Cela arrivera inévitablement. Le dynamique taureau, mascotte du marché boursier haussier, laissera la place au gros ours, symbole des années de rendement négatif en raison de leur penchant à regarder en bas. Ce pourrait être pour plus tôt qu'on le croit.

On relance la question du changement de direction de la Bourse alors que les grands indices boursiers américains ont battu des records absolus lundi. Ont suivi des séances boursières instables. Le Dow a notamment largué 1,6 % de sa valeur mercredi et jeudi.

Le doute gagne aussi les marchés boursiers canadiens après le redressement remarquable du secteur de l'énergie et la correction des petits titres. L'indice composé S & P TSX demeure par ailleurs 4 % en deçà de son sommet historique d'avant la crise financière américaine.

Les signaux d'un renversement de tendance ne manquent pas. Le Daily Telegraph de Londres relève au moins 10 signes précurseurs de la fin du ralliement boursier actuel. Première inquiétude : cela fait cinq ans et deux mois que la Bourse progresse, alors que la moyenne historique d'un cycle haussier est de quatre ans seulement. On peut ensuite citer les politiques monétaires désespérées des banques centrales, la fièvre des introductions en Bourse, la bulle des valeurs technologiques et les résultats inférieurs aux attentes et la multiplication des avertissements sur profits futurs des entreprises.

L'ours s'amène habituellement discrètement. Plus rarement, un coup de fusil peut aussi le réveiller brutalement.

« Les ralliements boursiers ne s'arrêtent pas par épuisement, ils prennent fin quand une récession se pointe », pose avec confiance le stratège en chef de RBC Marchés des capitaux, dans une récente étude sur l'occurrence des marchés baissiers depuis 1966.

Cela n'est pas sans évoquer le vieil adage qui dit : « Un marché haussier ne meurt pas de vieillesse », que rappelait déjà avec à-propos à pareille date l'an dernier Jean-Luc Landry, de Gestion de portefeuille Landry.

En fait, sept des huit derniers marchés haussiers ont pris fin avec une récession économique. Le krach de 1987, qui marquait la fin d'une hausse de 229 % sur cinq ans, est le seul revirement attribué à des causes structurelles (diverses).

Le scénario est connu. « Il n'y a pas deux récessions identiques, mais elles ont tendance à suivre le même schéma, rappelle Golub. Règle générale, l'accélération de l'économie brûle les capacités de production. Cela conduit à des pressions inflationnistes, ce qui oblige la Fed à agir. Comme les marchés anticipent des hausses de taux, la courbe de rendement est inversée. La croissance ralentit et, la plupart du temps, l'économie se retourne, en entraînant le marché avec elle. »

Quant à savoir si une récession est dans l'air, le stratège de la RBC est formel : « La reprise économique actuelle est la plus lente depuis la dernière guerre. La croissance est freinée par une reprise immobilière modeste et le manque de confiance des entreprises. En conséquence, il existe une réserve abondante de capacités, ce qui prolonge la durée du cycle. »

Le pivot

Ce point de vue ne fait toutefois pas l'unanimité parmi les stratèges boursiers. Jeff Kleintop, stratège en chef de la firme LPL Financial, de Boston, qui s'est aussi intéressé à l'allure de la Bourse et de l'économie, croit qu'il faut plus qu'une croissance paresseuse des affaires pour soutenir un marché boursier haussier. Une accélération économique s'impose à ce stade, a-t-il récemment expliqué au Wall Street Journal.

Or, une forte reprise n'est pas dans les plans des économistes pour les prochaines années. D'autant plus que la Réserve fédérale, qui a joué un énorme rôle dans le soutien de l'économie et indirectement des marchés boursiers au cours des dernières années, se retire maintenant.

« La Fed est le meilleur allié du taureau. Mais aucune institution n'a jamais réussi à entraver l'ours. On ne peut tromper mère Marché », a écrit la semaine dernière le chroniqueur Michael Sincere, de MarketWatch.

Dix signes précurseurs d'un revirement

1- La durée exceptionnellement longue du marché haussier actuel.

2- La bulle du crédit en Chine.

3- Les politiques monétaires désespérées.

4- La bulle du bitcoin qui dénote la perte de confiance dans les grandes monnaies.

5- La hausse de l'or au début de l'année.

6- Le reflux des capitaux vers leurs pays d'origine.

7- La fièvre des introductions en Bourse.

8- La bulle des valeurs technologiques.

9- Les résultats inférieurs aux attentes et la multiplication des avertissements sur profits futurs des entreprises.

10- La baisse du prix des matières premières.

Source : Daily Telegraph