Chaque semaine, un financier répond à nos questions. Il donne sa lecture des marchés, offre son point de vue sur la Bourse et lance quelques conseils d'investissement. Cette semaine, Paul Taylor, vice-président principal, chef des placements et de l'allocation de l'actif chez BMO Gestion mondiale d'actifs, une filiale de la Banque de Montréal.

À votre avis, quel est l'événement le plus significatif des derniers jours à la Bourse ?

Plusieurs indices économiques importants ont été mis à jour depuis deux semaines, concernant surtout le marché du travail (chômage, création d'emplois) et la production manufacturière (ISM).

Ensuite, il y a eu des commentaires de la Réserve fédérale américaine (FED) et de la Banque du Canada : croissance économique encore moyenne aux États-Unis, affaiblie au Canada.

Enfin, le contexte géopolitique mondial s'est compliqué avec la situation en Russie (avec l'Ukraine) et le regain des tensions au Moyen-Orient.

Pour les marchés financiers, ça fait beaucoup de bruits à court terme. Malgré tout, les investisseurs doivent garder le cap sur leurs objectifs à moyen terme.

En ce sens, dans notre stratégie de placement chez BMO Gestion mondiale d'actifs, nous continuons d'anticiper une légère accélération de la croissance aux États-Unis, jusqu'aux environs de 2,5 %.

Nous nous appuyons surtout sur l'amélioration continue des indices liés à l'emploi, la consommation et l'immobilier résidentiel.

Pour le Canada, cette conjoncture américaine améliorée est de bon augure, considérant l'ampleur de nos activités économiques transfrontalières.

Toutefois, le décalage de croissance entre les deux économies devrait se poursuivre. Entre autres parce que les ménages canadiens sont en moins bonne situation financière que leurs vis-à-vis américains.

Quel indicateur suivez-vous le plus attentivement en ce moment ?

En Amérique du Nord, nous surveillons évidemment les principaux indices que j'ai mentionnés auparavant. Mais dans une perspective de moyen terme, pour évaluer les tendances favorables ou non, plutôt qu'en analyse à court terme.

Quant à l'économie mondiale, en Europe d'abord, nous estimons que l'économie régionale est au niveau où était l'économie américaine il y a deux ans environ.

La situation s'améliore, mais requiert encore un suivi attentif de la Banque centrale européenne (BCE). Aussi, il y a encore du stress financier dans l'air, qui pourrait provoquer d'autres épisodes de tumultes sur les marchés.

Cela dit, les multiples de valeur sur les Bourses européennes demeurent plutôt attrayants pour leur potentiel d'appréciation, plus qu'en Amérique du Nord.

Dans les économies émergentes, les indices économiques en Chine demeurent les plus surveillés.

D'une part, la croissance devrait s'y stabiliser autour de 7 %, à notre avis. L'économie mondiale et les marchés boursiers devront s'ajuster à cette croissance moindre.

D'autre part, nous surveillons comment la Chine gérera les problèmes de surconstruction dans ses villes de second niveau, qui pourraient affecter son secteur bancaire. La situation dans les villes de premier niveau (Shanghai, Pékin, Shenzhen, etc.) est beaucoup moins problématique.

Avec la Chine, il faut demeurer vigilant, mais pas nécessairement inquiet.

Que feriez-vous avec plusieurs milliers de dollars à investir ?

Dans notre allocation de placements, nous demeurons surpondérés en actions, tout près de notre maximum admissible (60 %) à long terme.

Et dans ces portefeuilles d'actions, la surpondération la plus marquée demeure en faveur des actions américaines, suivies des actions internationales. Les actions canadiennes suivent en troisième niveau de pondération.

Dans notre allocation par secteurs, nous demeurons surpondérés dans les titres plus cycliques : la consommation discrétionnaire, l'énergie, le secteur industriel et les technologies informatiques.

Toutefois, considérant la forte appréciation des actions américaines, nous commençons à réduire leur surpondération de quelques points de pourcentage, avec des prises de profit.

C'est notre façon de tempérer le risque des portefeuilles de nos clients, après quelques années très payantes, tout en demeurant constructifs pour le moyen terme.

En dépit du scepticisme envers le niveau des Bourses nord-américaines, nous ne croyons pas que les principaux multiples de valeur soient trop étirés (streched) par rapport à leurs moyennes historiques.

En comparaison mondiale, les Bourses nord-américaines se situent encore un peu sous leur juste valeur à long terme, alors que les Bourses européennes et des économies émergentes se situent encore bien en dessous.

À l'opposé, quel placement évitez-vous ces temps-ci ?

Dans le contexte d'une remontée prochaine des taux d'intérêt, nous demeurons très prudents, sinon méfiants, envers les placements en titres obligataires.

Dans notre allocation d'actifs, nous prônons aussi une sous-pondération en actions d'entreprises dont la valeur boursière est plus sensible à l'évolution des taux d'intérêt, comme les télécommunications, les services publics et la consommation courante.

Par ailleurs, nous demeurons hésitants envers le secteur des matières premières. Du moins, tant que la conjoncture économique mondiale ne leur redeviendra pas plus favorable.

Considérant l'influence des matières premières sur la Bourse canadienne, c'est pourquoi nous nous attendons à un certain décalage de rendement par rapport à ses voisines américaines.

Qu'est-ce que les marchés sous-estiment le plus actuellement ?

Au fil de mes discussions avec nos clients, je constate que les investisseurs individuels sous-estiment encore l'impact négatif d'une éventuelle remontée des taux d'intérêt sur la valeur de leurs placements obligataires.

Manifestement, la perception d'une meilleure sûreté du capital attribuée aux obligations semble encore servir de contrepoids aux appréhensions des investisseurs envers une répétition de la crise financière et boursière d'il y a quelques années.

Mais je crois qu'il y a un excès de prudence à cet égard. Et que par conséquent, plusieurs investisseurs négligent le risque sur la valeur de leurs placements en obligations.

Au pire, ce risque pourrait anéantir tout le rendement attendu de ces placements, même après l'encaissement des coupons (paiements d'intérêt).

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Paul Taylor est vice-président principal, chef des placements et de l'allocation de l'actif chez BMO Gestion mondiale d'actifs, une filiale de la Banque de Montréal. Il supervise la gestion d'environ 30 milliards en actifs investis des clients de BMO, dont 20 milliards de sa clientèle fortunée en gestion privée. Diplômé en économie et MBA, et titulaire du titre de CFA, Paul Taylor a 25 ans d'expérience en placements, dont huit chez BMO. Auparavant, il a notamment été président et chef des placements de l'ex-firme d'origine montréalaise TAL Gestion globale d'actifs, lors de son affiliation avec la banque CIBC.