Annick nous écrit. Fort bien, d'ailleurs.

Nous sommes un couple de professionnels dans la trentaine. Nous venons d'accueillir notre premier enfant dans notre vie, une petite fille. 

Je suis en congé de maternité, et je m'y plais. Je prévois normalement un retour au travail en septembre, toutes mes prestations seront écoulées.

Avant de tomber enceinte, j'ai fait un retour aux études à temps partiel, en m'inscrivant à un diplôme d'études supérieures spécialisées.

Nous jonglons actuellement avec l'idée que je poursuive mon congé, en prenant une année sabbatique, pour pouvoir donner un coup dans mes études, mais aussi pour que je m'occupe de notre fille à la maison. 

Nous gagnons bien notre vie, avec nos deux salaires, nous arrivons à payer sans problème notre hypothèque pour notre condo à Montréal, et nous épargnons tous les deux en cotisant dans un REER et dans le régime de pension de notre employeur.

Mais voilà, difficile de savoir si, avec le seul salaire de mon mari, nous pourrions joindre les deux bouts. Difficile de savoir de quelle façon seraient ajustées les prestations pour enfant, les déductions d'impôt pour un seul salaire pour le ménage et pour les études que je poursuivrais... Donc, dans cette optique, difficile de faire un scénario et d'évaluer la situation. 

Serait-ce possible de nous aider à y voir plus clair, et ainsi nous permettre de décider si je peux poursuivre mon congé de maternité, tout en y combinant les études ?

Portrait

Annick, 33 ans

Salaire : 63 000 $

Prestations durant le congé de maternité : 1130 $/deux semaines incluant la participation de l'employeur

À partir de mars : 672 $/2 semaines

Cotisation au REER : 350 $/deux semaines

REER personnel : 6800 $

REER avec son employeur : 30 000 $

Prêt étudiant : solde de 65 400 $

Sébastien, 37 ans

Salaire : 76 000 $

Cotisation au régime de retraite simplifié de son employeur : 150 $/deux semaines

Régime d'achat d'actions de son employeur : 150 $/deux semaines

Cotisation à son REER personnel : 150 $/deux semaines

REER personnel : 24 300 $

Régime de retraite simplifié : 31 000 $

Actions de son employeur encaissables dès maintenant : 8000 $

Actions de son employeur encaissables en novembre : 5500 $

Poupon, 5 mois

Cotisation à son REEE : 100 $/mois

Budget

Propriétaires d'un condo

Solde hypothécaire : 239 000 $

Versements hypothécaires : 639 $/2 semaines

Dépenses courantes (épicerie, électricité, Communauto, frais de copropriété...) : 1250 $ par mois

Solution

Études à l'étude

Une année d'études. Une année sabbatique. Donc, une année de restrictions.

Reste à savoir lesquelles.

Malheureusement (façon de parler), « ça m'apparaît être des gens disciplinés, organisés, à leur affaire », observe le planificateur financier David Paré, de Desjardins Valeurs Mobilières.

En d'autres mots, on trouve peu de dépenses superflues, sinon aucune, à comprimer dans leur budget.

« Les dépenses de 1200 $ par mois, incluant les frais de condo et l'épicerie, montrent que ce ne sont pas des gens qui vivent au-dessus de leur capacité », souligne le planificateur.

Sur la base du salaire d'Annick d'environ 60 000 $ par année, il estime qu'un arrêt de travail d'août 2014 à août 2015 entraînerait une baisse de revenus d'environ 40 000 $ en 12 mois.

Cette baisse aura-t-elle l'effet inverse sur les diverses prestations gouvernementales, s'enquiert Annick ?

Les revenus du couple demeurent trop élevés pour ouvrir la porte aux crédits de TPS et TVQ, répond David Paré.

La Prestation universelle pour la garde d'enfant (PUGE), à 1200 $, et le soutien aux enfants, à 805 $, restent imperturbablement ancrés à leur niveau actuel.

Toutefois, le Soutien aux enfants grimperait à 1200 $, en hausse de 539 $.

Reste à peine 39 461 $ à trouver pour boucler l'année...

Geler l'épargne

Pour y parvenir, Denis Paré propose une première solution bien de saison : « Il faudra mettre l'épargne sur la glace. »

En temps normal, Annick verse 9000 $ par année dans son REER. Les conjoints ajoutent également 100 $ par mois dans le REEE de leur petit poupon. Les lointaines études dudit poupon et la très distante retraite de sa mère peuvent tolérer une interruption des versements pendant un an. « Avec la discipline qu'ils démontrent, ils pourront rattraper le temps perdu », fait valoir notre planificateur. Voilà 10 200 $ de plus en caisse.

En théorie, Sébastien pourrait également récupérer 7800 $ en interrompant sa contribution au programme de retraite simplifié de son employeur et à son programme d'achat d'actions. « Je ne le ferais pas tout de suite parce que l'entrepreneur contribue de la même somme, avise toutefois David Paré. L'investissement de Sébastien procure 100 % de rendement au départ. Je l'utiliserais en dernier recours. »

La contribution de Sébastien proviendrait plutôt des actions qu'il détient chez son employeur. Il peut encaisser une valeur de 5000 $ en actions dès maintenant, et aura accès à une autre liasse de 8000 $ en novembre prochain.

Le prêt hypothèque est présentement remboursé au rythme accéléré d'un paiement à intervalle de deux semaines. Pendant l'année sabbatique, le paiement pourrait être ramené à la fréquence mensuelle normale. Annick gagnerait ici environ 1380 $ pendant ces 12 mois.

Répit REEP

Pour les 15 000 $ manquants, il faudra faire appel au Régime d'encouragement à l'éducation permanente.

