Walmart affirme que sa mission est de réduire le coût de la vie des consommateurs grâce à ses « bas prix de tous les jours ». À l'occasion du 20e anniversaire de l'arrivée du détaillant au Canada, La Presse+ s'est demandé s'il avait véritablement eu une incidence sur votre portefeuille.

L'empreinte d'un géant prénommé Walmart

Taxes, électricité, essence, habitation, câble... On a l'impression que le coût de la vie augmente sans cesse. Et plus rapidement que ses revenus. C'est justement pour aider les familles de la classe moyenne qui se sentent écrasées que Walmart dit s'acharner quotidiennement à baisser ses prix.

« Notre mission est de faire baisser le coût de la vie des Canadiens », se plaît à dire la présidente de Walmart Canada, Shelley Broader. D'ailleurs, en 2009, le détaillant a remplacé son slogan des 19 années précédentes, « Des bas prix de tous les jours », par « Économisez plus. Vivez mieux. ».

Sur son site web, le détaillant va jusqu'à raconter qu'en 2011, le nombre d'articles faisant l'objet des chutes de prix a doublé, passant à 9000. C'est ainsi que Walmart baptise ses soldes, qui durent en moyenne six semaines, précise Chantal Glenisson, vice-présidente principale de l'exploitation pour Walmart au Québec. Cette initiative aurait permis aux clients cette année-là d'économiser plus de 30 millions, prétend le détaillant. Un chiffre impossible à vérifier. Depuis trois ans, Walmart n'a pas refait un tel exercice.

« C'est un peu exagéré de dire qu'ils font économiser les Canadiens. Il y a toujours eu des enseignes à escomptes [...]. C'est le fait que la concurrence est intense avec Costco, Target, Home Depot et les autres qui fait baisser les prix », juge JoAnne Labrecque, experte en commerce de détail à HEC Montréal. Dans le secteur de l'alimentation, les principales enseignes à bas prix sont Maxi, Maxi & Cie et Super C.

Facture d'épicerie

Avec l'ajout constant de nourriture fraîche dans ses succursales qui sont transformées petit à petit en Supercentres, Walmart vante aujourd'hui le prix de son panier d'épicerie.

Le plus gros détaillant du monde prétend que ses prix sont « de 8 à 20 % moins élevés que ceux des épiciers conventionnels » comme Metro, IGA et Provigo. Pour s'assurer de toujours être dans le coup, Walmart se targue de comparer 140 000 prix par semaine, ce qui inclut évidemment l'épicerie.

Il serait toutefois plus juste de comparer les prix de Walmart avec ceux des autres enseignes à escomptes. Ce que réalise justement sur une base régulière un expert en vente au détail à la BMO. Les résultats de son analyse peuvent être consultés dans le prochain onglet de ce reportage.

Les Supercentres ont eu « un impact considérable dans l'industrie alimentaire en forçant tous les épiciers [conventionnels et à escomptes] à être plus efficients, à réduire leur structure de coût et leurs marges de profit », confirme JoAnne Labrecque. Les économies réalisées sont évidemment transmises aux consommateurs, l'objectif ultime étant de conserver ses parts de marché.

« Agressivité dans les circulaires » 

Chantal Glenisson observe d'ailleurs « plus d'agressivité dans les circulaires » depuis un certain temps. Tant Metro qu'IGA multiplient en effet les cadeaux avec achat. Provigo, de son côté, a commencé à offrir des rabais sur l'essence. En Ontario, on a beaucoup vu de BOGO (Buy One, Get One Free). De plus, Metro et Loblaws/Provigo ont lancé des programmes de fidélisation qui réduisent la facture d'épicerie de leurs clients. Autant de stratégies qui profitent aux consommateurs.

La guerre de prix que se livrent les supermarchés est assez féroce pour peser sur leurs résultats financiers. Par exemple, en 2013, Metro a réalisé un chiffre d'affaires inférieur (- 0,4 %) à celui de l'année précédente. Et ça n'a pas été beaucoup plus facile pour ses concurrents.

