Chaque semaine, un financier répond à nos questions. Il donne sa lecture des marchés, offre son point de vue sur la Bourse et lance quelques conseils d'investissement. Cette semaine, Alain Bergeron, vice-président principal à la gestion des placements et à la répartition d'actif chez Placements Mackenzie, une firme de fonds d'investissement pour les particuliers.

À votre avis, quel est l'événement le plus significatif des derniers jours à la Bourse ?

C'est l'impasse des négociations budgétaires et financières entre la Grèce et la « troïka » en Europe, c'est-à-dire la Banque centrale européenne (BCE), le Fonds monétaire international (FMI) et la Commission européenne.

C'est significatif parce que d'une part, la probabilité augmente que la Grèce fasse défaut sur sa dette et qu'elle doive quitter la zone euro.

D'autre part, malgré ce risque accru de défaut de la Grèce, on constate que les marchés financiers ont peu réagi, même en Europe. Manifestement, ils sont moins inquiets à ce sujet qu'il y a quelques années.

À mon avis, cette relative indifférence envers la Grèce - que j'estime correcte d'ailleurs - découle de trois considérations particulières.

D'abord, le PIB grec équivaut à seulement 1,3 % de celui de l'Europe. S'il diminuait davantage, ça aurait peu d'impact sur l'Europe.

Ensuite, le risque de contagion financière, tant craint il y a quelques années, s'est beaucoup atténué alors que les banques européennes ont réduit de 80 % leur exposition aux titres de dette grecs.

Enfin, les marchés financiers doutent de plus en plus de l'impact d'une aggravation de la crise en Grèce sur les tensions sociopolitiques et budgétaires ailleurs en Europe.

Quel indicateur suivez-vous le plus attentivement en ce moment ?

Parmi les nombreux indicateurs que nous surveillons, je soulignerais le taux d'inflation aux États-Unis. En particulier, l'une des principales composantes comme le « Core PCE », c'est-à-dire le taux d'inflation des dépenses de consommation après l'exclusion des prix plus volatils à court terme comme l'énergie et l'alimentation.

Pourquoi cette attention envers l'inflation aux États-Unis ?

Parce que son évolution est déterminante sur le choix par la Réserve fédérale américaine (Fed) du moment pour remonter son taux d'intérêt directeur.

Et tant que l'inflation, surtout le « Core PCE », demeurera sous sa cible de 2 %, la Fed continuera à retarder une remontée des taux.

Mais comme investisseurs, après six ans de taux très faibles, il faut anticiper un impact baissier majeur sur la valeur des actions et des obligations.

Aux États-Unis d'abord, mais aussi dans les marchés plus volatils comme ceux des économies émergentes.

Que feriez-vous avec plusieurs milliers de dollars à investir ?

À l'intention des particuliers investisseurs, je tiens à rappeler l'importance de maintenir une bonne diversification de placements en fonction de ses objectifs à moyen terme et de son cycle de vie personnel.

Pour y parvenir, ils ont avantage à investir dans des produits de placement, comme des fonds de type « portefeuille géré », qui sont de plus en plus adaptés à chaque profil type d'investisseur.

Cela dit, en tant que directeur d'allocation d'actifs, ma préférence en Bourse ces temps-ci va surtout vers les actions japonaises.

J'y vois un meilleur potentiel de rendement à moyen terme, avec l'impact dans l'économie japonaise de la politique monétaire très stimulatrice adoptée par la Banque du Japon.

Aussi, d'importantes réformes de gouvernance ont lieu parmi les grandes entreprises japonaises, ce qui devrait dynamiser leur performance d'affaires et leur valorisation boursière à moyen terme.

Par ailleurs, nous sommes aussi en légère sur-pondération envers les actions européennes. Les prix d'actions y demeurent attrayants en attendant le plein impact dans l'économie et chez les entreprises des récentes mesures stimulatrices de la BCE.

À l'opposé, quel placement évitez-vous ces temps-ci ?

Pour des portefeuilles diversifiés, je ne vois pas de placements à éviter comme tels, mais plutôt des ajustements de pondération parmi les types de placements.

Cela dit, je suis moins attiré par la Bourse américaine en raison surtout de la hausse déjà considérable du prix des actions, et alors que s'amenuise le potentiel de hausse continue de bénéfices des entreprises.

Je préconise aussi une légère sous-pondération envers la Bourse canadienne, du moins tant que la conjoncture demeurera défavorable pour la progression des résultats d'entreprises dans les secteurs importants comme l'énergie et les matières premières.

Qu'est-ce que les marchés sous-estiment le plus actuellement ?

C'est la possibilité que le rendement des actions américaines à moyen terme déçoive à moyen terme. D'autant que ces attentes se basent sur une amélioration continue des résultats des entreprises américaines, qui devrait survenir avec le regain de l'économie américaine.

Or, ces résultats d'entreprises sont déjà élevés, historiquement. Aussi, les entreprises américaines qui ont une part significative de leurs résultats provenant d'activités à l'international commencent à ressentir l'impact négatif du dollar américain fort sur la rentabilité de leurs revenus internationaux.

Pour le moment, ce risque de prochains résultats décevants et, du coup, de rendement moindre sur la Bourse américaine m'apparaît sous-estimé parmi les investisseurs.

QUI EST-IL ?

Chez Placements Mackenzie, Alain Bergeron est vice-président principal, Gestion des placements, et chef de l'équipe de répartition de l'actif. Il supervise la gestion de 13 milliards de dollars d'actifs, répartis parmi des portefeuilles gérés et les fonds d'investissement proposés par Mackenzie dans le marché des particuliers investisseurs. Titulaire d'une maîtrise en finances à HEC Montréal et détenteur du titre de CFA, Alain Bergeron compte une quinzaine d'années d'expérience dans la gestion des placements.