« Sept pour le prix d'une ! » L'annonce n'a rien de celle d'un marchand de légumes exalté, mais émane au contraire d'un président bien impassible d'une société prestigieuse. Comme Apple, la semaine dernière, de nombreuses sociétés choisissent de fractionner leurs actions. Généralement, pour le plus grand bonheur de leurs actionnaires.

En vogue au début des années 2000, la pratique des fractionnements, ou « splits », selon l'expression consacrée dans le jargon financier, revient au goût du jour avec la forte poussée boursière des dernières années. On en dénombre déjà 4 depuis le début de l'année parmi les 500 principales sociétés américaines cotées et 15 pour toute l'année 2013, ce qui se compare à plus d'une quarantaine pendant le cycle haussier de 2004 à 2007, mais est beaucoup moins que durant l'euphorie internet au tournant du siècle.

Au Canada, 7 grandes entreprises parmi les 254 composant l'indice S & P TSX ont fractionné leurs actions, sur la base de deux ou trois nouvelles actions pour une ancienne, depuis le 1er janvier. Cinq ont fait de même en 2013, comparé à deux seulement en 2012. Le regain d'intérêt pour les « splits » au pays, le fait notamment d'institutions financières, est d'autant plus notoire que les cours boursiers sont généralement beaucoup moins ronflants avec les difficultés des pétrolières et des grandes aurifères.

Impact psychologique

Les fractionnements d'actions sont généralement vus comme un signe de la bonne santé d'une entreprise et sont habituellement appréciés des investisseurs. Cela favorise la liquidité d'un titre, permet une meilleure fluidité des transactions et attire un plus grand nombre d'investisseurs grâce à une valeur unitaire plus faible.

Mais l'impact est surtout psychologique. Cette opération rappelle, en effet, que l'action a monté et que les dirigeants croient que la tendance va se maintenir. Plusieurs études ont mis en évidence une légère surperformance de l'action après un fractionnement. Exception faite étonnamment pour les banques canadiennes, selon une étude récente de la firme Barclays Capital. L'analyste John Aiken a même constaté une performance moindre de ces titres par rapport au marché, trois mois après le fait. « Si l'on se base sur l'expérience bancaire canadienne, il semble que les fractionnements sont surtout vus comme la confirmation d'une forte avancée déjà révolue », explique-t-il.

D'autres recherches universitaires montrent que l'effet dépend toutefois aussi de la composition de l'actionnariat de la société. Le magazine Financial Review a notamment montré que l'annonce d'un « split » est perçue d'autant plus positivement par le marché que les dirigeants possèdent une part importante de la société en question ou que l'entreprise est petite.

Ce ne fut pas le cas pour Google, dont le titre s'est trouvé fractionné par deux à la suite du versement d'un dividende extraordinaire en actions, au début du mois. Ce fut plutôt l'occasion pour les porteurs de longue date de prendre leur profit. « Pourquoi ne pas céder la moitié des actions maintenant qu'on en a deux fois plus ? », se sont dit les actionnaires qui ont vu leur investissement doubler en deux ans seulement.

Apple et le Dow

En de rares occasions, un fractionnement peut aussi permettre de qualifier un titre pour intégrer un indice boursier. C'est apparemment une des motivations d'Apple qui pourrait ainsi rejoindre le club sélect du Dow Jones des industrielles, équivalent financier du Panthéon romain. L'indice créé par Charles Dow en 1884 repose en effet sur la moyenne simple des cours boursiers des 30 participants. Un titre à plus de 500 $ US comme AAPL fausserait l'équation, tandis que, divisé par sept, il se glisse plus facilement dans l'ensemble.

Les modifications apportées aux indices peuvent entraîner l'achat et la vente de millions d'actions. On peut compter pour cela sur les closet indexers, ces gestionnaires de portefeuille qui tentent de générer un rendement similaire à celui de leur indice de référence sans le répliquer exactement.

Le poids idéal

Chaque pays a sa fourchette idéale de cours boursiers, des seuils psychologiques liés à des raisons historiques ou culturelles.

Au Canada, à l'occasion d'introductions en Bourse, les émetteurs s'arrangent généralement pour que l'action soit entre 10 et 30 $. On note, par ailleurs, une tendance parmi les titres fractionnés, et notamment du côté des banques, à vouloir ramener le prix à environ 50 $ pièce.

Aux États-Unis, plus de trois sociétés sur cinq du S & P 500 pèsent plus de 50 $ et 20 % valent au moins 100 $. Le titre américain le plus coûteux est toujours l'action de catégorie « A » du fonds Berkshire de Warren Buffett, qui cote à plus de 190 350 $ US l'unité.

En Europe, on semble rechercher un cours compris entre 15 et 100 euros (de 22 à 150 $). C'est notamment le cas des trois quarts des titres composant l'indice général de la Bourse de Paris.

Voyez les sept titres fractionnés du TSX depuis janvier :

Alimentation Couche-Tard

Division : 3 pour 1

Date : 23 avril 2014

Gain depuis un an : 54 %

Home Capital Group

Division : 2 pour 1

Date : 11 mars 2014

Gain depuis un an : 63 %

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Division : 2 pour 1

Date : 19 février 2014

Gain depuis un an : 76 %

Banque Nationale

Division : 2 pour 1

Date : 14 février 2014

Gain depuis un an : 20 %

Banque Toronto-Dominion

Division : 2 pour 1

Date : 3 février 2014

Gain depuis un an : 27 %

Badger Daylighting

Division : 3 pour 1

Date : 28 janvier 2014

Gain depuis un an : 186 %

West Fraser Timber

Division : 2 pour 1

Date : 14 janvier 2014

Gain depuis un an : 7 %