Réduire ses dettes, dépenser moins, épargner plus... Le désir de mettre de l'ordre dans ses finances figure parmi les résolutions les plus populaires pour le nouvel an. Mais plusieurs consommateurs manquent d'outils pour passer de la parole aux actes. Nous avons consulté les meilleurs experts pour vous concocter un petit mode d'emploi visant à redresser votre situation financière.

LE BUDGET : L'INCONTOURNABLE DE LA SANTÉ FINANCIÈRE

Le secret pour mettre fin à l'angoisse financière existe. Même que vous le connaissez ! On vous a sûrement déjà bassiné les oreilles avec son importance. Mais son évocation provoque malheureusement des grimaces de dégoût chez bien des consommateurs.

Un budget ! Voilà le premier geste à faire pour prendre ses affaires en main. L'idée de passer en revue ses revenus et ses dépenses, calculatrice à la main, donne de l'urticaire à bien des gens, mais les experts sont unanimes : c'est la première étape, incontournable.

« Vouloir améliorer sa situation financière sans faire d'abord un budget, c'est comme vouloir perdre du poids sans avoir de balance », illustre Jacques Nantel, professeur de marketing à HEC Montréal et spécialiste du comportement des consommateurs.

« Certains veulent faire des projections pour s'assurer d'avoir assez de revenus à leur retraite, pendant 30 ou 40 ans, mais ils ne connaissent même pas leur coût de vie actuel et ne peuvent pas équilibrer leur budget d'une seule année. Rien ne sert d'utiliser un télescope pour voir loin si nous n'avons même pas de lunettes bien ajustées pour voir de près », souligne le planificateur financier Daniel Laverdière, expert-conseil pour Gestion privée 1859, division de la Banque Nationale.

LES YEUX SUR LA CIBLE

Comment trouver la motivation pour s'y mettre ? Il faut y voir le premier pas vers la réalisation de ses objectifs, voire de ses rêves ! Une maison, un voyage, une retraite à l'abri du besoin... En gardant son but en tête, il est plus facile d'y arriver, soulignent les spécialistes.

« Quand on n'a pas d'objectif ni de projet, on peut dépenser tout ce qu'on gagne et on n'aura pas de problème, souligne le planificateur financier François Morency, de la firme Aviso. Ce sont nos objectifs qui dictent les actions à poser. »

Parler de ses objectifs à ses proches est une bonne façon de s'encourager à les atteindre, suggère M. Morency. « Si vous souhaitez amasser 6000 $ pour faire un voyage à Disneyworld avec vos enfants et que vous le leur dites, ils vont se charger tous les jours de vous le rappeler », lance-t-il.

Il faut avoir des projets à court, à moyen et à long terme, que l'on peut tenter d'atteindre simultanément. Bien sûr, amasser de l'argent pour la retraite est un objectif important et même nécessaire. « Mais il faut quand même se faire plaisir à court terme, dit François Morency. Des objectifs qui s'atteignent plus vite sont importants pour la motivation. Par exemple, amasser la mise de fonds pour l'achat d'une maison nécessite un programme d'épargne d'au moins cinq ans. Mais quand on y arrive, ça nous donne toute une satisfaction. »

D'accord pour la motivation. On ne manque certainement pas d'idées pour des projets à réaliser. Mais ensuite, comment s'y prendre concrètement ?

Un budget doit répertorier tous les revenus et les dépenses. Pour vous aider à ne rien oublier, il existe des grilles budgétaires, des cahiers de budget, des logiciels, des applications. À vous de choisir le système qui vous convient le mieux.

Suivre son argent à la trace permet de réaliser l'ampleur des « petites » dépenses qui, additionnées les unes aux autres, expliquent les fins de mois difficiles. Ou les postes budgétaires qui accaparent une portion trop grande de vos ressources. Une fois que vous aurez une idée claire de votre situation, vous pourrez passer à l'étape suivante.

POUR EN SAVOIR PLUS

Les sites web d'Option consommateurs et de plusieurs associations coopératives d'économie familiale (ACEF) proposent des outils gratuits. L'application Planifier pour iOS et Android, créée par l'ACEF du Grand-Portage, est notamment offerte dans les boutiques en ligne App Store et Google Play ou encore sur le site www.acefgp.ca.

Pour ceux qui ont besoin d'une aide plus sérieuse, les ACEF offrent des consultations budgétaires gratuites. Pour trouver l'organisme d'aide aux consommateurs de votre secteur www.consommateur.qc.ca/associ.htm.

