Chaque semaine, un financier répond à nos questions. Il donne sa lecture des marchés, offre son point de vue sur la Bourse et donne quelques conseils d'investissement. Cette semaine, Charles Lefebvre, chef des placements et responsable de la répartition des actifs chez Optimum Gestion de placements, à Montréal.

À votre avis, quel est l'événement le plus significatif des derniers jours à la Bourse?

Le ralentissement simultané des deux plus grandes économies du monde contemporain, soit les États-Unis et la Chine.

Du côté américain, l'effet est d'autant plus important, compte tenu de l'optimisme qui était partagé par l'ensemble des économistes dans le dernier droit de l'année 2013. Nous avons plutôt été témoins de plusieurs mauvaises nouvelles économiques qui ont poussé ces derniers à réviser à la baisse leurs perspectives de croissance économique. Bien que la météo hivernale ait joué un rôle défavorable à cet égard, nous avons tout de même constaté un ralentissement dans tous les secteurs de l'économie.

Du côté de la Chine, on savait que les années de croissance économique à deux chiffres étaient révolues. Mais ce qu'on ne savait pas, c'est qu'une crise dans le secteur bancaire chinois viendrait amplifier l'incertitude financière suscitée par ce ralentissement de la croissance économique.

De plus, le gouvernement chinois paraît décidé à ne pas intervenir dans les dossiers de sociétés éprouvant des difficultés financières associées à de mauvais prêts. La Chine semble vouloir laisser aux lois du marché les moyens de régulariser cet énorme défi financier.

Quels indicateurs suivez-vous le plus attentivement en ce moment?

Je suis attentivement l'évolution du prix du cuivre et de l'indice des propriétés en Chine. Ces deux indicateurs sont en quelque sorte reliés puisque la Chine importe 40 % de la production mondiale de cuivre.

Compte tenu de la mondialisation des flux financiers, ces indicateurs ont le mérite d'avoir anticipé les dernières crises économiques. En comparaison, près de 85 % des indicateurs ont plutôt tendance à être un peu décalés par rapport à l'activité économique.

Pour le moment, aucun des deux indicateurs que je surveille le plus - cuivre et propriétés en Chine - ne semble annoncer un renversement de la tendance d'une croissance économique moindre, qui s'est amorcée en début d'année.

Bien sûr, les événements géopolitiques peuvent altérer nos analyses. En ce sens, des événements récents, incluant la crise en Ukraine, devraient aggraver l'état de santé déjà précaire de l'économie mondiale.

Néanmoins, comme gestionnaire de placement et d'allocation d'actifs, l'un de mes objectifs est de tenter d'anticiper plusieurs mois à l'avance le prochain resserrement de la politique monétaire américaine.

Parce que lorsqu'il surviendra, ce resserrement monétaire sera sans aucun doute l'événement le plus susceptible de bousculer les marchés financiers nord-américains et internationaux.

Que feriez-vous avec plusieurs milliers de dollars à investir?

Considérant les événements géopolitiques qui émergent un peu partout et la faiblesse de la croissance économique mondiale, je voudrais certainement détenir une position d'encaisse importante en ces temps qui s'annoncent plus tumultueux.

De plus, les évaluations sur les cours boursiers dans leur ensemble ne sont plus à des niveaux attrayants. Quant au marché obligataire, il a déjà réalisé une bonne partie du rendement que nous en avions espéré pour l'année en cours.

Cela dit, il y a des secteurs en Bourse que je considère encore attrayants par rapport à l'ensemble du marché.

Au niveau géographique, j'anticipe un meilleur potentiel de rendement - surtout par rattrapage en fait - sur la Bourse canadienne comparativement aux États-Unis et à l'Europe.

Quant aux secteurs préférés sur la Bourse canadienne, je vois le meilleur potentiel de rendement dans les titres aurifères et d'énergie.

Entre autres parce qu'ils devraient se comporter mieux, en placements défensifs, si la conjoncture économique devait s'avérer en deçà des attentes encore trop élevées, à mon avis.

À l'opposé, quels placements évitez-vous ces temps-ci?

Je serais plutôt prudent sur les différents marchés boursiers dans les économies développées et les économies émergentes. Je favoriserais les titres défensifs, comme les titres aurifères et d'énergie, et je m'assurerais de pouvoir profiter d'une correction, le cas échéant.

Dans ce contexte, je favoriserais les placements qui ont une plus faible volatilité, afin de générer un rendement composé à long terme qui soit plus avantageux.

À mon avis, c'est important de mettre l'ensemble d'un portefeuille le plus à l'abri possible des soubresauts et des fluctuations à court terme sur les marchés financiers.

Qu'est-ce que les marchés sous-estiment le plus actuellement?

L'élargissement des écarts de crédits corporatifs. Parce qu'il amplifie le risque de dévaluation des titres de dette d'entreprises à taux d'intérêt plus élevés en cas de ralentissement confirmé du momentum économique.

À l'inverse, sur les quelques mois à venir, je continuerais de miser davantage sur les actifs financiers qui sont sujets à performer dans un contexte politique et une conjoncture économique encore fragile.

Par exemple, je considère que la météo hivernale difficile en Amérique du Nord ne peut expliquer à elle seule la faiblesse des statistiques économiques des derniers mois.

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Charles Lefebvre est chef des placements et responsable de la répartition des actifs chez Optimum Gestion de placements. Il est actuaire de formation et détenteur du titre d'analyste financier certifié (CFA).

Optimum Gestion de placements est une firme montréalaise d'une trentaine de professionnels qui gère 6,5 milliards en actifs pour une clientèle d'investisseurs institutionnels et privés.