Chaque samedi, un financier répond à nos questions. Il donne sa lecture des marchés, offre son point de vue sur la Bourse et lance quelques conseils d'investissement. Cette semaine, le gestionnaire de portefeuille André Chabot.

Q À votre avis, quel est l'événement le plus significatif des derniers jours à la Bourse?

R En fait, un tel événement, selon nous, remonte à la fin de la semaine dernière, avec l'annonce de 204 000 emplois créés aux États-Unis. C'était important parce que ça confirmait l'autonomie de l'expansion de l'économie américaine, indépendamment de la récession en Europe et du ralentissement dans les pays émergents.

Depuis, les derniers jours ont été relativement tranquilles en Bourse, avec peu de nouvelles d'importance pour l'économie et les entreprises.

Les principaux indices boursiers ont donc continué à monter, mais sans direction claire. À notre avis, ça demeure correct à moyen terme, même si on entend plus de questions sur la «cherté» des cours boursiers.

Si une correction survenait bientôt, nous croyons qu'elle serait limitée et qu'elle ne marquerait qu'une courte pause d'un marché haussier.

Q Quel indicateur suivez-vous le plus attentivement en ce moment?

R En fait, nous en suivons deux, mais de type macro-économique et très liés. Il s'agit de l'évolution des taux d'intérêt et celle du taux d'inflation.

En ce qui concerne les taux d'intérêt, nous ne croyons pas au consensus d'une remontée prochaine et soutenue. Au contraire, nous sommes assez convaincus qu'au-delà de la possibilité d'une petite hausse à court terme, les taux d'intérêt demeureront bas encore longtemps. La raison? C'est qu'il n'y a pas d'inflation dans nos économies avancées, aux États-Unis, au Canada et en Europe. Et c'est l'inflation qui influence souvent le plus l'évolution des taux d'intérêt.

L'inflation dans nos économies provient surtout de la hausse du coût des services, en particulier la main-d'oeuvre et les salaires. Or, on ne perçoit aucune pression haussière sur ce plan, à moyen terme.

Quant à l'impact inflationniste appréhendé de cette injection massive de liquidités par la Fed (Réserve fédérale américaine), ça demeure très peu probable d'ici trois ans, à notre avis.

Q Que feriez-vous avec plusieurs milliers de dollars à investir?

R Nos avis se concentrent sur les placements en actions parce que ça correspond aux mandats que nous confient nos plus grands clients parmi les investisseurs institutionnels. Ainsi, malgré les turbulences et la volatilité à très court terme, les principaux indices boursiers nord-américains ne sont encore qu'à mi-chemin d'un cycle haussier.

C'est pourquoi nous suggérons à nos clients fortunés de moins de 50 ans, par exemple, d'avoir un portefeuille à long terme presque à 100% en actions. Et dans un tel portefeuille d'actions, nous recommandons d'être pondéré à 50% aux États-Unis, 25% au Canada et 25% en Europe.

Quant aux marchés émergents, ils pourraient éventuellement s'insérer en quatrième position, mais de façon très minime et pas avant un certain temps. Nous avons déjà été très investis dans ces marchés il y a quelques années, mais ils ont encore trop de problèmes à résoudre avant de redevenir intéressants.

Q Quel placement évitez-vous à tout prix?

R Toujours selon nos mandats principaux de gestion de portefeuille d'actions, nous évitons ces temps-ci d'investir dans les titres de matières premières et d'énergie. Parce que, dans nos économies avancées, il y a un important cycle de déflation des matières premières et, donc, un faible potentiel de croissance à moyen terme dans ce secteur.

Nos portefeuilles d'actions ont beaucoup profité du supercycle des matières premières durant les années 2003 à 2007. Mais la récession de 2008 a engendré de la surcapacité et la déflation des prix dans tout ce secteur. Ce fut accentué aussi par le ralentissement de croissance dans les économies émergentes.

Tout cela crée des conditions très difficiles pour faire croître les résultats des entreprises de matières premières.

Q Qu'est-ce que les marchés sous-estiment le plus actuellement?

R J'ai deux points à proposer, d'autant plus qu'il s'agit, selon nous, de facteurs positifs pour les investisseurs boursiers.

Le premier, c'est l'impact prochain en Bourse du creux de récession que vient de passer l'Europe. Les plus récentes données économiques en Europe suggèrent que le deuxième trimestre de 2013 amorçait une sortie de récession. Ça demeure sous-estimé même si l'Europe économique, dans son ensemble, est aussi importante que les États-Unis. Quand tout ce bloc économique se met à aller mieux, ça peut être très positif pour l'ensemble de la Bourse.

Le deuxième facteur que les marchés sous-estiment, à notre avis, est l'aspect autonome et soutenu de la croissance économique aux États-Unis. Cette économie demeure une locomotive sur le plan mondial, tant pour le lancement d'un nouveau cycle d'expansion que pour les progrès technologiques qui créent de la valeur en Bourse.