Chaque semaine, un financier répond à nos questions. Il donne sa lecture des marchés, offre son point de vue sur la Bourse et lance quelques conseils d'investissement. Cette semaine, Marc Dalpé, conseiller en placement et gestionnaire de portefeuilles au groupe DalpéMilette, affilié à la firme Richardson GMP, à Montréal.

À votre avis, quel est l'événement le plus significatif des derniers jours à la Bourse ?

C'est le suivi de la situation en Europe, en particulier en ce qui concerne les négociations de politique budgétaire et économique avec la Grèce, après son changement de gouvernement.

Est-ce qu'il y aura ou non une solution négociée à ce problème de surendettement de la Grèce ? Et à quelles conditions pour qu'elle puisse demeurer dans la zone euro, ce qui est un enjeu politique et économique pour toute l'Europe ?

Le bon alignement des divers intérêts dans ce débat est aussi de grande importance pour l'économie mondiale et les marchés boursiers.

Parce qu'en dépit de la puissance croissante de la Chine, et du redressement de la conjoncture économique aux États-Unis, l'influence de l'Europe demeure considérable dans l'économie mondiale et les marchés boursiers.

Aussi, après des années de récession et de stagnation en Europe, on commence à voir des indices d'une certaine stabilisation et d'un regain de confiance des principaux intervenants d'affaires.

Si cela se poursuit, nous pourrions en voir rapidement les effets haussiers sur les prochains résultats des entreprises européennes, ainsi que sur la croissance de l'économie mondiale. [Indice EuroStoxx50 en hausse de 9 % jusqu'à maintenant en 2015.]

Quel indicateur suivez-vous le plus attentivement en ce moment ?

J'accorde une attention particulière ces temps-ci aux indicateurs boursiers et économiques en provenance de l'Europe, alors que doit s'amorcer très bientôt le programme d'assouplissement quantitatif enclenché par la Banque centrale [achat d'obligations gouvernementales pour 60 milliards d'euros par mois d'ici septembre 2016].

Ce programme injectera énormément de liquidités dans les marchés financiers d'Europe pour les deux prochaines années, ce qui devrait avoir un impact baissier sur les taux d'intérêt et favoriser un regain de l'économie régionale.

On l'observe déjà parmi les principaux indices boursiers d'Europe, qui vont nettement mieux que les autres marchés depuis le début de l'année.

On le voit aussi dans le redressement des indices de confiance des directeurs d'achats d'entreprises.

Que feriez-vous avec plusieurs milliers de dollars à investir ?

Avec la situation en Europe, je suis plutôt optimiste sur le meilleur potentiel de rendement des placements sur les bourses européennes à moyen terme, comparativement aux autres marchés d'importance.

En fait, en équivalence des multiples cours-bénéfices, on peut acheter des actions de bonnes entreprises en Europe à des prix inférieurs de 30 % à 40 % que sur les autres grands marchés.

Aussi, le potentiel de hausse des prochains bénéfices par action des entreprises européennes m'apparaît bien meilleur que celui encore possible en Amérique du Nord.

Cela dit, pour investir davantage en Europe, je privilégie l'achat de fonds négociés en Bourse (FNB), qui sont basés sur les principaux indices sectoriels ou nationaux, plutôt que des titres d'entreprises individuelles.

Par ailleurs, je m'intéresse aussi ces temps-ci aux occasions de placements boursiers dans les économies émergentes en Asie du Sud-Est.

Les entreprises établies dans cette région profiteront le plus de la déprime des prix du pétrole et des matières premières pour accroître leurs prochains résultats. Or, leur valeur en Bourse demeure raisonnable si l'on considère leur potentiel supérieur de croissance de leurs prochains résultats.

À l'opposé, quel placement évitez-vous ces temps-ci ?

D'emblée, tout ce qui concerne le marché des titres obligataires à long terme qui sont libellés en dollars américains !

Avec la possibilité d'une prochaine remontée de taux aux États-Unis, et considérant la dépréciation du dollar canadien par rapport au dollar américain [20 % en moins d'un an], investir dans ces titres obligataires en dollars américains serait potentiellement destructeur pour le portefeuille d'un investisseur canadien.

Quant aux autres types de placements, plutôt que d'en éviter complètement, je préconise le maintien du meilleur dosage possible entre les actifs à titres à surpondérer ou à sous-pondérer.

Qu'est-ce que les marchés sous-estiment le plus actuellement ?

À mon avis, les marchés de placements sont exagérément négatifs envers les perspectives du secteur des matières premières et du pétrole. Et en particulier sur la Bourse canadienne, qui contient beaucoup de ces titres.

Pourquoi ? Ce qu'on a vu récemment sur les marchés, c'est un affaissement des prix de ces ressources et de la valeur boursière des entreprises liées qui ne correspond plus au véritable marché pour ces ressources.

En fait, même si elle croît moins vite qu'auparavant, la demande pour ces matières premières et le pétrole demeure considérable au niveau mondial.

Dans le cas du pétrole, par exemple, je ne crois pas que le prix va descendre autour des 20 $US le baril, comme certains le prétendent.

Je vois plus de chances qu'il remonte et qu'il se stabilise autour des 60 à 70 $US le baril.

Dans ce cas, le potentiel de regain des titres pétroliers, au Canada surtout, pourrait s'avérer significatif, au-delà des attentes des investisseurs.

Marc Dalpé est conseiller en placement et gestionnaire de portefeuilles pour le groupe DalpéMilette à Montréal, qui est affilié à firme Richardson GMP. Ce groupe gère près de 500 millions en actifs provenant d'une clientèle de particuliers-investisseurs.