L'HEURE DES CHOIX

Les chiffres qui s'additionnent dans la colonne des dépenses de votre budget risquent d'avoir un effet révélateur, en vous faisant prendre conscience des fuites insoupçonnées. Aviez-vous réalisé que vous dépensiez autant pour vos services de télécommunications ? Ou en bouffe minute ? Ou en soins de beauté ? Ces dépenses sont-elles vraiment nécessaires ?

La vaste majorité des ménages ayant des revenus limités, alors que les occasions de dépenser sont infinies, il faut évidemment faire des choix.

Mais c'est une habitude qui semble se perdre, constate Jacques Nantel, professeur à HEC Montréal. « Dans le budget moyen des ménages, certains postes de dépenses sont devenus de plus en plus importants. Des dépenses qui ne sont pas essentielles semblent être devenues nécessaires pour bien des gens », note-t-il.

Quelques exemples ? Les massages, le restaurant, les voyages, la location ou l'achat d'une résidence secondaire, etc. « Les dépenses de transport prennent de plus en plus d'ampleur, elles ont même dépassé les dépenses d'alimentation, souligne M. Nantel. Les gens refusent de faire des compromis sur leur capacité à se déplacer quand et comment ils le veulent. Quand on voit l'augmentation du nombre de voitures par ménage, on est loin de l'utilisation rationnelle des transports. »

Même chose pour les télécommunications, ajoute-t-il. Il est maintenant normal pour un ménage d'avoir un téléphone fixe, deux téléphones mobiles, un branchement à l'internet et un service de câblodistribution ou de télé par satellite. Au début des années 2000, la facture mensuelle était d'environ 39 $, alors qu'elle dépasse souvent 150 $ aujourd'hui, une hausse de près de 300 % ! « Pas étonnant que le taux d'endettement continue d'augmenter », déplore M. Nantel.

ÉVITER DE PRENDRE SES DÉSIRS POUR DES BESOINS

Bien des ménages ne vivent pas selon leurs moyens, mais en fonction de leurs désirs, quitte à utiliser le crédit si nécessaire.

Pour redresser la situation et faire les choix qui s'imposent, comment doit-on s'y prendre ? La réflexion doit se faire en couple, et même en famille, en fonction de ses propres préférences, ses valeurs et ses besoins. « Est-ce que les tendances, la mode, les amis, la famille, les voisins ont un impact sur votre décision d'acheter ? Posez-vous la question », suggère Karine Robillard, conseillère budgétaire à Option consommateurs.

En analysant le budget, on pourrait réaliser qu'on paie pour des services inutiles, ou qu'on les utilise peu. « On n'a pas toujours besoin d'utiliser le réseau cellulaire pour avoir accès à l'internet, si on est souvent dans des zones où un réseau Wi-Fi est offert, suggère Daniel Latendresse, conseiller à l'ACEF de Lanaudière. Et pour la télé, on paie souvent pour des canaux qu'on ne regarde pas. Pourquoi ne pas utiliser les ondes hertziennes ? »

MAXIMUM DE PLAISIR, MINIMUM DE DÉPENSES

François Morency propose de pousser la réflexion un cran plus loin : en regardant vos dépenses, demandez-vous si elles vous apportent suffisamment de plaisir, étant donné ce qu'elles vous coûtent.

« En se donnant des contraintes, on peut même augmenter son plaisir, souligne-t-il. La rareté crée de la valeur. Plutôt que d'acheter plein de choses qui ne serviront pas, mieux vaut se limiter à ce qui nous apporte réellement du plaisir. Si on sort au resto seulement pour les grandes occasions, on en profitera plus que si on y va tous les jours. »

De la même façon, calculez les prix des produits de consommation en nombre d'heures de travail, suggère M. Morency. « Suis-je prêt à travailler trois heures pour avoir cette paire de chaussures ? »

Il existe bien des façons peu coûteuses - et même gratuites ! - de se faire plaisir. Il s'agit simplement d'y penser.

POUR EN SAVOIR PLUS 

Comparez le budget de votre ménage à la moyenne canadienne, selon votre quintile de revenu, grâce aux données de Statistique Canada.

LA LISTE DES GESTES PAYANTS

Le budget fait maintenant partie de vos habitudes ? La réflexion est entreprise sur les choix à faire ? Le moment est maintenant venu d'adopter des stratégies pour atteindre vos objectifs.

Voici les résolutions que suggèrent nos experts pour la nouvelle année : 

ÉPARGNEZ !

