Chaque samedi, un financier répond à nos questions. Il donne sa lecture des marchés, offre son point de vue sur la Bourse et lance quelques conseils d'investissement. Cette semaine, Roland Lescure, de la Caisse de dépôt et placement du Québec, revient sur 2013 et offre sa perspective sur les marchés au cours de la prochaine année.

Quel a été l'événement le plus significatif en 2013?

Quand on prendra un peu de recul, on constatera que l'année a marqué la fin de la baisse historique des taux d'intérêt. Ça faisait 30 ans que ça durait. Aujourd'hui, c'est terminé. Mais c'est un défi très important pour tous les investisseurs parce qu'il va falloir qu'on intègre dans nos réflexions ce que ça veut dire de vivre 5, 10 ou 15 ans dans un univers où les taux vont sans doute monter.

Quels indicateurs suivez-vous le plus attentivement?

Il y a trois zones qui vont nous préoccuper de près cette année. Les États-Unis sont maintenant entrés dans une phase d'expansion durable. Ils ne sont plus dans une phase de reprise. La variable importante pour que la situation se poursuive est la création d'emplois.

Du côté de l'Europe, il y a des préoccupations. Il faut surveiller le bilan des banques et des institutions financières. C'est un peu un secteur à deux vitesses là-bas. Il y a quelques grandes banques internationales qui sont sous la loupe de tout le monde. On peut espérer qu'elles soient relativement en santé. Mais les plus petites qui passent plus sous le radar nous préoccupent davantage.

Le troisième point est la mise en place de réformes structurelles dans les pays émergents. La Chine a annoncé en octobre son programme pour les 10 à 12 ans qui viennent. Il faudra suivre son exécution. Il y aura par ailleurs des élections en Inde, en Turquie et au Brésil. Voilà trois pays qui ont beaucoup souffert en 2013. Avec des risques politiques, ils devront mettre en place des réformes structurelles.

Que feriez-vous avec plusieurs milliers de dollars à investir?

Les [facteurs] fondamentaux à long terme des pays émergents nous semblent porteurs. Mais pour en profiter, un investisseur doit pouvoir s'appuyer sur des connaissances et une expertise, car les marchés émergents sont très variés. Il faut l'aide d'un gestionnaire qui sait sélectionner les bons pays au bon moment et déployer le capital de manière progressive. 2014 sera une année faite d'opportunités dans les marchés émergents, mais aussi avec de la volatilité.

D'un autre côté, nous aimons aussi beaucoup les entreprises de qualité. C'est-à-dire les grandes entreprises globalisées qui bénéficient du cycle mondial et qui bénéficient indirectement de la croissance dans les pays émergents, mais qui sont des entreprises gérées de manière presque ennuyeuse. Elles doivent générer beaucoup de liquidités, être peu endettées et offrir beaucoup de visibilité sur leurs revenus futurs.

Le meilleur exemple est Apple comparativement à Coca-Cola. Dans cinq ans, il est peu probable que Coke vende plus de bouteilles qu'aujourd'hui. Pas beaucoup plus, ni beaucoup moins. Pour Apple, bien malin celui qui peut dire combien d'iPad et d'iPhone il se vendra dans cinq ans.

Nous préférons donc Coke à Apple. Il y a encore de la valeur dans les entreprises comme Coke. D'autres exemples d'entreprises que nous aimons sont le Canadien National, Palmolive, Nestlé et Yum. Il faut évidemment y aller avec une perspective de trois à cinq ans, et non pas de trois à cinq mois.

Quel placement faut-il éviter?

RSans les éviter à tout prix, il ne faut pas avoir beaucoup d'espoir envers les obligations gouvernementales. Elles ne rapportent pas beaucoup. Elles permettent d'assurer le capital si on les porte à échéance. Leurs vertus sont la liquidité et la protection du capital.

Qu'est-ce que les marchés sous-estiment le plus?

Je dirais l'impact que la reprise américaine aura sur les taux d'intérêt, car nous allons entrer dans un cycle de resserrement monétaire. Systématiquement, cela a des impacts sur les multiples boursiers. L'expansion américaine aidera la hausse des profits. Mais il y aura aussi un vent de face qui est le resserrement monétaire. Il est donc très probable qu'en 2014, ce soit plus difficile qu'en 2013 sur les marchés américains.