Autre donnée révélatrice : on ne mange pas moins, mais on dépense moins pour notre épicerie. L'an dernier, chaque Canadien a dépensé en moyenne 2490 $ dans les épiceries pour se nourrir, ce qui représente une baisse de 1,5 % par rapport à 2012, selon le Canadian Grocer. Au Québec, la moyenne est de 2625 $, en baisse de 0,1 %. Est-ce l'effet Walmart ? Difficile à dire. Chose certaine, les consommateurs prennent goût aux bas prix. Les magasins à escomptes accaparent désormais 39,5 % du marché, contre 34,7 % en 2008, révèle le magazine.

Les PME québécoises qui fabriquent notre nourriture croient-elles que Walmart réussit à réduire la facture d'épicerie ? « Toutes les enseignes disent «Venez chez nous, on est les moins chers» », répond Sylvie Cloutier, PDG du Conseil de la transformation agroalimentaire et des produits de consommation (CTAC). Cette culture du plus bas prix inquiète d'ailleurs la dirigeante. « Quand tu gardes les prix à la baisse, il y a quelqu'un d'autre qui en paie le prix. C'est avantageux pour le consommateur, mais nos entreprises deviennent moins concurrentielles, car elles ont moins les moyens d'investir en R-D et en équipements ».

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Une étude publiée par Discount Store News avait montré qu'en moyenne, les prix des biens courants ont chuté au Canada de 8 % entre janvier 1994 et février 1995, rapporte Walmart.

Les concurrents de Walmart ont baissé leurs prix

Expert en commerce de détail à la Banque de Montréal, Peter Sklar compare régulièrement les prix dans les supermarchés. Lors de l'arrivée au Québec des Supercentres de Walmart, à l'été 2011, il a composé un panier contenant 70 produits pour analyser la réaction des supermarchés aux alentours.

Son constat : les prix avaient diminué de 2 à 6 %. Un an plus tard, il a refait l'exercice. Tandis que les prix chez Walmart étaient demeurés stables, ceux de ses concurrents à proximité avaient remonté de 3,5 à 8,0 %. Peter Sklar a continué depuis à comparer les prix dans la région de Montréal.

« Notre enquête démontre que Maxi et Maxi & Cie ont baissé leurs prix à un niveau souvent égal, et quelques fois inférieur, à Walmart Supercentre », a-t-il écrit dans une note aux investisseurs le mois dernier. Pour faciliter les comparaisons, il rapporte le coût du panier de Walmart à 100 $.

Aliments moins chers en ligne ?

« La concurrence en ligne s'intensifie au Canada grâce au nouveau site web de Walmart », affirmait le détaillant en inaugurant sa nouvelle plateforme de commerce en ligne, le 7 novembre dernier. Qui dit concurrence accrue sous-entend évidemment des baisses de prix. Étant donné que le nouveau site walmart.ca comprend un vaste choix d'aliments non périssables, nous avons décidé de faire quelques comparaisons.

Or, l'exercice n'est pas simple pour une raison... bien simple : l'offre alimentaire en ligne demeure peu développée au Québec. Des trois grands épiciers - Loblaws, IGA et Metro -, seule l'enseigne IGA vend de la nourriture en ligne. Mais IGA n'est pas un détaillant à escomptes, et les succursales n'offrent pas toutes la livraison. Pour comparer des pommes avec des pommes, il aurait fallu pouvoir acheter du riz et des biscuits sur les sites de Maxi et Super C. Mais cela n'est pas possible.

Nous nous sommes donc tournés vers Costco.ca. Or, son offre alimentaire en ligne est assez limitée. On y trouve surtout du café et du thé, des produits gourmets, de la viande en très gros format et beaucoup de produits exclusifs (ce qui empêche les comparaisons parfaites).

C'est finalement avec Amazon.ca, qui a ajouté l'alimentation à son immense offre le 31 octobre (8 jours avant Walmart !), que l'exercice est le plus faisable et équitable. Mais encore là, ce n'est pas toujours juste puisqu'il faut souvent acheter en grande quantité (12 boîtes de mélange à crêpes Aunt Jemima, 12 boîtes de soupe). De plus, dans certains cas, les aliments se retrouvent dans un Panier Plus, ce qui signifie que le produit ne sera pas expédié tant et aussi longtemps que le client n'aura pas acheté pour 25 $, auquel cas la livraison sera gratuite dans un délai de 4 à 8 jours.

