Les deux grandes sociétés ferroviaires canadiennes sont à des sommets historiques en Bourse. Depuis la sortie de crise économique au printemps 2009, les actions du Canadien Pacifique ont quintuplé de valeur tandis que celles du Canadien National ont plus que triplé. Est-il trop tard pour monter à bord ? Et quel train choisir ? Le CN et le CP croisent le fer dans notre premier duel boursier mensuel.

Le CP à fond de train

Le Canadien Pacifique est nettement le chouchou (tchou tchou ?) de la communauté financière en raison de son potentiel de croissance supérieur. La majorité des analystes qui s'y intéressent en recommandent toujours l'achat malgré son évaluation boursière élevée.

L'action du CP a explosé depuis que l'investisseur activiste William Ackman, de Pershing Square Capital Management, a lancé son putsch en 2012. Hunter Harrison, qu'Ackman a tiré de sa retraite pour mener le redressement du CP, s'applique depuis à confondre les sceptiques qui croyaient qu'un changement de voie ne pouvait pas se produire aussi rapidement dans cette très vieille entreprise.

La société ferroviaire dont les origines remontent en 1881 a encore montré d'excellents résultats au dernier trimestre en transportant toujours davantage de céréales et de charbon avec toujours moins de locomotives et de wagons. Le CP pourrait même gagner en efficacité sur sa grande rivale canadienne et devenir en 2016 le chemin de fer nord-américain le plus efficace, avec un ratio d'exploitation de 60 %, croient certains analystes.

Le transporteur établi à Calgary exploite un réseau de 14 700 milles de voies ferrées. Au Canada, il va de Montréal jusque sur la côte du Pacifique. Aux États-Unis, il dessert surtout le Midwest, mais seulement jusqu'à Kansas City vers le sud. Dans le nord-est, il va jusqu'à New York et Philadelphie.

La croissance des revenus est assurée avec la hausse de la production industrielle au Canada ainsi que l'essor de l'industrie du pétrole lourd et du gaz de schiste. Le transport de ces matériaux et des produits pétroliers est plus payant par tonne transportée que le transport intermodal de marchandises, dont la contribution est appelée à diminuer.

Cela et d'autres changements positifs comme l'amélioration de la cote de crédit, le remboursement de la dette et la vente possible de certains éléments d'actif devraient asseoir la tendance haussière du titre en Bourse en 2014 et au-delà, croit-on. Hunter Harrison, 69 ans, a d'ailleurs prolongé son contrat jusqu'en 2017 pour mener le train à destination.

Ce que disent les analystes à propos du CP

« La performance des actions du CP suivra la forte croissance des bénéfices et des flux de trésorerie au cours des prochaines années. »

- Turan Quettawala, de la Banque Scotia

« Le CP génère de la vapeur avec le vétéran du redressement Hunter Harrison dans le siège du conducteur de locomotive. »

- Keith Schoonmaker, de Morningstar

« En voie de transition entre une histoire de réduction de coûts et une histoire de croissance de revenus. »

- Benoit Poirier, de Valeurs mobilières Desjardins

« CP Rail continue de faire des progrès dans la croissance de son réseau intermodal principal, qui est l'un des secteurs d'avenir clés de l'industrie ferroviaire. »

- Fadi Chamoun, de BMO Marchés des capitaux

L'incontournable CN

Le CN, de son vrai nom « Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada », est vu comme un incontournable dans tout portefeuille d'actions équilibré en raison de sa position dominante dans l'industrie et de ses performances passées. La communauté financière en général s'en tient toutefois à une recommandation de « conserver », en raison de son cours élevé.

Le premier transporteur ferroviaire canadien livre la marchandise. Ses plus récents résultats trimestriels, publiés mardi, montrent des profits de 847 millions, en hausse de 18 %, sur des revenus 17 % supérieurs, à 3,1 milliards. Les prévisions des analystes ont été éclipsées une fois de plus.

Le Canadien National dispose d'un réseau substantiellement plus important que celui de son principal concurrent. Ses 20 600 milles de voies ferrées traversent le pays d'est en ouest et le continent du nord au sud, jusqu'au golfe du Mexique. Cela lui assure une position de leader dans un oligopole.

Le CN, écrit Cameron Doerksen, analyste à la Financière Banque Nationale, est « un premier de classe en matière de rentabilité ». Son ratio d'exploitation, à 63,4 % l'an dernier, est inférieur de six points à celui du CP. Un pourcentage faible indique que l'entreprise est capable de générer des bénéfices, et ce, même si son chiffre d'affaires doit diminuer.

Le transporteur ferroviaire montréalais se distingue aussi par son fort rendement de l'avoir des actionnaires de 21,7 % en 2013. Cela se compare avec 14,3 % pour le CP.

Même si le rendement en dividende des sociétés ferroviaires canadiennes est mince, le CN paie tout de même deux fois plus que le CP, soit 1,4 % contre 0,7 %, avec un taux de croissance sur 5 ans également 2 fois plus important (14 % contre 7 %). Les petits investisseurs apprécieront aussi le fractionnement de leur titre par deux en décembre dernier, ce que tarde à faire le CP dont le titre, à 210 $ pièce, est nettement moins abordable.

« Les niveaux d'évaluation actuels sont bien au-delà des moyennes historiques », prévient Cameron Doerksen. Le titre du CN lui paraît particulièrement vulnérable à une correction. Ce pourrait être une occasion de sauter dans le train.

Ce que disent les analystes à propos du CN

« Restez à bord pour un grand tour. »

- Turan Quettawala, de la Banque Scotia

« Même si le titre est à un niveau historiquement élevé, nous continuons de croire que le CN demeure un placement de base pour les investisseurs. »

- Cameron Doerksen, de la Financière Banque Nationale

« Le solide réseau opérationnel du CN représente un avantage concurrentiel clé qui devrait lui permettre une croissance de volume supérieure à ses compétiteurs. »

- Benoit Poirier, de Valeurs mobilières Desjardins

« Les perspectives demeurent favorables pour tous les secteurs d'affaires du CN. »

- Fadi Chamoun, de BMO Marchés des capitaux