On nous le répète sur tous les tons. « Tous les jours, on nous demande des conseils en planification financière [REER ou CELI, comment payer moins d'impôts, quels investissements rapportent le plus, etc.]. Ces conseils sont utiles, mais ce n'est pas ce qui crée la richesse et la réussite financière. C'est l'épargne qui permet d'atteindre les objectifs financiers.

- Sylvain Chartier, planificateur financier, Banque Nationale

Payez-vous en premier

Déterminez la somme que vous voulez - et pouvez ! - épargner pour réaliser vos projets à court et à long terme. « Payez cette somme d'abord et vivez avec le reste, car vivre d'abord et épargner le reste, ça ne fonctionne pas. »

- François Morency, planificateur financier, Aviso

Automatisez l'épargne

« Forcez-vous à mettre de l'argent de côté en programmant des virements automatiques à partir de votre compte de banque, selon votre période de paie, vers un compte d'épargne. Lorsque l'habitude est ancrée ou que la situation financière le permet, augmentez la somme. »

- Marguerite Pernice, planificatrice financière, Banque Nationale

Limitez vos dépenses

« Pour les retraités, le défi est souvent de se discipliner en matière de dépenses. Faites déposer vos revenus [souvent mensuels] dans un compte à haut rendement offert par plusieurs institutions bancaires et faites transférer chaque semaine dans un compte ordinaire la somme nécessaire à vos dépenses hebdomadaires. Respectez cette somme pour éviter de vous retrouver à la fin du mois les poches vides. »

- Guylaine Dufresne, planificatrice financière, Banque Laurentienne

Fixez-vous des objectifs réalistes

« Se donner des objectifs trop ambitieux est la meilleure façon de les rater ! Allez-y par petites étapes. Commencez par un seul geste, comme mettre une somme de côté à chaque paie, réduire une dépense, accélérer le remboursement d'une dette, etc. On se donne ainsi plus de chances de réussir et c'est stimulant pour continuer sur la même voie. Mettre de côté 20 $ par semaine est un petit geste, mais à la fin de l'année, ça représente tout de même 1040 $ ! »

- Roger Lafrance, conseiller, ACEF Montérégie-Est

Payez vos dettes

Commencez par celles qui vous coûtent le plus cher en intérêts (cartes de magasin, cartes de crédit, marges de crédit ou, pire, prêteurs sur gages...). « Les dettes dont les intérêts sont déductibles d'impôts [prêts étudiants, hypothèque sur édifice à revenus] peuvent se retrouver au bas de la liste. Il ne sert à rien de mettre de l'argent de côté dans un CELI à 2 % d'intérêts si vous payez 18 % sur le solde de votre carte de crédit. »

- François Morency, planificateur financier, Aviso

Constituez un coussin de sécurité

En mettant de côté, idéalement, l'équivalent de trois mois de dépenses courantes (six mois pour les travailleurs autonomes). « Constituez-vous aussi un compte "fonds de roulement", où vous déposerez une somme mensuelle pour les dépenses non récurrentes [Noël, taxes municipales, permis de conduire, assurances auto, immatriculations, rentrée scolaire...] afin d'avoir les sommes quand arrive la dépense. »

- Karine Robillard, avocate et conseillère budgétaire, Option consommateurs

Réfléchissez avant d'acheter

Prenez un temps de réflexion de quelques jours avant de faire un achat. Il y a de bonnes chances que le désir d'acheter s'estompe. Acheter d'occasion est aussi une solution pour sauver de l'argent. 

- Karine Robillard, avocate et conseillère budgétaire, Option consommateurs

Évitez le crédit

La carte de crédit peut être un mode de paiement, mais ne devrait pas être un mode de financement. « Chez les plus jeunes, surtout, plusieurs considèrent la marge de crédit comme un fonds de roulement. Ils estiment que ça fait partie de leur cash flow. On est très loin de la gestion budgétaire. »

- Jacques Nantel, professeur, HEC Montréal

Informez-vous

« Les produits financiers [REER, CELI, fonds communs, obligations et autres] sont nombreux, complexes et réglementés. C'est pourquoi il est important de s'informer et de poser des questions aux professionnels ou aux personnes responsables. Vous avez le droit d'exiger de comprendre les produits et leurs conséquences juridiques ou fiscales pour savoir s'ils répondent à vos besoins ou à vos objectifs financiers. »

- Caroline Ouellet, notaire, Éducaloi