Dans certains cas, nous avons trouvé les produits sur les sites de détaillants qui sont loin d'être des supermarchés, comme Home Depot qui vend du café et des produits d'entretien ménager notamment, afin d'avoir un aperçu des prix du marché.

Évidemment, le coût et la vitesse de livraison demeurent d'importants facteurs dans l'équation. Chez Walmart, elle est toujours gratuite, même pour un pot de miel ou un mélange à gâteau. Du moins pour l'instant. On se doute que cela n'est pas très rentable et vise à acquérir des parts de marché ou de constituer une banque de données sur les clients. « Quand les gens achètent de la nourriture en ligne, ils achètent aussi autre chose. C'est très rare que les consommateurs achètent seulement de la nourriture », explique Chantal Glenisson, vice-présidente principale de l'exploitation pour Walmart au Québec.

Par ailleurs, Walmart offre la livraison à domicile ou au bureau de poste de son choix. Cette dernière option s'avère pratique pour ceux qui ont un chalet à la campagne, qui résident loin d'un Walmart ou qui n'ont pas de voiture.

Comment économiser sur sa facture d'épicerie grâce à la techno ?

Les applications pour téléphones intelligents et tablettes disponibles au Canada qui permettent de réduire sa facture d'épicerie sont encore peu nombreuses.

Ta Circulaire fait partie des plus intéressantes que nous avons dénichées. Disponible sur iPhone, et dans quelques semaines sur Android, l'application collige toutes les circulaires des détaillants en alimentation. Ainsi, il est possible d'identifier rapidement quelle enseigne vend les tortillas et le jus de pomme le moins cher en ce moment. Les soldes de dix chaînes de supermarchés sont agrégés, et il est possible d'exclure ceux qui ne nous intéressent pas.

Les aliments sont classés par catégorie, en ordre alphabétique. Quand un solde nous attire, il suffit de mettre le produit dans notre panier. Après avoir cherché tout ce qu'il nous manque pour regarnir notre garde-manger et notre frigo, l'application construit une liste d'épicerie par détaillant. Cela est utile pour décider à quel(s) endroit(s) faire notre épicerie.

Le créateur de Ta Circulaire, Pierre-Luc Grenier, raconte l'avoir conçue pour lui-même, afin d'éviter de perdre du temps à fouiller dans les circulaires en papier, ce qu'il « déteste ».

A-t-il réduit sa facture d'épicerie ? « Oui, c'est évident. Je n'ai pas de chiffres à l'appui. Mais ça me sauve du temps et le temps, c'est de l'argent ! », s'exclame-t-il.

Jusqu'ici, son application a été téléchargée 30 000 fois. Pierre-Luc Grenier explique que plusieurs consommateurs l'utilisent pour faire appliquer la politique du prix imbattable chez Maxi. Ainsi, le téléphone remplace les circulaires des concurrents au moment de payer à la caisse.

Les Québécois peuvent aussi télécharger les applis de Metro (éponyme) et Loblaws/Provigo (PC Plus), liées à leur programme de fidélisation. Il leur est alors possible d'avoir accès facilement aux aubaines de la semaine et à des promotions personnalisées en fonction de leurs achats antérieurs, et de faire des listes d'épicerie (à partir de la circulaire, d'une recette ou d'un code à barres). PC Plus offre une fonction de partage de la liste d'épicerie par texto ou courriel. Celle de Metro propose des coupons mobiles.

En outre, il existe des sites pour les couponneuses.

Pour sa part, soscuisine.com propose des recettes en fonction des spéciaux de la semaine et, moyennant un abonnement à 9,99 $ par mois, conçoit des « menus budget » hebdomadaires selon les soldes. « Chaque repas complet, nourrissant et équilibré vous coûtera environ 2,50 $ par personne », indique-t-on.