Chaque semaine, un financier répond à nos questions. Il donne sa lecture des marchés, offre son point de vue sur la Bourse et lance quelques conseils d'investissement. Ce dimanche, Luc de la Durantaye, qui est directeur gestionnaire à l'allocation d'actifs et la gestion des devises chez Gestion d'actifs CIBC, à Montréal.

À votre avis, quel est l'événement le plus significatif des derniers jours à la Bourse ?

La semaine a été chargée en nouvelles économiques. Parmi les plus significatives, les nouvelles en provenance des États-Unis ont été particulièrement rassurantes au sujet de l'expansion économique.

Après un lent départ en début d'année, l'expansion du secteur manufacturier se poursuit chez nos voisins du Sud ainsi qu'en Europe et en Chine. La création d'emplois aux États-Unis montre des signes d'accélération.

Toutefois, nous croyons qu'il faudra encore plusieurs mois de croissance similaire avant que la Réserve fédérale américaine (Fed) soit contrainte de devancer la remontée des taux d'intérêt. Pour le moment, cette hausse demeure prévue à compter du quatrième trimestre de 2015.

À la suite de ces bonnes nouvelles, les taux obligataires sont demeurés à des niveaux relativement bas. C'est un signe de la confiance des investisseurs envers la conduite de la politique monétaire des banques centrales et du faible taux d'inflation dans l'économie mondiale.

Quel indicateur suivez-vous le plus attentivement en ce moment ?

Nous suivons l'impact des décisions des banques centrales, notamment en ce qui concerne l'inflation, la création d'emplois et la stabilité du secteur financier. Nous sommes plus attentifs envers les indicateurs précurseurs de l'inflation et de la croissance de l'emploi.

Aux États-Unis, notre attention se porte sur la progression du taux de chômage à long terme et la progression des salaires. Nous croyons que la Fed demeurera patiente à l'égard de son stimulus monétaire tant qu'elle ne verra pas une accélération des salaires liée à une baisse du taux de chômage à long terme.

Du côté de la Banque centrale européenne (BCE), elle est surtout attentive à diminuer les risques de déflation. Ses récentes initiatives tentent de raviver la croissance des prêts bancaires afin de revigorer la croissance économique dans la zone euro. Nous suivrons de près le résultat de ces mesures au cours des prochains mois.

Que feriez-vous avec plusieurs milliers de dollars à investir ?

Notre scénario de base économique prévoit une expansion mondiale modérée au cours des 12 prochains mois. Après une expansion spectaculaire des valorisations boursières depuis un an, l'attrait relatif des actions par rapport aux obligations est moins convaincant.

Néanmoins, nous continuons de croire qu'une répartition d'actifs qui tend à surpondérer les actions et à sous-pondérer les obligations gouvernementales, dans le cadre de portefeuilles équilibrés, devrait générer des rendements excédentaires.

En termes de répartition régionale, les actions européennes et dans certains pays émergents offrent des perspectives de rendement plus encourageantes, compte tenu de leurs faibles multiples cours/bénéfice et leurs perspectives de croissance supérieures.

Quant à la répartition sectorielle, étant donné que nous sommes en expansion économique, les secteurs plus cycliques tels que les entreprises industrielles et technologiques sont plus attrayantes comme investissements de court et de moyen terme.

À l'opposé, quel placement évitez-vous ces temps-ci ?

Les obligations gouvernementales offrent de faibles perspectives de rendement dans un contexte où l'expansion économique devrait se poursuivre au cours de la prochaine année.

En Bourse, les actions d'entreprises américaines se transigent à un multiple cours/bénéfice historiquement élevé. Aussi, la Fed pourrait être la première banque centrale à resserrer sa politique monétaire, ce qui freinerait la forte performance boursière des dernières années.

Nous sommes aussi prudents sur les secteurs boursiers plus défensifs tels que les utilités (services publics) et le secteur de la consommation.

Finalement, nous anticipons une faiblesse de certaines devises telles que l'euro et le yen japonais. Une stratégie de couverture à l'égard de ces devises serait donc recommandée.

Qu'est-ce que les marchés sous-estiment le plus actuellement ?

À court terme, la plus grande surprise pourrait provenir d'une expansion économique aux États-Unis plus forte que prévu, ce qui pourrait pousser la Fed à devancer sa perspective d'une remontée de taux d'intérêt.

Ceci aurait sans doute pour effet de rehausser les taux d'intérêt au moment où plusieurs investisseurs demeurent exposés à un tel risque de taux d'intérêt plus élevés, notamment avec leurs placements en titres à revenu fixe.

Par ailleurs, le niveau d'endettement mondial demeure élevé, ce qui pose un risque à la continuité de l'expansion mondiale après une remontée des taux d'intérêt.

La dette en pourcentage du PIB des plus grands pays du G7 n'a pas cessé d'augmenter depuis le début de la crise économique de 2008. Et depuis un certain temps, les gouvernements ralentissent leurs efforts de stabilisation fiscale, ce qui accroît le risque d'instabilité financière.

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Chez Gestion d'actifs CIBC, Luc de la Durantaye dirige de Montréal l'équipe de la répartition de l'actif et de la gestion des devises. Cette équipe de 21 gestionnaires de portefeuille, analystes et négociateurs est responsable de 21 milliards d'actifs.

Luc de la Durantaye a 28 ans d'expérience dans les placements, dont plusieurs années comme directeur à Toronto avant de revenir à Montréal, sa ville natale.

Il détient le titre d'analyste financier agréé (CFA) et un baccalauréat en finances internationales de l'École des Hautes Études commerciales (HEC) de Montréal.