Chaque dimanche, un financier répond à nos questions. Il donne sa lecture des marchés, offre son point de vue sur la Bourse et lance quelques conseils d'investissement. Cette semaine, Philippe Pratte, de la firme Pratte à Gatineau.

Quel a été l'événement le plus significatif des derniers jours en Bourse?

La semaine a été plutôt calme, comparativement aux dernières qui ont été hautes en couleur, du lancement de l'iPhone 6 jusqu'au début fracassant en Bourse d'Alibaba, le tout suivi d'une réunion de la Fed dans lequel Janet Yellen a réitéré qu'elle allait s'assurer d'entretenir la reprise économique américaine.

Cette semaine, nous n'avons donc rien vécu d'aussi excitant ou décevant, selon le contexte. L'événement le plus considérable, à notre grande surprise, est l'annonce du ministre des Finances chinois expliquant qu'aucun stimulus ne serait déployé. Son approche paraît différente de celle à laquelle nous sommes habitués et semble vouloir s'en remettre à l'affaiblissement du yuan (monnaie chinoise) pour stimuler l'exportation et l'économie du pays.

Il est par ailleurs impossible de passer sous silence la déception majeure que sont les problèmes d'Apple, qui a distribué une mise à jour non fonctionnelle et un iPhone 6 Plus qui manque de solidité. Le PDG Tim Cook a eu seulement quelques jours de répit et les investisseurs ont aussitôt recommencé à s'interroger à son sujet.

Quel indicateur suivez-vous le plus attentivement?

Nous privilégions une approche de consensus. C'est pourquoi nous avons tendance à travailler avec plusieurs indicateurs autant économiques que financiers. Nous ajustons le poids décisionnel de chacun des indicateurs en fonction des cycles économiques.

En ce moment, les facteurs économiques que nous surveillons avec attention sont le taux de chômage et le taux d'inflation américains. Ces derniers guident la Fed dans sa décision d'augmenter ou non les taux d'intérêt, un changement qui aurait pour effet de nous faire changer de phase économique et pourrait entraîner une augmentation majeure de la volatilité à court terme.

Que feriez-vous avec plusieurs milliers de dollars à investir?

Nous surpondérerions les actions et sous-pondérerions les autres catégories d'actifs du portefeuille, tout en respectant le profil d'investisseur.

En Amérique du Nord, nous privilégions les titres américains par rapport aux titres canadiens.

Nous gardons nos distances de l'Europe. Nous y voyons des aubaines, mais celles-ci peuvent rapidement se transformer en catastrophes.

De son côté, l'Asie tourne au ralenti et les espoirs de stimuli viennent de disparaître. Nous serons donc patients pour voir la réaction des marchés dans les prochaines semaines.

Aux États-Unis, compte tenu de l'amélioration du désendettement et de l'augmentation du crédit des consommateurs, nous aimons le secteur de la consommation discrétionnaire avec, par exemple, des titres comme Disney.

Le secteur américain des technologies fait aussi partie de nos préférences. Des titres comme Apple et Facebook continuent de surperformer.

Nous aimons bien aussi les producteurs d'équipements tels que Micron et Sandisk, qui encaissent des profits records.

Quel placement évitez-vous à tout prix?

Nous croyons qu'une bulle se forme dans les obligations. En ce sens, nous éviterions toute position obligataire ayant de longues échéances ainsi que les actions privilégiées qui réagissent fortement à un changement des taux d'intérêt.

Plus l'échéance d'une obligation est longue, plus le balancier versus une montée des taux d'intérêt est amplifié à la baisse. Depuis un an, nous avons constaté un exil de capitaux de cette catégorie d'actifs et nous sommes d'avis que cette situation n'est pas terminée.

Nous gardons aussi nos distances avec les titres canadiens liés aux matières premières, qui ont leur petit moment de hausse quand une crainte temporaire se présente, mais qui demeurent, malgré tout, dans une tendance baissière.

À très court terme, nous évitons les titres qui entrent en Bourse et qui explosent sous l'exubérance des investisseurs. Ils ont souvent tendance à corriger à court terme et à offrir des points d'achat plus attrayants au cours des mois suivants.

Qu'est-ce que les marchés sous-estiment le plus?

Nous voyons deux situations sous-estimées par les investisseurs:

Premièrement, la possibilité d'une explosion de la bulle obligataire qui est, selon nous, fort probable à long terme. L'investisseur défensif conventionnel a déjà vécu plusieurs crises et a de l'aversion face au risque. Aussitôt qu'il vit une volatilité hors de l'ordinaire, il a tendance à réagir. Nous avons vécu une situation semblable au mois de juin 2013, ce qui a fait chuter les portefeuilles les plus défensifs de façon inhabituelle.

En deuxième lieu, l'appréciation du dollar américain par rapport au dollar canadien est, à notre avis, sous-estimée des investisseurs canadiens. Le manque de compétitivité, la sous-performance du secteur des matières premières, le tout combiné à une faible inflation comparée à une économie américaine qui est en pleine expansion, devraient continuer à contribuer à la tendance baissière du huard à long terme.

Pour les investisseurs, un tel affaiblissement potentiel du huard à long terme va entraîner une sous-performance des Bourses canadiennes justifiant notre allocation surpondérée aux États-Unis en dollars américains.