Après des années de rase-mottes, les deux grands transporteurs aériens canadiens volent haut en Bourse. Les vents leur sont favorables alors que le prix du carburant, qui compte pour près du tiers des frais d'exploitation, ne cesse de baisser. Est-il trop tard pour monter à bord ? Et quel transporteur choisir ? Air Canada et WestJet s'affrontent dans notre duel boursier mensuel.

Ça plane pour Air Canada

Dans une solide étude qu'il vient de publier, l'analyste Walter Spracklin, de RBC Marchés des Capitaux, rappelle que le secteur aérien était considéré comme « non investissable » jusqu'à récemment et que plusieurs investisseurs en vue recommandaient de rester à bonne distance de ces titres. D'où l'occasion qui se présente aujourd'hui.

Air Canada est le titre préféré de Spracklin. Cela ne date d'ailleurs pas d'hier. Véritable apôtre, l'expert de RBC Marchés des Capitaux s'avoue encore impressionné par la capacité du transporteur montréalais à réduire rapidement ses coûts, tandis que l'importance de la demande pour les voyages en avion soutient des prix plus élevés. Le potentiel de croissance supérieur d'Air Canada va cependant de pair avec plus de volatilité, prévient l'analyste.

À 9,30 $ pièce, à la fermeture des marchés vendredi, le titre s'est bien relevé depuis qu'il volait au ras des pâquerettes, il y a deux ans à peine. Il a même approché les 11 $ cet été, un sommet en plus de six ans. Air Canada a connu l'an dernier la meilleure performance (+ 330 %) de toutes les grandes sociétés canadiennes inscrites en Bourse.

Les analystes repoussent régulièrement leur cible pour le plus grand transporteur aérien du pays, suivant en cela l'amélioration continue de l'exploitation. Certains projettent maintenant une valeur de jusqu'à 16 $ cependant que la moyenne est de 12,36 $, sur un horizon de 12 mois. Cameron Doerksen, de la Financière Banque Nationale, a notamment revu ses projections à la hausse en soulignant les bas coûts du carburant et les revenus supérieurs tirés des vols transatlantiques.

Soit dit en passant, les actions à droit de vote variable de catégorie A et les actions à droit de vote de catégorie B seront fondues en un seul symbole à la Bourse de Toronto à compter de demain.

Les analystes de l'industrie entrevoient un avenir prometteur pour Air Canada alors que la demande pour le transport aérien conserve sa vigueur, ce qui devrait faire grimper les prix et les revenus pour le reste de l'année. Air Canada mène aussi plusieurs initiatives, incluant le lancement du transporteur à bas prix Rouge, l'ajout de sièges dans ses Boeing 777 et l'achat de long-courriers Boeing 787 Dreamliner.

Dans une industrie considérée comme très volatile (sans jeu de mots), l'entreprise dont le siège social est toujours à Montréal est considérée particulièrement à risque en raison de ses coûts fixes encore élevés et de ses charges sociales importantes, comme le passif de la caisse de retraite. De petites contractions de la demande peuvent avoir un grand impact sur les bénéfices, soulignent plus d'un analyste.

WestJet à tire-d'aile

L'analyste Cameron Doerksen, de la Financière Banque Nationale, énumère dix bonnes raisons d'acheter les actions de la compagnie WestJet. Notons la baisse de 12 % du prix du carburant depuis l'hiver dernier, la forte demande de sièges, les prix solides, la facturation des bagages et les parts de marché arrachées dans le transport régional.

La FBN, qui vient d'ailleurs d'ajouter WestJet à sa liste de titres chouchous, souligne aussi que ces actions se sont moins appréciées en Bourse que ses semblables. Le deuxième transporteur aérien du Canada a progressé de 14 % (tout de même !) depuis le début de l'année, comparativement à 25 % pour Air Canada. Il se rapproche toutefois de son sommet historique de septembre, alors qu'Air Canada est encore loin de son pic de 10,90 $ touché en juin.

Selon Cameron Doerksen, le transporteur de Calgary est le plus attrayant de l'industrie avec ses bas multiples boursiers. Avec ses abondantes liquidités, il serait également à même de racheter de ses actions ou d'augmenter son dividende. Celui-ci, en hausse de 32 % depuis 3 ans, procure actuellement un rendement de 1,5 %.

Les actions de WestJet sont considérées comme moins risquées que celles d'Air Canada par la communauté financière. L'entreprise est encore toute jeune, sa flotte d'avions est relativement récente, le personnel n'est pas syndiqué mais est très impliqué dans la bonne conduite des activités et elle occupe une belle place dans le marché payant des transporteurs à bas prix. Le principal danger est dans l'exécution de tous les changements et initiatives prévus, notent les plus critiques.

Désigné transporteur aérien de l'année pour la valeur par le magazine Air Transport World, cette année, WestJet exploite des vols réguliers dans un réseau de 90 villes en Amérique du Nord, en Amérique centrale, dans les Caraïbes et, depuis peu, en Europe. Il a transporté sa rivalité avec Air Canada outre-mer cet été en lançant un service à destination de Dublin, en Irlande, à partir de Terre-Neuve. Elle volera sur Glasgow, deuxième ville en importance en Écosse, dès mai prochain.

Fondé en 1996, le transporteur de Calgary a été rentable les 36 derniers trimestres grâce à son organisation légère et à ses prix bas, note Neal Dihora de Morningstar. Fadi Chamoun, de BMO Marchés des capitaux, vient notamment de porter son prix cible de 35 à 37 $ pour refléter la prochaine hausse attendue des bénéfices.

Ce que disent les analystes....

À PROPOS D'AIR CANADA

Walter Spracklin, de RBC Marchés des Capitaux :

« Nous voyons un potentiel haussier supérieur pour Air Canada, mais certainement plus d'avenues pour de la volatilité. Par conséquent, nous recommandons ces actions aux investisseurs ayant une plus grande tolérance au risque. »

Cameron Doerksen, de la Financière Banque Nationale :

« Un dollar faible est un sérieux contretemps pour Air Canada dont une large proportion des coûts comme l'essence, les baux et une partie de l'entretien sont payés en dollars américains. Une grande partie de la dette est aussi en dollars US. Toutefois, près de la moitié du risque de change est liée au carburant qui n'est que de 87 cents le litre comparé à notre prévision de 95 cents pour 2015. »

Neal Dihora de Morningstar :

« L'industrie aérienne est réputée pour ajouter trop de capacité quand cela va bien, ce qui conduit à une guerre de prix pour remplir les sièges. Cette dynamique compétitive fait que la rentabilité de l'industrie est insaisissable sur une longue période. »

À PROPOS DE WESTJET

Walter Spracklin, de RBC Marchés des Capitaux :

« WestJet s'avère une entreprise fantastique, bien gérée, avec une bonne stratégie et un brillant avenir. Et même si son potentiel n'est pas aussi important [qu'Air Canada], le risque est inférieur. En conséquence, les investisseurs moins tolérants au risque peuvent miser sur la croissance avec les actions de WestJet. »

Neal Dihora, de Morningstar :

« Le lancement de la filiale régionale peut mettre de la pression sur les coefficients d'occupation et les rendements et, si les coûts ne sont pas pleinement alignés, cela nuira aux profits d'exploitation. »

Fadi Chamoun, BMO Marchés des capitaux :

« Le plus impressionnant est la gestion des frais d'administration, spécialement dans le contexte d'une baisse de quelques points de pourcentage de la longueur moyenne des trajets. »