Chacun des conjoints « peut retirer jusqu'à 10 000 $ par année, jusqu'à la limite totale de 20 000 $ pour la période » de participation au REEP, indique l'Agence du revenu du Canada.

Attention, cependant. Le REEP n'est autorisé que pour des études à temps plein. Annick avait déjà entamé son DESS (diplôme d'études supérieures spécialisées) avant la naissance de son bébé. Ses études sont-elles trop avancées pour qu'elle puisse les compléter avec un statut d'étudiant à temps plein?

Informons-nous auprès de l'intéressée.

« Je pourrais retourner à temps plein à l'automne 2014 et à temps partiel à l'hiver 2015, ou à temps partiel aux deux sessions », nous répond Annick.

Si elle veut retirer 10 000 $ de son REER et demander à son conjoint de retirer 5000 $ du sien, il faudra donc qu'elle s'inscrive à temps plein à l'automne 2014 et que les retraits soient effectués avant la fin de l'année.

« Puisque ce sont des gens qui ont une bonne discipline d'épargne, je ne vois pas de problème à utiliser ce régime, observe David Paré. On sait qu'elle va rembourser son REER dans le futur. »

En somme, le planificateur donne le feu vert. La décision de démarrer ou non revient à Annick.

Nouvelles dépenses

« Il faut ajouter deux coûts, rappelle toutefois David Paré : les frais de garde - s'ils sont chanceux, ils auront une place en garderie à 7 $ - et les frais de scolarité. »

Une simulation sommaire sur la calculatrice du site de l'Aide financière aux études montre qu'avec une unique session à plein temps, Annick pourrait obtenir un prêt de près de 2000 $. Il servira à couvrir une bonne partie de ces frais.

Retour aux études : petit test express

Trois questions sur les circonstances d'un retour aux études, soulevées par la situation d'Annick.

Question 1

Vous retournez aux études à temps plein après quelques années sur le marché du travail. Vous n'avez pas encore terminé le remboursement de votre premier prêt étudiant. Pourrez-vous l'interrompre pendant vos nouvelles études?

La bonne réponse

Oui. « La personne qui a commencé à rembourser une dette d'études contractée au cours d'études à temps plein et qui retourne aux études à temps plein profite à nouveau d'une exemption du remboursement », explique Pascal Ouellet, porte-parole du ministère de l'Enseignement supérieur, de la Recherche, de la Science et de la Technologie.

L'établissement d'enseignement confirmera à l'Aide financière aux études les renseignements qui permettront à celle-ci d'accorder s'il y a lieu une interruption du remboursement de la dette de l'étudiant.

« L'Aide financière aux études en informe son établissement financier et recommence à payer les intérêts sur le solde de sa dette, ajoute Pascal Ouellet. L'étudiant a aussi avantage à prévenir son établissement financier de son retour aux études à temps plein. »

Cependant, l'exemption de remboursement ne sera pas accordée pour un étudiant qui avait contracté ce prêt pour des études à temps plein et qui retourne étudier à temps partiel.

Question 2

Votre retour aux études entraîne une baisse temporaire du revenu familial, qu'il faudra combler avec un retrait dans le cadre d'un REEP. Vaut-il mieux répartir le retrait REEP entre les deux conjoints ?

La bonne réponse

Selon l'actuaire et planificateur financier Dany Provost, vice-président du cabinet Planium, c'est le taux effectif marginal d'imposition (TEMI) qui déterminera dans quel compte REER on préférera puiser.

Le TEMI mesure l'impact fiscal réel sur le dernier dollar ajouté ou retiré du revenu, en tenant compte des mesures sociales et des crédits d'impôt qui pourraient s'en trouver influencés.

« On choisira le compte du conjoint ayant les TEMI les plus faibles », précise Dany Provost. De cette manière, l'impact fiscal sera moins important dans le cas où le retrait REEP ne serait pas remboursé au REER selon les modalités prescrites (dans lequel cas le versement minimal qui aurait dû être fait durant l'année est ajouté aux revenus du titulaire du REER).

De même, si, en raison d'une capacité d'épargne limitée, le remboursement du retrait REEP prend la place d'une cotisation normale au REER, le coût de renonciation à la déduction fiscale de celle-ci sera moins douloureux.

Les sommes retirées du REER ne produiront plus de rendement. Est-ce un facteur de décision en faveur de l'un ou l'autre compte ? « Comme on ne peut savoir à l'avance quel conjoint va faire le meilleur rendement (un profil audacieux a plus de chances de faire un meilleur rendement... mais pourrait aussi en faire un moins bon), on ne peut déterminer dans quel REER puiser les sommes sur la simple base du rendement », répond Dany Provost.

Question 3

Vous participez à un REER collectif avec votre employeur. Pouvez-vous y faire un retrait pour un REEP ?

La bonne réponse

Une réponse tout en nuances de gris : peut-être.

Selon le site de la Régie des rentes du Québec, les employés qui cotisent à un REER collectif « peuvent utiliser, au besoin, les sommes versées pour accéder au Régime d'accession à la propriété (RAP) et au Régime d'encouragement à l'éducation permanente (REEP) ».

« D'un point de vue fiscal, il n'y a pas de différence avec un REER personnel mais dans la réalité, lorsqu'un employeur contribue au REER, il arrive qu'il restreigne les retraits en cours d'emploi », explique Michèle Frenette, présidente de GRMF inc., cabinet spécialisé dans les régimes de retraite collectifs.

« La plupart vont accepter les retraits pour le RAP, parce que l'employé demeure à l'emploi », poursuit-elle. Toutefois, comme les études à temps plein impliquent que le demandeur laisse temporairement son emploi, l'employeur pourrait être tenté de refuser les retraits REEP.

Autre nuance : « Le retrait pourrait être permis pour la part versée par l'employé, mais pas pour celle versée par l'employeur. »