Chaque dimanche, un financier répond à nos questions. Il donne sa lecture des marchés, offre son point de vue sur la Bourse et lance quelques conseils d'investissement. Cette semaine, Pierre Lacroix, chez Valeurs mobilières Desjardins à Chicoutimi.

Quel a été l'événement le plus significatif des derniers jours en Bourse?

À la fin octobre, la caisse de retraite du gouvernement japonais (GPIF), qui gère 1100 milliards de dollars américains, a décidé de modifier de façon importante sa répartition d'actifs, et ça nous a fait réfléchir. Les administrateurs de la plus grande caisse de retraite publique au monde ont opté pour un modèle revenu fixe/actions de 50-50, alors qu'il était établi à environ 75-25 auparavant.

Cette décision est étonnante, compte tenu de l'importance du geste, du profil vieillissant de la population japonaise (plus du quart de la population est âgée de 65 ans et plus) et d'un taux de fertilité anémique (seulement 13 % de la population a moins de 14 ans).

Au-delà du message positif que cela envoie pour les actions mondiales, le fonds japonais se retrouve dans la même situation que plusieurs de nos clients et que la plupart des caisses de retraite, qui sont confrontés aux maigres rendements attendus de la part des revenus fixes, lequel est largement insuffisant pour faire face aux obligations futures.

La dégringolade des prix du pétrole a aussi retenu notre attention, au point où nous avons opté pour une nouvelle position dans le secteur énergétique.

Quel indicateur suivez-vous le plus attentivement?

Le prix des commodités (et les sociétés participantes), plus particulièrement le pétrole brut, qui a touché un creux de trois ans cette semaine.

Nous suivons également de près la force du dollar américain et surtout la rapidité de son appréciation, compte tenu du fait que c'est cette devise qui compose la majeure partie de nos positions en actions dans le portefeuille.

Nous suivons aussi de très près la vigueur des titres de consommation discrétionnaire et de technologies, qui ont rebondi vivement depuis la correction de la mi-octobre. Les évaluations de ces titres, surtout celles des plus petites capitalisations, sont à suivre.

Que feriez-vous avec plusieurs milliers de dollars à investir?

Nous aimons la vague de consolidation qui s'opère dans le secteur ingénierie-construction aux États-Unis, surtout dans un contexte où le secteur privé des infrastructures aux États-Unis offre un potentiel de croissance important.

Nous aimons particulièrement AECOM International, qui a beaucoup à gagner de la reprise américaine et davantage encore de l'intégration de sa récente acquisition (URS), qui lui a permis de doubler sa taille.

Les équipementiers automobiles, comme Magna, notamment, sont intéressants, en raison d'une combinaison attrayante de perspectives de croissance dans plusieurs marchés, de leur exposition globale et d'un solide bilan financier.

La chute des prix du pétrole fait en sorte que l'ensemble du complexe pétrolier mondial est sous pression et représente, à notre avis, des occasions intéressantes. C'est particulièrement vrai pour les entreprises canadiennes (indice XEG), qui profitent de la faiblesse de la devise et potentiellement d'un gouvernement américain plus ouvert aux politiques énergétiques en raison de la majorité républicaine au Congrès et au Sénat.

L'octroi d'un permis présidentiel pour le pipeline Keystone XL et l'expansion du pipeline principal d'Enbridge (Alberta Clipper) seraient des catalyseurs importants pour ces sociétés.

Quel placement évitez-vous à tout prix?

Certains secteurs qui étaient gagnants en 2013 et 2014 commencent à montrer un niveau inquiétant de surchauffe, surtout en regard de petites capitalisations américaines.

Nous croyons que l'évaluation des petites capitalisations tel qu'illustrée par l'indice Russel 2000, à environ 20 fois les profits futurs, compense difficilement les risques supplémentaires courus, comparativement à la détention de sociétés de plus grande capitalisation.

Par exemple, l'indice Dow Jones industriel se négocie à un peu plus de 15 fois les bénéfices prévus. Nous nous sommes aussi éloignés des titres aurifères en octobre, car nous avons beaucoup de difficultés à réconcilier les évaluations et les justifications fondamentales qui soutiennent ces titres et le prix du métal jaune.

Qu'est-ce que les marchés sous-estiment le plus?

Il faudra commencer à surveiller la polarisation du positionnement des investisseurs institutionnels autour de la force de l'économie et des perspectives boursières aux États-Unis.

L'environnement reste favorable, mais des éléments fondamentaux pourraient s'avérer sournois dans les prochains mois. Pensons à l'impact d'une majorité républicaine au Sénat et à la Chambre des représentants sur la fluidité des décisions gouvernementales ou encore les effets pervers qu'un dollar américain pourrait avoir sur certains secteurs de l'économie des États-Unis en 2015.

Nous demeurons par ailleurs prudents face à la locomotive économique chinoise, qui s'est engagée dans une longue période de transition vers une économie de consommation, mais des signes plus encourageants pourraient émerger, surtout si les réformes mises en place au cours des 18 derniers mois commencent à générer des résultats.

L'Europe demeure sous-estimée et un affaiblissement de l'euro pourrait donner des ailes à un pays comme l'Allemagne, mais ce scénario se réalisera plus probablement à moyen terme.