Chaque dimanche, un financier répond à nos questions. Il donne sa lecture des marchés, offre son point de vue sur la Bourse et y va de quelques conseils d'investissement. Cette semaine, William Kovalchuk, de la firme Claret à Montréal.

Quel a été l'événement le plus significatif des derniers jours en Bourse ?

Les taux obligataires 10 ans du gouvernement des États-Unis ont chuté sous les 2,5 %, malgré les prévisions de la majeure partie des économistes. Le malaise persiste, malgré l'impression gargantuesque de billets.

Les gens refusent de dépenser, car la dette est trop lourde, et l'incertitude des politiques de nos gouvernements met tous les investisseurs sur la ligne de touche. Les obligations 10 ans du gouvernement américain se négocient à 2,44 %, et les obligations 7 ans se sont échangées à 2,01 %.

Au Canada, dans un marché compétitif, nous avons vu cette semaine des taux fixes hypothécaires offerts à 2,79 %. Comme ces taux le démontrent, il existe une faible demande de crédit dans le marché domiciliaire, et les banques se livrent une lutte féroce pour attirer la clientèle disponible.

Quel indicateur suivez-vous le plus attentivement ?

Contrairement à la plupart de nos concurrents, nous ne nous fions pas aux indicateurs macro-économiques pour identifier les occasions. Chez Claret, étant des analystes fondamentaux, nous suivons davantage les indicateurs directement liés aux compagnies et aux industries.

Lorsque les ratios et les évaluations diffèrent des barèmes habituels, nous croyons qu'une occasion d'achat est possible. Les trois indicateurs auxquels nous accordons le plus d'importance sont les ratios de solvabilité, la marge bénéficiaire brutes et les flux de trésorerie disponibles.

Avant d'investir, nous évaluons la possibilité négative du placement et combien nous pouvons perdre. Une fois rassurés qu'une compagnie se transige à l'extrémité du spectre et possédant une possibilité de perte limitée, nous procédons à l'achat de titres.

Une marge bénéficiaire brute stable ou qui s'améliore est un critère important. Les flux de trésorerie disponibles permettent aux entreprises d'effectuer une croissance organique, d'acheter d'autres entreprises, de rembourser des dettes et de verser des dividendes. Ces flux leur permettent également de traverser les périodes difficiles qui surviendront et de réduire la volatilité des prix.

Que feriez-vous avec plusieurs milliers de dollars à investir ?

Lorsqu'un client nous confie un mandat de portefeuille équilibré, nous achetons des obligations corporatives à court terme, avec une échéance moyenne de cinq ans.

Pour les comptes imposables, des actions privilégiées comme celles d'Element Financial, par exemple, sont considérées.

La diversification est extrêmement importante lorsqu'on parle de titres corporatifs. Du côté des actions, nous sommes à l'aise avec des titres comme Cisco, Starz A et une controversée comme Torstar (catégorie B).

Cette dernière société passe notre test de solvabilité, paie un dividende, détient une importante marge bénéficiaire brute et a payé sa dette avec ses flux de trésorerie disponibles. Elle a aussi procédé à la vente de certains actifs.

Quel placement évitez-vous à tout prix ?

Nous évitons particulièrement les obligations gouvernementales à long terme.

Par exemple, les obligations gouvernementales américaines 30 ans ne vous donnent présentement qu'un rendement de 3,3 %. Il s'agit d'une catastrophe annoncée. C'est une recette pour perdre beaucoup d'argent à long terme. Il serait dérisoire d'obtenir, dans le meilleur des cas, un rendement de 3,3 % pour une obligation de 30 ans.

Qu'est-ce que les marchés sous-estiment le plus ?

Les marchés sous-estiment la force et le potentiel de l'économie américaine.

Les bas taux d'intérêt, les fonds de réserve et le solide bilan financier des entreprises sont en attente de politiques gouvernementales stables afin de déployer d'importantes sommes d'argent. Une fois que les entreprises seront rassurées, elles investiront.

Le marché sous-estime les effets de la déflation ou surestime le risque d'inflation. Nous devrons « vivoter » entre les deux pendant un moment.

Les investisseurs sous-estiment l'ingéniosité et le sens de l'innovation de l'être humain et sa capacité à résoudre les problèmes qui pourraient surgir dans l'avenir. Nous avons confiance que l'ingéniosité de l'être humain prévaudra.

***

William Kovalchuk est cofondateur de la firme montréalaise Claret et y travaille depuis 1996 à titre de président et gestionnaire de portefeuille. Il a fait ses études à McGill et à Concordia. Le milliard d'actif sous gestion a été atteint à la fin de la dernière année chez Claret. La firme compte plus de 20 employés, dont 6 gestionnaires de portefeuille.