterie industrielle.

ENNUYEUX, MAIS PAYANTS

De fait, les entreprises les plus banales peuvent enrichir leurs actionnaires alors que les titres passionnants ne sont pas nécessairement les plus payants, selon une nouvelle recherche publiée en début d'année par le Bureau national de recherche économique (NBER), la même organisation qui détermine quand les récessions américaines commencent et finissent.

Quand tout a été dit et que tout a été fait, les entreprises dans les industries de pointe, comme les logiciels et les produits pharmaceutiques, offrent des rendements moindres que les ennuyeuses valeurs bancaires ou les entreprises de services publics, démontrent les auteurs Jia Chen, Kewei Hou et René M. Stulz.

L'optique est évidemment à très long terme. Un coup d'oeil sur les secteurs atypiques, tels que représentés par les sous-indices du TSX, depuis le début de l'année, infirmerait plutôt la thèse.

Les chercheurs du NBER ont notamment constaté que les titres d'entreprises dans les industries où la rentabilité varie peu - les ennuyeuses - ont tendance à obtenir des multiples boursiers plus faibles que les entreprises dites passionnantes, par rapport à leur valeur comptable ou leur flux de bénéfices. Mais lorsque l'on regarde leur rendement rétrospectif, les entreprises les moins séduisantes récompensent mieux leurs actionnaires.

Les évaluations plus élevées des « stocks sexy », Apple par exemple, pourraient être le résultat de facteurs comme une meilleure visibilité dans les médias (mea culpa), ou un manque de prévisibilité de leur rentabilité qui conduit à une enflure du ratio cours/valeur comptable. « Notre analyse montre que la mauvaise évaluation des titres par le marché boursier est la principale explication », concluent les auteurs de l'étude américaine.