«Lors de notre rencontre matinale le 9 mars 2009, je ne savais plus quoi dire à mes conseillers pour leur éviter de sombrer dans le désespoir devant la crise financière qui secouait le monde entier.»

C'est en ces termes qu'un ami, alors directeur d'une grande firme de courtage en valeurs mobilières à Montréal, me décrivait l'ambiance qui régnait dans le monde de l'investissement à ce moment. Jamais, jusqu'à ce jour, n'avait-il ressenti un tel pessimisme autour de lui. Sa carrière avait pourtant commencé 30 ans plus tôt.

Curieusement, c'est précisément ce jour-là que les Bourses ont touché le creux et ont entrepris une remontée spectaculaire. L'indice-phare de la Bourse de New York, le S&P 500 est à la hausse de 150 % depuis cette date fatidique.

Le phénomène est fréquent. Souvent à la Bourse, lorsque tout le monde semble croire que le marché va s'apprécier, c'est le contraire qui se produit et le marché dérape complètement. Qui ne se souvient pas de l'éclatement de la bulle techno en 2000, alors que le degré d'optimisme des investisseurs avait atteint son paroxysme. Le contraire est tout aussi vrai comme le démontre l'épisode de mars 2009.

De nombreuses études ont été effectuées pour expliquer ce phénomène, et elles débouchent sur différentes théories. Certaines concluent que la nature humaine ne peut éviter ces excès. D'autres, que le comportement des investisseurs est souvent irrationnel.

L'explication la plus pragmatique est plutôt la suivante : si tous les investisseurs sont optimistes, force est de croire qu'ils ont déjà pris position en ce sens et ont utilisé toutes leurs liquidités pour acheter. Il ne reste donc plus personne pour soutenir la demande et permettre à la tendance à la hausse de se poursuivre. Comme il n'y a plus d'acheteurs, la moindre mauvaise nouvelle risque de déclencher un mouvement à la baisse qui peut être violent, car tous ceux qui veulent vendre ne trouvent aucun preneur. Évidemment, l'inverse est aussi vrai. Lorsque tous sont pessimistes, ils ont tous déjà vendu.

L'investissement contrarien

Ce phénomène de renversement de tendance lorsque tout le monde semble être du même côté est reconnu et utilisé même par les plus grands investisseurs. C'est Warren Buffett qui dit: «Nous tentons simplement d'être avides alors que tous sont craintifs, et craintifs lorsque tous sont avides.»

Durant la crise, Warren Buffett en a profité pour engranger 10 milliards de profits en investissant 26 milliards dans six compagnies, dont la banque d'affaires Goldman Sachs, alors que les conditions du marché du crédit s'étaient resserrées comme rarement auparavant.

L'investisseur moyen aurait fait aussi bien que l'oracle d'Omaha s'il avait investi en Bourse en même temps que lui. «Vous réalisez vos meilleurs achats lorsque les investisseurs sont les plus craintifs», confiait récemment Buffett au Wall Street Journal.

Cette façon de faire a été baptisée l'investissement contrarien. Cela consiste à investir à contre tendance, soit en achetant lorsque tout le monde vend, et en vendant lorsque tout le monde achète.

Les indicateurs

Comment peut-on mesurer le sentiment des investisseurs? Il existe des indicateurs pour vous aider. Ils sont par nature très techniques, mais ils valent la peine d'être examinés. Et ils s'appliquent autant aux indices boursiers qu'aux titres individuels.

Parmi les plus utilisés, il y a le RSI, soit l'indicateur de force relative, explique Ismaël Chiadmi, directeur de l'analyse quantitative chez Montrusco Bolton. Il s'agit d'un oscillateur qui varie entre 0 et 100. Une lecture au-dessus de 70 indique un état suracheté. Une lecture en dessous de 30 indique que l'indice ou le titre est survendu. Cette mesure est disponible sur tous les bons sites d'analyse technique.

Une lecture de l'oscillateur très élevée révèle donc un niveau d'enthousiasme, voire d'avidité des investisseurs, très grand. Cela survient généralement après que l'indice ou le titre se soit beaucoup apprécié. Et s'il faut en croire ses propos, cela inquiète même Warren Buffett.

Plusieurs enquêtes ou sondages auprès des investisseurs servent également à mesurer leur sentiment. Ceux-ci sont-ils bullish oubearish sur les perspectives du marché?

Une des plus suivies est celle de l'American Association of Individual Investors (AAII). Menée chaque semaine, cette enquête indique le pourcentage d'investisseurs bull, bear ou neutres. Lorsque le pourcentage des bull devient nettement supérieur à sa moyenne historique, c'est que les investisseurs sont de plus en plus exubérants, ce qui devrait inciter à se méfier, sinon à craindre le pire. Et inversement, lorsque le pourcentage des bear excède largement sa moyenne, c'est que le degré de pessimisme est très élevé, ce qui est peut-être le prélude à un renversement de tendance. Les résultats de l'enquête sont disponibles sur le site de l'AAII.