Vous êtes préoccupé par des questions environnementales et sociales et vous aimeriez quand même faire fructifier votre épargne? Qu'à cela ne tienne, l'industrie financière peut répondre à vos besoins: l'investissement socialement responsable (ISR) prétend intégrer vos préoccupations environnementales, sociales et de gouvernance à la gestion financière traditionnelle.

Apparus sur le marché il y a près de 25 ans, les fonds consacrés à l'ISR sont désormais au nombre de 70 au Canada et leur actif atteignait 16,1 milliards au 30 juin dernier, mais ils ne représentent que 1,8 % de l'actif total de 907 milliards en fonds, selon l'Institut des fonds d'investissement du Canada. Au Québec, le Mouvement Desjardins a lancé son premier fonds ISR en 1990, le Desjardins environnement, puis quatre portefeuilles ISR en 2009, de sorte qu'en juin dernier, les actifs sous gestion des produits ISR atteignaient 1 milliard.

«Nous observons, particulièrement depuis les cinq dernières années, un réel intérêt de la part de nos membres et de nos clients, qui se traduit par une augmentation des encours dans les fonds ISR. Celui-ci est passé de 1 % en 2008 à 6,3 % de tous les encours dans les fonds Desjardins en 2012. Et ces investissements touchent maintenant 13 % de nos membres et de nos clients», constate Rosalie Vendette, conseillère principale en ISR au Mouvement Desjardins.

Personne n'est contre la vertu, mais, comme le dit le proverbe, le diable est dans les détails. Or, nous n'avons pas tous la même définition de ce qui est «bon»! Il ne faut donc pas se surprendre que les critères de sélection ne soient pas les mêmes d'un fonds ISR à l'autre. Ainsi, pour créer l'indice Jantzi Social Index, composé de 60 «bonnes» sociétés canadiennes, Sustainalytics exclut celles qui fabriquent de l'armement ou des systèmes militaires, celles qui produisent de l'énergie nucléaire et celles qui fabriquent des produits du tabac, en plus d'ajouter d'autres critères. Mais d'autres fonds excluent l'alcool, le jeu, la pornographie et scrutent la performance environnementale.

Or, malgré les exclusions, le contenu du Jantzi Social Index (JSI) ressemble tout de même passablement à un fonds d'actions traditionnel: la Banque Royale, la TD, la Banque de Nouvelle-Écosse, Suncor, le CN, la Banque de Montréal, BCE, la CIBC, Valeant Pharmaceuticals et Potash Corp. en sont les 10 titres les plus importants. Des banques? Vraiment? Pourtant, elles prêtent à des entreprises qui sont exclues de l'indice!

Et Suncor est tout de même un acteur important dans les sables bitumineux. Ce n'est d'ailleurs pas la seule pétrolière liée aux sables bitumineux que l'on trouve dans le JSI. Pas sûr que Steven Guilbeault, d'Équiterre, ou que le comédien américain Robert Redford, qui qualifie ces sables de «pétrole le plus sale de la planète» dans une pub vitriolique sur l'internet, soient d'accord avec cette définition de «bon».

Sachant cela, l'écologiste en vous aura peut-être de la difficulté à accepter que les titres de Suncor et de Cenovus Energy comptent respectivement pour 8 % et 4,2 % du fonds Desjardins environnement. Pour les autres titres, comme la Banque TD, le CN, la Manuvie, CGI, la Banque Royale et le fabricant de pièces automobiles Magna, on les trouve dans bien des fonds traditionnels.

Bref, l'investisseur qui se veut socialement responsable devra examiner attentivement le contenu d'un fonds pour y retrouver «ses valeurs» avant d'y investir. Mais, n'est-ce pas la première règle du placement: savoir ce que l'on achète?

«Aucune entreprise sur Terre n'est parfaite. Le vrai but de l'ISR est de sélectionner des entreprises dont les pratiques surpassent celles de leurs pairs. Nous sélectionnons des fonds communs dont les gestionnaires travaillent à faire changer les pratiques environnementales, sociales et de gouvernance des entreprises dans lesquelles ils investissent, ce que j'appelle "l'engagement actionnariat"», défend Pascale Imbeau, conseillère en placements chez Valeurs mobilières Banque Laurentienne, dont environ la moitié de l'actif qu'elle gère est investi selon des normes ISR.

À cet égard, elle privilégie deux familles de fonds: celle des Fonds éthiques de placements NEI et celle de Méritas. Dans la première, elle recommande quatre fonds: le Fonds d'actions canadiennes Éthique NEI, le Fonds éthique spécialisé d'actions NEI, le Fonds multistratégique américain NEI et le Fonds de dividendes mondial Éthique NEI.

Pour ceux qui veulent investir dans des fonds qui pratiquent le microcrédit communautaire, ces petits prêts à des particuliers pour démarrer des entreprises, Pascale Imbeau souligne que 2 % de l'actif de chaque fonds Méritas y est consacré.

Performance

Il semble que l'investisseur ne perde pas au change en investissant dans des fonds ISR: «Globalement, les rendements des fonds ISR ne sont ni meilleurs ni pires que ceux de la plupart des autres fonds: il y a une poignée de fonds solides, quelques autres comme ci comme ça et un grand nombre qui offrent une contre-performance. La réalité est que, du point de vue du rendement, la plupart des fonds ISR ne sont guère impressionnants. Un des problèmes de l'ISR est son coût. Plusieurs fonds ISR affichent des RFG bien au-delà de la moyenne de leurs catégories. Certains affichent des frais de gestion (RFG) de près de 3 % ou même plus. Ce sont des niveaux de frais très élevés à surmonter avant de dégager une performance supérieure», juge Dave Paterson, président de Paterson & Associates, firme de consultants spécialisée dans la recherche et l'analyse de fonds.